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La Izquierda Diario
11 de juin de 2018 Twitter Faceboock

L’Amérique d’abord... même tout seul
Trump saborde le G7 en retirant son accord sur le commerce
Max Demian

Alors que les membres du G7 se félicitaient d’un accord commercial ayant enfin abouti suite à de laborieuses tractations, il aura suffi à Donald Trump d’un seul tweet pour tout envoyer valser. Au-delà du comportement erratique du Président Américain, c’est surtout une nouvelle étape dans la politique nationaliste agressive du « America First » tant vanté par Trump, au risque de s’aliéner de ses anciens alliés et imposer son agenda en force, et surtout tout seul.

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Un G7 sous haute tension

Il est tout d’abord utile de rappeler que le G7 a été formé dans les années 70 à l’initiative des pays qui constituaient, à l’époque, les huit plus grandes puissances de l’époque – la Russie ayant été exclue suite à l’annexion de la Crimée. Ce « club des pays riches » formait une sorte de club des superpuissances et façonnaient l’ordre mondial néolibéral alors hégémonique à l’époque.

A ce titre, la crise ouverte au G7 est l’expression de la crise de l’ordre mondial suite à la crise de 2009. Car si le diagnostic du recul de l’hégémonie américaine et la fin d’une époque est actée, les méthodes divergent, entre le camp des « multilatéralistes » et celui, minoritaire, mais à l’offensive, de Donald Trump.

En cela, les tensions couvaient à l’approche du G7, qui se déroulait dans un contexte tendu de montée du protectionnisme et d’instabilités géo-économiques : guerre commerciale sino-américaine, imposition par les Etats-Unis de droits de douane, mais aussi hausse du cours du pétrole ou encore probable remontée des taux de la FED et de la BCE.

Si les négociations semblaient s’être bien déroulées, certains, à l’instar d’Emmanuel Macron, n’ont pas hésité à qualifier celles-ci d’« avancées », quand bien même « cela ne réglait pas tout. » Donald Trump lui-même s’est montré conciliant au cours des négociations, offrant au « G6 » un peu de répit, après avoir été malmené des semaines durant. L’accord commercial signé par tous les membres laissaient même présager une accalmie géopolitique et économique alors que les menaces de protectionnismes entre l’UE et les Etats-Unis ou le Canada et les Etats-Unis menaçaient.

Toutefois, en un tweet, Trump a tout fait voler en éclat. Répondant à Justin Trudeau, son homologue américain, il a qualifié celui-ci de « malhonnête et faible », après avoir menacé d’imposer des droits de douane sur les voitures – et dont la principale cible serait bien entendu l’Allemagne.

Cette réaction est une illustration de plus de la politique menée par le Président de mettre un terme à l’ordre global multilatéral et mobiliser les principales forces américaines – le dollar et la puissance militaire – pour imposer sa volonté de façon coercitive au reste du monde, au moment où son hégémonie est en plein déclin. Comme l’indique Dominique Moïsi dans un article paru dans Les Echos : « De facto l’Amérique de Trump ne semble plus croire qu’en la force et ce, paradoxalement, au moment où, de manière comparative, elle en a le moins, depuis 1945... » Le risque, toutefois, est de s’aliéner ses alliés et déclencher une réaction en chaîne.

Des réponses attendues de l’Union Européenne et du Canada

Le Canada et l’Union Européenne ont immédiatement fait savoir qu’ils riposteraient aux menaces de Donald Trump. Il paraît en effet peu probable que l’Europe, le Canada, mais aussi d’autres pays comme le Mexique, se contentent de subir passivement les ires de Donald Trump. Les conséquences pourraient être, outre la perte de crédibilité géopolitique, le risque d’encourager Donald Trump dans ses tentatives d’imposer par la force sa volonté et saper toujours plus l’ordre multilatéral. Pris dans cette contradiction – comment protéger l’ordre multilatéral face à une Amérique protectionniste ? – il reste aux pays alliés à cibles des produits hautement symboliques et politiquement couteux pour les Etats-Unis. Le Canada prévoyait, à l’approche des midterm, de cibler des « swings states » (Etats indécis dans leur vote) comme la Pennsylvanie ou la Floride, en taxant respectivement le chocolat ou le jus d’orange ; de même le Mexique a menacé de taxer les importations de porc, qui pourrait frapper durement la base électorale d’agriculteurs de Trump.

Comme l’écrivait le Financial Times : « Ce weekend, a montré un monde en pleine confusion, l’Amérique a abdiqué ses responsabilités. Le reste du monde devrait en tirer les conséquences. »

Des alliés pas si unis, surtout en Europe

La photo de classe présente évidemment les pays opposés à Trump comme campant fermes sur leurs positions, défenseurs vaillants de l’ordre multilatéral et unis comme une seule et belle famille ; certains, à l’instar de Macron, sont même allés jusqu’à parler de « G6+1 », faisant référence à l’Amérique qui fait désormais bande à part face à un bloc soudé en face. Toutefois, au-delà de l’irénisme de façade, chaque puissance essaie de surmonter à son avantage cette tendance à la crise organique en faisant passer son agenda.

Car les contradictions au sein des pays alliés sont loin d’être résolues, surtout en Europe. Le député européenne Guy Verhofstadt a été jusqu’à affirmer que « Trump resserre les rangs européens. » Voire. Cela semble relever du pur phantasme. Certes, une frange de la bourgeoisie, convaincue par le projet européen, tente de profiter du désordre ambiant pour pousser plus avant l’intégration européenne.

Mais c’est sans compter sur les contradictions nationales qui restent parfois vives entre les pays. Macron essaie ainsi de se poser en fervent défenseur du multilatéralisme, et même unique interlocuteur de Trump, promouvant l’idée d’une intégration européenne poussée, notamment via une armée européenne ou un budget de l’UE, s’appuyant sur la menace d’un populisme qui gagne l’Europe, et pourrait gagner l’Allemagne, pour faire pression sur Merkel. Cette dernière, toutefois, ne semble prêt à aucunes concessions. En effet, la chancelière a rappelé récemment à Macron que tout budget en commun (un cauchemar pour les allemands) n’était pas à l’ordre du jour : "Il (Macron) sait depuis longtemps (que ses propositions) ne sont pas les bonnes selon moi". L’enjeu pour Allemagne étant d’assurer coûte que coûte la survie du modèle multilatéral, le pays dépendant massivement de ses importations à l’étranger. La possibilité que les Etats-Unis imposent des taxes sur les voitures constitue ainsi la première menace pour l’Allemagne.

De manière générale, c’est une époque qui se clôt pour l’Europe. Sans une puissance militaire organisée, ayant vécu toutes ces années dans l’ombre de la puissance américaine qui assurait la bonne tenue du commerce mondial, l’Europe se retrouve désormais confrontée à un (dés)ordre mondial auquel elle est totalement inadaptée ; surtout à l’heure où ses crises internes – politiques, économiques, migratoires – se multiplient. Dominque Moïsi résume à ce titre les relations contradictoires nouées entre l’Europe et son « protecteur » américain : « Le « berger » a-t-il pour ambition de noyer son « troupeau » et lui avec, après l’avoir protégé de manière globalement positive depuis plus de soixante-dix ans ? »

En sabordant ce G7, Trump n’a pas seulement témoigné de son mépris pour toute forme de multilatéralisme, il a aussi renvoyé le G7 à une époque qui semble désormais révolue

 
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