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La Izquierda Diario
12 de juillet de 2018 Twitter Faceboock

« On apprend de chaque conflit »
Xavier Brégail, un pilier de la bataille du rail à Paris-Nord
Cécile Manchette

Crédits : Sud Rail Paris Nord

Xavier Brégail, conducteur, gréviste, syndiqué à Sud Rail à Paris Nord, n’est pas de ces militants de la bataille du rail dont on a découvert le visage dans les médias. Pour ses collègues de Paris Nord ce sont ses qualités « d’observation », sa « justesse », sa « constance » qui ont fait de lui un pilier de ce mouvement, un profil plutôt discret à côté de ses collègues « tribuns » dont la parole a été relayée par la presse. Portrait de ce gréviste à la « force tranquille ».

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« Depuis le début j’étais pour une grève dure »

Le bout du quai 36 s’est vidé depuis la fin du calendrier perlé et la proposition par les directions syndicales – CGT et FO – d’un nouveau calendrier et de nouvelles échéances pour l’été. Un plan loin d’être à la hauteur pour espérer gagner la bataille.

À Paris Nord, bastion de la mobilisation cheminote, la grève en déclin ne démoralise pas pour autant le noyau de cheminots pour qui les trois mois passés n’étaient que la « première mi-temps ». Xavier Brégail, conducteur à Paris Nord depuis 2003, fait partie de ce noyau dur des grévistes de l’AG de Paris Nord ; de celles et ceux qui ont vécu la grève de bout en bout et pour qui la bataille est loin d’être finie.
Dès le 22 mars, Xavier était présent à la première assemblée générale, où ils étaient plus de 400 à voter la grève reconductible et le retrait de la loi sans négociations : des mots d’ordre qu’il a défendu journée de grève après journée de grève. Une position minoritaire quand beaucoup ont suivi le calendrier de grève perlée proposé par la direction de la CGT Cheminots. Avec plusieurs collègues, Xavier, militant chez Sud Rail depuis 2010, fait partie de ceux qui sont restés fermes sur leur conviction première : « Depuis le début j’étais pour une grève dure, une grève qui paralyse le pays ». Trois mois après, sans amertume aucune, plutôt lucide et fier, Xavier explique « qu’on ne peut pas refaire l’histoire » mais qu’« il faut bien admettre que cette stratégie de la grève perlée a été une défaite ».

« On n’a jamais été autant attaqués, je me suis plus impliqué »

En effet, Xavier n’est pas du genre « à refaire l’histoire » mais plutôt de ceux qui ont essayé de la changer, à compter du moment où est sorti le rapport Spinetta, révélant l’ampleur de l’attaque contre le service public du rail. Dès lors, le quotidien de ce jeune conducteur de 35 ans s’est radicalement transformé. Assemblées générales, rencontres intergares, manifestations, tournées syndicales, actions… Il aura été sur tous les fronts. Pour Farid, cheminot et gréviste à Paris Nord, Xavier qui est le « porte-parole des mécanos » a été présent sans relâche pour « parler aux collègues ».

Et Xavier n’a pas hésité à se lancer dans la bataille. Une nouveauté pour lui qui, lors des mouvements précédents, en 2007, 2010 et 2016 était resté plus en retrait. Xavier raconte comment il a été agréablement surpris de voir émerger des « gens moteurs » dont en réalité il est l’un des principaux protagonistes. Conscient d’avoir été plus impliqué, il raconte modestement a posteriori que cela est lié à « l’ampleur de l’attaque ». Une expérience militante qui l’aura fait sortir de sa zone de confort, « sortir des lignes » dit-il.
Si, comme il l’ajoute sagement « on apprend de chaque grève », il n’est pas près d’oublier cette bataille du rail de 2018 dans laquelle, comme le souligne son collègue Farid, il a gagné une « légitimité » et est devenu un référent pour ses collègues.

« Une grève qui appartient aux grévistes »

C’est aussi que Xavier a découvert pour la première fois des assemblées générales, des cadres d’auto-organisation, qui n’ont rien à voir avec les grèves précédentes qu’il a connues sur Paris Nord. Le fait qu’il y ait l’espace pour de véritables discussions, notamment sur la stratégie de la grève, l’enthousiasme et lui donne confiance. Fini les « AG verrouillées », il fait partie de ceux qui pensent qu’il faut questionner la « politique qui descend » des directions syndicales. Et c’est dans ce sens qu’il intervient quand il s’agit de prendre la parole « pour ceux qui n’osent pas », de discuter avec les cheminots. On le sent, il lui tient à cœur que l’ensemble des collègues puisse exprimer leur point de vue, débattre pour que les décisions soient réellement prises démocratiquement.

Pour lui, ce qui doit compter est l’objectif : « le retrait du pacte ferroviaire », une visée commune qui permet de dépasser les différends pendant la bataille. Et ce conducteur, au visage souriant, toujours « optimiste » comme le décrit sa collègue Lætitia de Paris Nord, a joué un rôle – comme beaucoup, peut-être sans le savoir – dans le maintien de la cohésion de la famille cheminote en lutte.

« Pas qu’une histoire de lutte, une histoire de rencontres »

Une famille cheminote qui s’est retrouvée, ou trouvée, lors de cette bataille. Pour Xavier cette grève est aussi celle de « la cohésion humaine ». Parce qu’une lutte, c’est des collègues croisés tous les jours au travail dont on découvre une autre facette dans la grève. Xavier énumère alors les noms de quelques-uns de ses collègues « Anasse, Karim, Farid, Laura… » qu’il a (re)découvert dans la bataille : « Je les connaissais par le syndicat, mais ils sont devenus plus proches dans la lutte ». Une expérience et des rencontres humaines qui « l’incitent aujourd’hui à continuer ».

Constant, patient, ce conducteur « toujours avec le sourire » est aussi celui qui, le 13 juin, avec trois autres collègues, a envahi le bureau où se tenait une réunion de l’intersyndicale. Une confrontation avec la bureaucratie syndicale qu’il s’est empressé ensuite de rapporter aux quelque 200 cheminots qui attendaient en bas de l’immeuble, empêchés de rentrer dans le bâtiment par les CRS. Ce désir qui l’a animé d’exposer à ses collègues le mépris des directions syndicales, sa défense à toute épreuve de l’auto-détermination, sa bienveillance manifeste à l’égard de ses collègues, expliquent sans nul doute la confiance que lui accordent aujourd’hui ses collègues grévistes.

Alors pour ce jeune conducteur qui a eu conscience dès son arrivée à la SNCF que « rien n’allait être facile », il faudra pour la suite de la détermination mais aussi être « résistant ». Lucide sur les difficultés rencontrées dans cette grève, Xavier tout comme ses collègues n’a jamais douté une seule seconde de la « légitimité » de cette bataille dans laquelle il s’est investi de toutes ses forces. Alors plus que jamais, il fait partie de ceux qui seront présents pour la « deuxième mi-temps » de la bataille du rail.

 
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