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19 de septembre de 2018 Twitter Faceboock

Barbouzeries
Audition au Sénat : l’ancien chef du cabinet du préfet contredit la version de Benalla
Yano Lesage

« Je n’ai jamais été le garde du corps du président » a lancé, goguenard, Alexandre Benalla devant une commission d’enquête sénatoriale. Comme Benalla, Vincent Crase, également impliqué dans les faits du 1er mai et auditionné ce jour, a multiplié les zones d’ombres concernant leurs réels rôles au service du président. Mais c’est certainement les propos de Yann Drouet, ex-chef du cabinet du préfet de police, actuellement aux services de l’Elysée, et troisième homme auditionné qui ont mis le plus à mal la version de l’homme de main du président.

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« Je n’ai jamais été le garde du corps du président » Alexandre Benalla

Lors de son audition, Alexandre Benalla offre un retour – en surface - sur son ascension fulgurante au poste d’adjoint au chef du cabinet du président. Un CV de premier de la classe qui laisse de nombreuses zones d’ombres. Il refusera notamment de préciser comment, du service d’ordre du Parti Socialiste, il passe au service d’En Marche et qui l’a embauché. Et surtout quelles sont ses fonctions exercées auprès du président. Il assure s’en tenir à l’organisation des déplacements publics et privés du chef de l’Etat, et à l’accueil des visiteurs à l’Elysée. « Je ne suis pas le garde du corps du président » déclare-t-il. Tout juste un « coordinateur de la sécurité ». « Lorsque le président se rend au théâtre, j’étais en charge de préserver son confort et son intimité, en repérant les lieux, en choisissant son placement », explique-t-il dans une fausse naïveté toute travaillée. C’est un Benalla qui se présente tantôt ouvreuse du président, tantôt « gentil organisateur de voyage », mais qui ne convainc personne.

Outre les nombreux clichés – des sorties du candidat d’En Marche à celles présidentielles, dont la dernière sur les Champs-Elysées, lors de la Coupe du Monde – qui attestent la place qu’il occupait physiquement aux côtés d’Emmanuel Macron, sa version est sans cesse contredite par les sénateurs qui se réfèrent aux anciennes auditions. On parle de son « omniprésence à la préfecture de police de Paris » quand Benalla assure ne s’y être rendu qu’à de rares occasions. « La première durant la campagne et la seconde lors de l’organisation de la soirée du Louvre. Les trois autres fois : pour la préparation du One Planet Summit […], la troisième fois j’y suis allé accompagné par un policier en tant que collaborateur du président de la république. ». Ses nombreux passe-droits sont évoqués : deux passeports diplomatiques qui ne confèrent, pour Benalla, « aucun avantage », et son autorisation de port d’arme offert par la préfecture, obtenu selon lui pour veiller à sa « sécurité personnelle ».

« Même si je sais des choses je ne vous répondrai pas » Vincent Crase

Entre l’audition de Benalla et celle de Vincent Crase, deuxième homme impliqué dans les violences commises place de la Contrescarpe, le 1er mai 2018, qui le succède, il y a une homogénéité dans le flou. Ancien formateur de volontaire de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, Vincent Crase confie que ce poste lui a permis de « présélectionner des candidats pour la Compagnie de Sécurité de la Présidence de la République ». « Tous les 14 réservistes [dont il avait la charge] travaillent au service du Service de Contrôle des Entrées » de la présidence. De son audition, les sénateurs ne tireront pas grand-chose de plus.

Interrogé sur la pertinence de l’embauche de personnalités civiles au service de la sécurité présidentielle, alors que le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République, un service constitué de militaires, existe déjà, il refusera de répondre. Tout comme sur les conditions d’attribution de son port d’arme. Ou sur la fonction véritable d’Alexandre Benalla, qu’il « connait depuis 2009 » mais avec lequel il nie toute proximité personnelle. « Même si je sais des choses, je ne vous répondrai pas », déclare-t-il en clôture.

« Nous avons pu considérer que son action a pu s’inscrire dans des missions de police » Yann Drouet

Ancien chef du cabinet du préfet de police de Paris, Yann Drouet était le troisième homme à se frotter aux questions des sénateurs ce matin. Recruté par la présidence en avril 2018 comme secrétaire général de la Coordination Nationale du Renseignement et de la Lutte anti-terrorisme, il n’était donc pas en poste à la préfecture lors du 1er mai. Cependant, c’est bien lui qui a signé, sous l’autorité du préfet, l’autorisation de port d’arme d’Alexandre Benalla déposé en octobre 2017. Il s’en justifie. En « considérant ses fonctions de coordination et de sécurité auprès du président de la république avec le GSPR [...] le préfet de police a validé sa demande [d’autorisation de port d’arme], le 13 octobre 2017 », explique-t-il une première fois. Face aux questions des sénateurs, Yann Drouet finit par contredire la version de Benalla. « Ce n’est pas pour sa sécurité personnelle que le port d’arme lui a été octroyé, c’est dans le cadre de sa mission, de sa fonction qu’on a pu considérer comme étant une mission de police », finit-il par lâcher le collaborateur de l’Elysée. Avant de rétro-pédaler quelques minutes plus tard en reprenant la version de Benalla.

Car en reconnaissant ces « missions de police » de Benalla, Drouet confirme l’existence d’une police parallèle du président que l’Elysée cherche à tout prix à étouffer en concentrant les regards sur la personne de Benalla. En effet, les réactions de l’Elysée ne se sont pas fait attendre. L’audition de Yann Drouet à peine terminée, Benjamin Griveaux, porte-parole de l’Elysée s’en est pris à la commission d’enquête sénatoriale et a attaqué la « déontologie » de son président, Philippe Bas, sénateur Les Républicains. Dans la brèche au macronisme ouverte par l’affaire Benalla, les oppositions des Républicains surtout, du PS dans une moindre mesure, se sont emparés de cette commission d’enquête sénatorial pour se faire de nouveau entendre et exister politiquement après le siphonnage d’En Marche. Les ficelles politiciennes sont visibles, l’indignation des Républicains largement conjoncturelles et opportunistes. Et si elles déstabilisent la présidence Macron, ces oppositions ont également tout intérêt à limiter le discrédit portée aux institutions républicaines, à limiter la mise à nue de sa violence systémique, de son usurpation démocratique. Pour se préparer à en prendre la succession.

Crédit : Alain JOCARD / AFP

 
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