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La Izquierda Diario
20 de septembre de 2018 Twitter Faceboock

Il ne suffit pas de traverser la rue !
Une question de « volonté » ? 18 000 emplois non pourvus pour plus de 6 millions de chômeurs
Rafael Cherfy

Alors que, pour Emmanuel Macron, il suffit de « traverser la rue » pour trouver un travail, c’est à dire qu’il ne s’agit que d’une question de « volonté », un chiffre vient ridiculiser l’arrogant Jupiter : En 2017, 18 000 emplois seulement étaient non pourvus faute de candidatures en 2017.

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Crédits photo : DENIS PREZAT / CITIZENSIDE

Le samedi 15 septembre, Emmanuel Macron donnait une leçon à un jeune en recherche d’emploi qui l’avait interpellé sur la question du chômage.

La fameuse phrase « Je traverse la rue et je vous trouve un emploi » couplée à un discours mettant en avant les difficultés des entreprises à recruter, n’a fait qu’accentuer le mépris de classe déjà identifié chez Macron et n’est pas du tout passée inaperçue.

Le lendemain, Christophe Castaner (délégué général LREM) a tenté de justifier les propos du président en mettant en avant le chiffre de 300 000 offres d’emplois non pourvues. Mais ce chiffre cache une réalité bien plus complexe et n’est que le produit d’une « manipulation » statistique que l’on retrouve souvent dans les débats sur le chômage, comme le montre cet article.

En vérité dans l’enquête sur laquelle s’appuie Castaner (« Besoins de mains d’œuvres » 2018) ressort le chiffre de 18 000 emplois non pourvus pour faute de candidature en 2017 , soit 0,6 % du total des emplois non pourvus. Il faut donc bien distinguer les emplois non pourvus pour diverses raisons (refus de candidature ou retrait de l’offre du au manque de moyen par exemple) et ceux non pourvus suite à une absence de candidature. Castaner entretient cette confusion qui lui permet, au final, de gonfler le résultat.

Ainsi en 2017 Pôle Emploi comptabilise 111 000 offres d’emplois non pourvues de façon définitive mais seulement 16 % par manque de candidature. Faites le calcul, on arrive bien à 18 000.

Le chiffre de 300 000 emplois est aussi gonflé par une estimation peu précise. En effet, les 111 000 offres de Pôle Emploi sont multipliées par un peu moins de 3. Cela se justifierait car Pôle Emploi ne concentrerait qu’un tiers des offres d’emplois en France (le reste passerait par des annonces, agences d’intérim...).

Mais il ne faut pas négliger le fait que ces offres d’emplois peuvent être autant des CDI que des CDD. De fait ce ne sont pas 300 000 offres d’emplois qui donnerait toutes du travail durant une année entière .

Même en s’alignant sur cette fourchette des 300 000 emplois non pourvus, ressort aussi que 97 000 recrutements ont été annulés suite au fait que le besoin d’embauche n’était plus d’actualité. 53 000 cas, eux, concernaient des recrutements en cours durant le temps de l’étude. De fait, le nombre d’offres d’emplois non pourvus pour faute de candidature reste très faible : 4,7 % des offres non pourvues.

Au delà cette « bataille des chiffres », une réalité plus que concrète saute aux yeux. Peu importe qu’il s’agisse de 300 000 ou 500 000 emplois non pourvus pour X raisons, il faut garder en tête que la catégorie de chômeur sans activité représente 3,4 millions de personnes. Dans l’hypothèse avancée par Castaner où ces 300 000 emplois seraient pourvus, il resterait toujours 3,1 millions de personnes sans activité. Cela représente 1 chômeur sur 11 qui pourrait occuper un poste et à l’inverse, 10 chômeurs sur 11 qui resteraient sans activité. Ces 300 000 emplois non pourvus représentent donc une goutte d’eau dans l’océan qu’est le marché du travail, qu’on serait tenté d’appeler le marché du chômage.

Malgré ce constat évident, Edouard Philipe s’est exprimé ce jeudi matin au micro de France Inter sans prendre en compte ce paramètre. Tout en tentant de minimiser l’arrogance dont avait fait preuve Macron, il déclare très sereinement qu’il y a « énormément d’entreprises qui veulent recruter et ne trouvent pas. » Il y a selon lui « un vrai problème » à ce niveau. Face à ce « problème » sa solution se résume au développement de la formation et de l’apprentissage en vue d’en faire « une voie royale pour trouver un métier. ». Comme démontré ci dessus, il n’y a pas « énormément » d’entreprises qui recrutent et très peu d’offres d’emploi ou aucun candidat ne répond. Ce n’est pas le « vrai problème » ni même un problème en soi. Le manque d’ajustement entre formation et marché du travail reste un facteur secondaire et ne peut justifier un aussi grand nombre de chômeurs.

Le problème du chômage n’est donc pas celui des offres non pourvues comme essaye de nous faire croire le gouvernement Macron, mais celui d’un marché de l’emploi structurellement déficitaire. Dans un contexte ou le chômage repart à la hausse depuis le deuxième semestre 2018 (en lien avec la suppression des emplois aidés par Macron il y a un an ), le gouvernement préfère mettre en cause les chômeurs qui « laisseraient » des emplois non pourvus et par cela, individualise le problème du chômage tout en déresponsabilisant le système. Dans une situation où des millions n’ont pas de travail, pendant que ceux qui en ont un triment toujours plus et plus longtemps, nous devons nous battre premièrement contre toutes les suppressions d’emplois (comme à Ford qui compte mettre 900 familles à la rue), et pour réduire le temps de travail jusqu’au partage total du temps de travail et sans baisse de salaires, car ce n’est pas à nous de payer leur crise.

 
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