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La Izquierda Diario
25 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Un sommet européen pour « sauver le soldat Merkel »
Crise migratoire : l’Union Européenne divisée autour de la quantité de barbelés à mettre aux frontières

Ce sommet européen, réunissant les pays membres de l’UE, moins le groupe de Visegard, qui a boycotté l’événement, avait vocation, d’une part, à « sauver le soldat Merkel », confrontée à une crise politique majeure à l’intérieur, et d’autre part esquisser une ébauche de « solution » à la crise migratoire. Les ébauches auxquelles sont arrivés les pays laissent toutefois deviner sans trop de mal que, là encore, ce seront les réfugiés, victimes des guerres impérialistes, qui paieront les frais ; la seule avancée réalisée par ce sommet consistant, pourrait-on dire, à discuter de la hauteur des fils barbelés qu’ils installeront aux frontières.

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Historique de la crise migratoire

Pour comprendre la crise actuelle traversée par l’Europe, et pourquoi la question migratoire divise autant, il faut remonter à 2015. A l’époque, l’Europe connaissait un afflux de réfugiés en provenance de pays ravagés par la guerre : Syrie, Irak, Afghanistan, la plupart transitant depuis la Grèce ou l’Italie via la route des balkans. Cette première vague migratoire avait profondément divisé les différents pays de l’Union Européenne.

C’était l’époque où Merkel surjouait de façon opportuniste la posture de l’ouverture, accueillant près de 900.000 migrants en 2015 et plus de 200.000 l’année suivante, martelant son slogan « Wir schaffen es » (on va y arriver). Tout d’abord, il s’agit de rappeler que cela n’était en rien une opération humanitaire de la part de l’Allemagne. Confrontée à une population âgée et une démographie en déclin, l’Allemagne a surtout vu dans l’arrivée de jeunes migrants une main d’œuvre corvéable à merci capable de faire accroître l’armée de réserve industrielle et pallier le manque de travailleurs allemands.

D’autre part, en l’absence de toute coordination à l’échelle européenne, chaque pays, ou groupe de pays a réagi de façon unilatérale, c’est ainsi qu’on a assisté à la construction d’un mur en Hongrie à la frontière avec la Serbie, et la réinstauration de contrôles aux frontières dans toute l’Europe ; mettant là encore un coup à la propagande capitaliste sur la « libre circulation des hommes » – en réalité, seule celle des capitaux, forme de prédation des pays centraux de l’UE sur les pays périphériques, n’a jamais été entravée.

Par la suite, un ensemble de mesures « pragmatiques » ont été adoptées par l’Europe pour juguler le flux de réfugiés. Notamment un accord ignoble entre l’Union Européenne et le dictateur Erdogan, qui stipulait que sous réserve d’une aide financière de trois milliards d’euros, le président turc s’engageait à maintenir les réfugiés arrivés en Turquie sur le territoire national. L’Italie, de son côté, n’a pas hésité à nouer des accords avec des milices rebelles en Lybie, coupables de trafics d’humains, afin d’instaurer un contrôle des frontières directement en Afrique, à l’instar des comptoirs coloniaux.

Toutes ces mesures réactionnaires, et l’Europe s’en est félicitée, ont permis de réduire drastiquement le nombre de réfugiés arrivant en Europe. Ainsi, on peut se demander pourquoi, alors que le flux d’arrivants est bien moindre qu’en 2015, l’Europe connaît une telle crise politique. C’est que la question migratoire pose directement la question du pouvoir politique au sein de l’Union Européenne, avec le contrôle des frontières par les gouvernements nationaux. En cela, chaque Etat essaie de tirer avantage de la crise organique qui touche l’Europe. A cela s’ajoute la crise politique historique que traverse l’Allemagne. Ces deux facteurs font que chaque Etat cherche à tirer profit de la situation.

La crise allemande : épicentre de la crise européenne

Cette tension s’exprime de façon particulièrement aiguë en Allemagne. Angela Merkel connaît la crise politique la plus grave de son règne, et sûrement une des crises politiques les plus importantes de l’Allemagne post-réunification.

Tout commence par une fronde du CSU, parti-soeur du CDU, le parti de Merkel, et dirigée par l’actuel ministre de l’Intérieur Horst Seehofer. Ce dernier, menacé dans de futures élections en Bavière par le parti d’extrême-droite l’AfD, qui connaît une progression record, et actuellement le troisième parti d’Allemagne, s’est lancé dans une surenchère de rhétorique xénophobe pour gagner du terrain contre son concurrent d’extrême-droite. Pour faire passer son agenda réactionnaire et déborder l’AfD sur son terrain, Horst Seehofer s’appuie sur la fragile coalition dirigée par Merkel et qui réunit le CDU et son propre parti, le CSU. Horst Seehofer a donc menacé Merkel d’un vote de confiance (qui pourrait entraîner de nouvelles élections) si cette dernière ne trouvait pas avant fin juin une solution à la question migratoire qui divise l’Europe, menaçant ainsi de faire exploser la coalition allemande.

Ainsi, Merkel a convoqué un sommet de crise réunissant les pays membres de l’UE, moins le groupe de Visegrad, qui a décidé de boycotter celui-ci. L’enjeu pour Merkel était de parvenir à un accord qui lui permettrait de s’assurer un peu de répit à l’intérieur. Toutefois, la partie fut loin d’être facile. Dans la sarabande d’intérêts contradictoires qui agitent l’Union Européenne, pour régler la question migratoire, on a assisté, au cours de ce sommet, à une véritable surenchère de politiques réactionnaires.

Quelle taille pour les barbelés ?

La plupart des « solutions » avancées rivalisent en effet d’abjection, à l’heure où chaque petit politicien bourgeois, minable et médiocre, cherche à profiter de la faiblesse de l’Allemagne pour avancer son agenda nationaliste.

C’est Giuseppe Conte, Premier Ministre italien, qui a le premier ouvert le bal en proposant de revisiter le principe des accords de Dublin : jusqu’à présent, lorsqu’un migrant arrive dans un pays, c’est ce pays qui doit prendre en charge la demande d’asile. Conte a plaidé pour la fin de ce système, qui empêche les réfugiés de choisir leur pays et de déléguer la gestion des migrants aux pays périphériques par lesquels transitent les migrants. Sous prétexte d’un internationalisme de façade – « quiconque arrive en Italie arrive en Europe », clame un document rédigé par M. Conte –, il s’agit surtout de forcer la police des frontières européennes (Frontex) à la question de résoudre la crise migratoire ; plus, c’est un moyen pour le gouvernement italien de se faire pression sur les autres pays européens, menaçant de ne plus juguler le flux de réfugiés.

Macron et Merkel sont allés plus loin encore, puisqu’ils ont non seulement proposé de créer des camps de détention de migrants, nommés hotspot (véritables camps de concentration), dans d’autres pays d’Europe, sur le modèle de ce qui a pu être fait en Grèce et en proposant d’instaurer des centres de tri directement dans des pays d’Afrique ou d’autres pays non-européens.

Dans ce petit jeu de dupes, Macron a soutenu la chancelière en vue d’en tirer son propre bénéfice et faire avancer ses propositions de poursuivre l’avancée de l’intégration économique via un budget de la zone euro mais surtout la question de l’indépendance stratégique, et notamment militaire de l’Europe, en renforçant les instruments de coopération militaire européen – ce à quoi l’Allemagne s’était jusque-là refusée. De façon cynique, il capitalise à sa manière sur la situation tragique des réfugiés pour faire avancer son agenda.

Et pendant ce temps, entre les coupes de champagne, les palaces feutrés, les poignées de main sournoises et les sourires roublards, entre deux bourrades franco-allemandes, chaque pays de l’Europe, d’une façon ou d’une autre, fait son beurre sur le dos de réfugiés victimes de guerres déclenchés par ces mêmes pays qui aujourd’hui transforment les victimes en coupables ; et sur le terreau de cette crise prospère l’engeance réactionnaire de l’extrême-droite à travers l’Europe.

La question migratoire révèle le niveau insoutenable des tensions accumulées en Europe et qui menacent à tout moment d’imploser

Aujourd’hui, il est urgent de défendre le création d’un front uni des travailleurs, de la jeunesse, des femmes et des réfugiés, tous victimes, d’une façon ou d’une autre, de la barbarie capitaliste qui, après avoir déclenché des guerres, concentre les réfugiés dans des camps, ou les empêche de partir, et, lorsque ceux-ci ne sont pas réduits à la misère et l’exploitation la plus crasse, servent de bouc-émissaires aux politiques racistes de l’extrême-droite.

Pour tous les réfugiés comme pour toutes les victimes de la grave crise capitaliste qui touche toute l’Europe, il n’y a jamais eu ni plan A ni plan B, Ce n’est ni par le retour réactionnaire à l’Etat-nation, ni par le soutien à l’Europe du Capital que se résoudra une crise d’ampleur européenne. La seule solution véritable, c’est le plan I comme Internationalisme, et cela signifie, en premier lieu, l’ouverture inconditionnelle des frontières.

 
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