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La Izquierda Diario
23 de juillet de 2018 Twitter Faceboock

Pérou : important scandale de corruption, vague de protestation dans tout le pays
Léon Sidhoum
Petra Lou

D’importantes vagues de protestations traversent tout le pays contre la corruption après la diffusion d’enregistrements impliquant le Conseil National de la Magistrature (CNM), le juge suprême, ainsi que plusieurs autres juges, magistrats, huissiers et plus en général, de nombreuses personnalités de la haute société Péruvienne.

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Le scandale a commencé il y a presque deux semaines lorsqu’un journal en ligne (IDL-Reporteros) a diffusé des enregistrements qui compromettent de nombreux magistrats, entrepreneurs, grands électeurs et autorités législatives échangeant des faveurs, parfois même contre de l’argent.

C’est à Callao que commence l’affaire, en 2017, grâce à des écoutes téléphoniques de narcotrafiquants ; Callao étant le plus grand port du Pérou, d’où est exportée la majeure partie de la cocaïne péruvienne (Pérou deuxième producteur mondial de cocaïne). Le juge qui dirigeait la Cour de Callao fut mis en garde à vue et plusieurs autres furent destitués.

Ces enregistrements audio ont dévoilé la grande corruption du pouvoir judiciaire péruvien en dévoilant un vaste système de faveurs entre des hauts membres du Conseil National de la Magistrature (CNM) et plusieurs personnalités de la haute société péruvienne, allant de politiciens, patrons... jusqu’aux cartels de narcotrafiquants, biais par lequel le scandale s’est révélé.

Le personnage principal de ces révélations se trouve être le Juge Suprême César Hinostroza. Dans un de ces audio, on peut l’entendre parler avec une personne non identifiée sur le procès d’un violeur d’une petite fille de 11 ans "Que veulent-ils, que je baisse la peine ou que je le déclare innocent ?" dit Hinostroza. Dans un pays où il existe un nombre dramatique de viols cet audio est celui qui causa le plus d’indignation. De nombreux collectifs féministes étaient d’ailleurs présents à la manifestation ce 19 juillet.

Un autre enregistrement audio implique également l’Huissier Général, Pedro Gonzalo Chavarry, à qui Hinostroza demande des certifications pour son casier fiscal qui le poursuit pour enrichissement illicite. Ce dernier voulait en fait compléter son visa pour les Etats Unis, pays dans lequel il voyagea ensuite. Avec Chavarry ont également été révélées des décisions secrètes comme des changements de postes à certains de ses collègues qui lui déplaisaient.

"Por si acaso no entran los mejores sino los mejores amigos" dit un juge impliqué décrivant le mécanisme d’ascension dans le système judiciaire.

Dans un autre enregistrement, un entrepreneur lié au Parti opposant Fuerza populare, dirigé par Keiko Fujimori, annonce au même juge incriminé que "madame K" veut se réunir avec lui. Hinostroza devait en fait dans les semaines à venir décider s’il continuait ou non l’investigation fiscale pour présumé blanchiment d’argent de Keiko Fujimori et son époux.

Un autre encore est la discussion entre toujours le même juge, et le Ministre de la justice, Salvador Heresi, qui se coordonnèrent pour analyser une modification de la loi sur le crime organisé.

César Hinostroza : Dans sa carrière il a donné trois relaxes pour des violeurs de petites filles, a été l’avocat d’un narcotrafiquant, et est l’un des magistrats qui possède le plus grand patrimoine.

En conséquence plusieurs hauts fonctionnaires du pays ont démissioné : Hinostroza, Heresi et différents grands électeurs de magistrats. Le président Martin Vizcarra, sans pouvoir, et sans majorité au Congrès, soutient les manifestants mais demande à ce que ces manifestations restent pacifiques. Il propose de renouveler le Conseil National de la Magistrature (CNM) car ce pouvoir est complètement désavoué. En effet 80% de la population péruvienne désapprouve le système judiciaire. C’est donc tout le pouvoir central qui vacille.

Au mot d’ordre "dehors tous les corrompus", des milliers de personnes sont descendus dans la rue ce jeudi 19 juillet, à Lima et dans tout le Pérou après la diffusion des enregistrements.

Dans le centre historique de Lima, sur les pancartes, on peut lire "Tous unis contre la corruption" ou encore "Toutes les institutions de l’Etat sont pourries". Plusieurs sections syndicales de travailleurs, organisations citoyennes, collectifs en tous genres, et partis politiques, ont appelé à participer à cette journée de mobilisation. En passant devant le Palais de Justice, les milliers de manifestants chantèrent en coeur "Poder judicial, vergüenza nacional !" (Pouvoir judiciaire, honte nationale).

Les manifestations de jeudi dans plusieurs villes du pays furent pacifiques mais il y eut des moments de tension à Cuzco lorsque les manifestants tentèrent de brûler un rat géant en carton, symbole ici du corrompu, devant le palais de justice de la ville, ce qui fut interdit ; la police anti-émeutes lança des bombes lacrimogènes. Dans une ville de la province de Ancash, le jour suivant, la population a pris d’assaut le Parquet et a brûlé plusieurs milliers de documents.

Un important cortège de balayeuses de la ville de Lima a défilé avec la manifestation ce jeudi 19 juillet. Ces balayeuses n’ont pas reçu leurs salaires depuis plusieurs mois et ont engagé une action judiciaire contre la ville de Lima qui a été condamnée, il y a quelques semaines, à payer les travailleuses du nettoyage urbain. Directement victimes du système de corruption mis au jour, elles n’ont toujours pas reçu leurs salaires manquants et c’est avec rage que ces travailleuses crient, "barrer, barrer, barrer la corrupcion" (balayer, balayer, balayer la corruption). "Aujourd’hui nous savons pourquoi la condamnation n’a toujours pas été respectée" nous confie une travailleuse manifestante, "nous avons peur que notre travail ne soit pas respecté".

Ce scandale péruvien est un cas de plus qui démontre qu’il n’y a pas de séparation des pouvoirs pour la classe des opprimés, ceux sur qui il est permis de bafouer la justice et les lois, ceux sur qui il est permis de voler, tuer, violer ; mais que tous les pouvoirs sont aux mains des exploiteurs qui modèlent et ajustent la justice, les lois et les peines en fonction des besoins et intérêts à la sauce patriarcale.

Il est de plus impossible de prétendre à l’indépendance de la justice dans un monde où subsistent deux classes sociales en lutte aux intérêt dialectiquement opposés qui se servent donc de ce pouvoir comme instrument pour opprimer la classe opposée à celle qui possède le pouvoir, ceci étant valable pour le capitalisme aussi bien que pour le socialisme. Les deux classes sur terre sont donc en lutte pour le pouvoir judiciaire qui ne sera donc pas indépendant tant qu’existeront les classes sociales.
C’est donc pour cela que nous devons avoir comme horizon une société sans classes et donc sans oppressions, une société communiste issue d’une société socialiste où sera utilisé le pouvoir judiciaire sur nos anciens exploiteurs dans l’intérêt de la classe majoritaire.

A Lima, chaque jour de nouveaux enregistrements compromettants sont révélés, de nouvelles de dates de mobilisation sont déjà émises comme le 27 juillet. Les directions syndicales pourraient appeler à des journées de grèves face à la pression à la base.

 
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