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La Izquierda Diario
12 de septembre de 2018 Twitter Faceboock

Déclaration du Courant Révolutionnaire des Travailleurs, Etat espagnol
A un an du référendum pour l’indépendance de la Catalogne, quelles perspectives de lutte ?

À un an du début de « l’automne catalan » de 2017, les partis indépendantistes ERC (Gauche républicaine Catalane) et JxCAT (Unis pour la Catalogne) parlent d’un « automne chaud », tout en avançant sur le terrain des négociations avec le gouvernement central tenu par le PSOE (le PS espagnol). La balle est donc dans le camp de la gauche indépendantiste, de la gauche syndicale et des secteurs les plus avancés des CDR (Comités de Défense de la République).

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Crédits photo : EFE. Manifestation dans le centre de Barcelone lors de la grève générale du 3 Octobre 2017

Le Courant révolutionnaire des travailleurs (CRT), anime les quotidiens en ligne izquierdadiario.es et esquerradiari.cat, au sein du même réseau que Révolution Permanente. A l’approche de l’anniversaire du référendum du 1er octobre 2017 pour l’indépendance catalane, nous avons traduit leur déclaration.

Alors que la fête nationale catalane – la Diada – de cette année a été lancée, la plupart des médias et les partis politiques pro-négociation avec le gouvernement central ont commencé à parler de « l’automne catalan » pour désigner les rebondissments sur l’indépendance de la Catalogne qui s’est imposé il y a un an. Ils ont ainsi proposé de faire des 1er, 3 et 27 octobre, journées marquantes de « l’automne catalan »et du début des procès des prisonniers politiques, de grandes journées de mobilisation du peuple catalan. Mais qu’en sera-t-il réellement ?

Clairement, ce ne sont pas les motifs de mobilisation qui manquent. La répression brutale qui s’est déchaînée depuis septembre 2017 se maintient sous le nouveau gouvernement du PSOE. Les prisonniers et exilés se trouvent toujours dans la même situation et ce sont plus de 1000 procès qui attendent en justice. Pedro Sánchez, le président du gouvernement espagnol, n’a même pas donné d’instructions au procureur général pour qu’il retire le délit de rébellion des accusations. Au lieu de cela, le gouvernement a donné une enveloppe de plus d’un demi million d’euros pour la défense privée du juge Llarena en charge du dossier, et envoie 600 policiers anti-émeutes en Catalogne pour la fête du 11 septembre et le mois d’octobre à venir.

Surtout, l’enjeu démocratique est toujours là. Le référendum du 1er et la grève générale du 3 octobre dernier ont été des journées historiques de mobilisation du peuple catalan, qui a ainsi exprimé sa volonté majoritaire de construire une république indépendante et d’ouvrir un processus constituant. Ce droit démocratique continue d’être nié par le gouvernement central. Les partis de droite Ciudadanos et Partido Popular exigent une application de l’article 155 – qui permet de mettre une région autonome sous tutelle du gouvernement central – encore plus autoritaire : ils demandent la mise sous tutelle de la chaîne de télévision catalane TV3 et des écoles. Pour le parti socialiste espagnol, le PSOE, au pouvoir à Madrid, cet usage de l’article 155 est comme une menace qu’il se garde sous le coude, au cas où la situation reprendrait la même tournure que l’année passée.

Le mandat démocratique du référendum du 1er octobre a aussi été abandonné par l’ERC et le JxCAT : ils optent aujourd’hui pour un retour aux négociations avec le même gouvernement central qui nie aux catalans le droit à l’auto-détermination. Ils veulent également maintenir la mobilisation sur le terrain symbolique, contrôlée par le gouvernement catalan et les entités souverainistes ANC et Omnium.

Voilà le scénario de négociations que proposent ces partis, et on ne pouvait pas s’attendre à autre chose de leur part. Ce sont ceux-là mêmes qui, lors des journées historiques des 1er et 3 octobre, ont tout fait pour que les manifestations massives restent contrôlées, sans grèves ni auto-organisation populaire. Ce sont eux qui ont alors consciemment laissé la situation se tasser avec la proclamation puis suspension de l’indépendance et les tentatives de médiation par la même Union Européenne qui a noyé le peuple grec sous les plans d’austérité et laisse mourir des milliers de réfugiés dans la méditerranée. Ils ont finalement proclamé une indépendance symbolique qu’ils ont ouvertement refusé de défendre dans la rue.

Quelques leçons de l’automne catalan

L’automne catalan de 2017 devrait constituer la base pour penser comment reprendre la lutte pour la libération des prisonniers politiques, pour mettre fin à la répression et défendre le mandat démocratique du référendum afin que les catalans puissent constituer leur propre république, décider librement de son contenu social et de sa relation avec le reste de l’État espagnol.

Cependant, le gouvernement catalan conserve la même position qu’il y a un an : un rejet formel de la répression et la défense du droit de décider, mais sous réserve de l’approbation du Régime de 1978. Sa position sur le référendum implique qu’il soit accepté par les trois principaux partis monarchiques - le Bloc du 155 - et par le roi lui-même, dont la maire de Barcelone Ada Colau a été la principale hôte lors de sa dernière visite en août. Il faut également souligner l’adaptation du nouveau réformisme de Podemos au centralisme espagnole, regroupement qui agit in fine comme une béquille préservant le régime de 78. Sa position, hostile à l’indépendance catalane, n’a fait que s’affirmer davantage avec le souhait de Pablo Iglesias d’exercer, en lui apportant son soutien parlementaire, un co-gouvernement avec Pedro Sanchez.

La CUP, pour sa part, continue d’être victime de sa stratégie de la main tendue. Même si la marche arrière ouverte sur la question de l’indépendance catalane et le retour au cadre autonome aient brisé le bloc souverainiste, la gauche indépendantiste maintient une politique de pression sur ses anciens partenaires pour revenir à la politique de désobéissance institutionnelle. Or, s’il y a une chose qu’ont pu montré les événements de l’automne dernier, c’est que, même avec la désobéissance, le seul moyen d’éviter le coup institutionnel du régime de 1978 avec l’article 155 est de s’y opposer par une grande mobilisation populaire et l’auto-organisation, ce à quoi les représentants historiques de la bourgeoisie catalane s’opposeront toujours. Pourtant, comme nous l’avons vu le 27 octobre, lorsque cette position comporte des risques graves pour leurs biens personnels ou même le risque de se retrouver en prison, les dirigeants du PDeCAT et d’ERC ont préféré capituler, rendant un dernier, ou plutôt un énième, hommage à la classe pour laquelle ils ont toujours travaillé.

Développer la mobilisation ouvrière et populaire pour le droit à l’auto-détermination

Nous, militants du Courant Révolutionnaire des Travailleurs et travailleuses (CRT), pensons que rompre avec cette politique d’unité nationale est essentiel pour offrir une alternative au mouvement démocratique catalan qui ne mène pas à la défaite ou à la récupération par le haut qui se prépare. La balle n’est pas dans le camp d’ERC, de JxCAT ou des entités souverainistes qui y sont liées, mais bien dans celui de la gauche indépendantiste, de la gauche syndicale et des CDR qui se sont montrés les plus critiques du gouvernement catalan.

ANC et Omnium veulent faire du 1er octobre une journée de grèves civiques de 30 minutes. Une mesure insuffisante et démoralisante. A cette politique de pacification de la rue pour faciliter le travail des bureaucrates et des commissions bilatérales Espagne-Catalogne, il faut l’y opposer une politique radicalement différente.
En prenant l’exemple de ce qui a été réalisé il y a un an - tout un processus de lutte et de mobilisation auquel les militants du CRT et de Pan y Rosas ont participé activement au sein des CDR - avec des occupations d’écoles, des grèves et des manifestations, il est urgent de faire en sorte que cet anniversaire soit un nouveau jour de grève générale comme le fut le 3 octobre. Une grande journée de lutte pour la liberté des prisonniers, la fin de la répression et la défense du mandat du référendum, c’est-à-dire avancer dans la rupture avec le régime de 78 et l’ouverture d’un processus constitutif où nous pourrons décider non seulement de la relation avec le reste de l’État, mais aussi comment nous allons résoudre les grands problèmes sociaux de chômage, de logement, de précarité et de démantèlement des services publics.

Les militants du CRT luttent activement pour une république ouvrière et socialiste catalane, dans le cadre de la lutte pour une fédération des républiques ouvrières à travers toute la péninsule. Nous sommes conscients que cette perspective n’est pas partagée par la majorité de la classe ouvrière et des secteurs populaires de Catalogne et du reste de l’État. A partir de ce constat, le CRT s’inscrit dans la lutte pour le droit de décider et l’ouverture de processus constitutifs pour mettre fin au régime de 1978, mais considérons que ceux-ci ne peuvent être conquis qu’à partir d’une "feuille de route" basée sur l’indépendance politique vis-à-vis des partis bourgeois et par les méthodes de la lutte de classes.

La conquête du droit à décider sans aucune restriction du peuple catalan ne sera possible que par une grande mobilisation sociale qui intègre en son centre les secteurs populaires et la classe ouvrière. C’est quelque chose qui a commencé à s’exprimer avec la grève générale du 3 octobre. Les dirigeants catalans l’ont bien vu et ont tout fait pour la désamorcer. Un tel mouvement ne remettait en effet pas seulement en cause la question territoriale, mais pouvait ouvrir le débat sur la nature de la république à construire, sur la remise en cause des privilèges de la bourgeoisie catalane dont le PDeCAT et l’ERC ont été et restent les meilleurs avocats.
Pour y parvenir, il est nécessaire d’avoir une aile du mouvement démocratique totalement indépendante des partis patronaux, qui lie la lutte pour la république à des revendications sociales telles que l’expropriation des logements vides, des entreprises stratégiques et des banques, la répartition des heures de travail et l’augmentation des pensions et des salaires, la fin du travail précaire et l’instauration d’impôts sur les grandes fortunes qui permettent de financer la santé et l’éducation.
En définitive, un programme qui soude l’unité de la classe ouvrière catalane pour affronter le régime de 1978, mais qui forge aussi l’unité avec le reste de la classe ouvrière et les secteurs populaires de l’État espagnol dans une lutte commune contre ce régime pourri. Une unité sans laquelle mettre fin au régime hérité de la Dictature sera impossible.

Lutter pour une république catalane des travailleurs et des secteurs populaires et non des héritiers du pujolisme. Le faire à partir des méthodes de lutte de classes ouvrière et non par le biais des "grandes journées populaires" lancée par des partis patronaux ou en ayant recours à une médiation européenne de la Troïka illusoire. Voilà les deux conditions qui permettraient d’encourager et de renforcer une lutte dans le reste de l’État ; Cela pour imposer des processus constitutifs a partir de la mobilisation sociale, qui en finissent avec la Couronne, reconnaissent les pleins droits démocratiques de toutes les nations de l’État espagnol et permettent de répondre sans limitation à toutes les grandes revendications démocratiques et sociales qui ont été portées dans les rues depuis le 15 Mai 2011 et le mouvement des indignés.

 
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