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La Izquierda Diario
15 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Rencontre entre Kim et Trump
Les États-Unis actent la reconnaissance de la Corée nucléaire
Juan Chingo

Trump peut s’enorgueillir d’une rencontre historique. Mais pour l’obtenir, il a dû se résoudre à faire une concession qui était impensable il y a seulement quelques mois.

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Peu de contenu et beaucoup de lourdeurs dans la mise en scène de la rencontre entre Kim Jong Un et Trump. Malgré la charge symbolique de la rencontre, il faut se rendre à l’évidence : la Corée du Nord est et restera une puissance nucléaire, que les États-Unis reconnaissent désormais comme un interlocuteur légitime.

Le contenu de l’accord tient en réalité davantage dans la reprise de relations bilatérales entre les deux pays. Puisque la Corée n’a pas réellement renoncé à la dissuasion nucléaire, on peut douter que l’accord se décline par des avancements concrets. Certes, Kim Jong-Un a consenti à détruire quelques ogives nucléaires, sous l’œil attentif des caméras de télévision. Mais rien qui n’acte à un suicide politique pour le dictateur coréen. Il faut se souvenir des menaces prononcées par John Bolton, il y a quelques jours en rappelant le sort réservé à Mouammar Kadhafi en Libye. Incarnant la ligne néo-conservatrice sur le terrain extérieur, Bolton, et avec lui les « faucons », partisans de la ligne dure du département d’État, ont cherché à torpiller une rencontre qui les a mis dans tous leurs états.

De leur côté, les États-Unis ont pourtant fait des promesses et accordé des concessions économiques, sans pour autant mettre de côté la péninsule sud-coréenne. Mais ce qui ressort, au-delà des exaltations de Trump pour embellir le succès, c’est bel et bien la reconnaissance de la Corée du Nord comme membre du club des puissances nucléaires. Autrement dit, ce dernier a dû « avaler une couleuvre » pour éviter d’être entraîné dans un conflit militaire imprévisible et difficilement gagnable en début de mandature. C’est le résultat d’années d’erreurs et de provocations politiques de la part de la principale puissance mondiale dans la péninsule coréenne envers le régime de restauration nord-coréen, poussé chaque fois un peu plus à se retrancher derrière une position agressive et un programme de développement d’un arsenal nucléaire à usage défensif.

Pour le moment, la situation du « freeze for freeze », expression qui désigne l’arrêt des essais nucléaires et de lancement de missile de longue portée côté nord-coréen et le gel des manœuvres militaires organisées par les États-Unis et la Corée du Sud, souhaitée depuis longtemps par la Corée du Nord, et soutenue activement par la Chine et la Russie, ouvre un peu plus la voie à la réconciliation entre les deux Corées. Mais en réalité, la dynamique de coopération inter-coréenne, enclenchée par la lettre de Kim Jong-Un adressée à son voisin du Sud, la participation des deux pays aux Jeux olympiques et la récente rencontre entre les deux dirigeants coréens, était déjà en place avant l’intervention de Trump. Les États-Unis n’ont eu d’autre choix que d’y prendre part. L’administration nord-américaine a tenté de s’en accommoder avec le résultat que l’on connaît aujourd’hui.

Pour l’instant, la levée des tensions entre États-Unis et Corée du Nord exclue encore la possibilité d’une réunification de la Corée à court et moyen terme. Mais elle va encourager la Corée du Nord à poursuivre ses réformes économiques qui pourraient prendre une forme similaire à celles mises en place par la Chine sous Deng Xiaoping. Selon l’économiste Michel Fouquin “les observateurs estiment que la croissance économique a été forte en Corée du Nord depuis 2014, grâce notamment à une loi de révision du statut des entreprises. Cette loi a notamment permis aux paysans de vendre sur le marché intérieur jusqu’à 30 % de leur production, et a réduit le rôle du parti dans la gestion des entreprises en donnant à celles-ci la possibilité de travailler directement avec d’autres entreprises sur la base de prix négociés et non plus imposés ». De grandes entreprises sud-coréennes comme Lotte, Hyundai se préparent déjà à la Corée du Nord post-sanctions, tout comme les secteurs hôteliers et de télécommunications qui lorgnent sur les potentielles opportunités.

De plus, à moyen terme, la principale superpuissance mondiale tentera très certainement d’éloigner Pyongyang de Pékin. Non pas tant par le biais de concessions économiques, car sur ce terrain il est difficile d’égaler les géants asiatiques, mais surtout en devenant le garant de la sécurité de la Corée du Nord face à la République populaire de Chine. En effet, ce n’est pas une coïncidence si, le jour même où les États-Unis ont cédé à Pyongyang, était inaugurée à Taipei le nouveau siège de l’Institut américain, soit une ambassade américaine de fait sur l’île de Taïwan. Tout porte à croire que c’est cette île, que Xi Jinping veut récupérer d’ici 2049, qui sera la ligne de crête de l’affrontement géopolitique entre les États-Unis et la Chine.

 
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