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La Izquierda Diario
19 de octobre de 2018 Twitter Faceboock

Tensions Rome-Bruxelles sur le budget 2019 : Après la tragédie grecque, la comédie italienne ?
Mones Chaieb

Tensions entre le gouvernement réactionnaire de Rome et Bruxelles. Derrière les effets d’annonce, les deux parties ont intérêt à trouver un accord rapide, sur fond de possibles divisions dans la coalition de pouvoir italienne.

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Depuis que le gouvernement italien a présenté son budget pour l’année 2019, Bruxelles et Rome semblent s’affronter sur la scène européenne. Ce plan prévoit plus de 35 milliards de dépenses publiques afin de financer une baisse d’impôts et des investissements pour les entreprises d’une part, et d’autre part un « revenu citoyen » à hauteur de 780€ par mois dans un premier temps destiné aux retraités (exclusivement nationaux) vivant sous le seuil de pauvreté, ainsi que la possibilité pour une partie des travailleurs de prendre leurs retraite plus tôt à condition qu’ils aient cotisé 38 années.

Pour la mise en place de ces mesures le gouvernement de coalition Di Maio-Salvini prévoit un déficit public à hauteur de 2,4 % du PIB, alors que la Commission Européenne – garante de la stabilité des marchés financiers européens, et donc de la rigueur budgétaire des États qui empruntent sur ces marchés – souhaite limiter à 0,8% du PIB le déficit des États membres déjà surendettés. Or l’Italie est déjà endettée à plus de 130 % de son PIB, soit 2300 milliards d’euros de dette, et dépense chaque année entre 300 et 400 millions pour rembourser les intérêts. La Commission Européenne voit donc d’un mauvais œil le budget présenté le 27 septembre dernier, et craint qu’il pousse le gouvernement à ne pas pouvoir rembourser ce qu’il emprunte. Les investisseurs ont par ailleurs déjà augmenté les taux d’intérêts sur l’argent prêté à l’Italie, faisant ainsi gonfler encore et encore la dette du pays déjà énorme.

Actuellement la mise en scène de l’opposition entre Bruxelles et Rome ne fait qu’ajouter du burlesque à ce qui tient déjà du ressort de la bouffonnerie. Salvini serait donc engagé dans un bras de fer avec l’Union Européenne... ce serait oublier bien vite le vrai visage ceux qui se cachent derrière les masques du populisme. Tout d’abord, la Ligue représente avant tout les intérêts du patronat du Piémont, de la Lombardie, et de la Vénétie, régions industrielles du Nord de l’Italie, pour qui sortir de la zone euro signifierait l’asphyxie. Et si c’est bien Salvini qui a mis en avant les réductions d’impôts et les investissements au profit des entreprises privées, c’est du programme du M5S que sont issus le « revenu citoyen » réservé aux individus de nationalité italienne, ainsi que la modification de la réforme des retraites pour permettre à ceux qui ont cotisé 38 ans de partir plus tôt (c’est-à-dire ceux qui auraient commencé à travailler à 24 ans jusqu’à l’âge de 62 ans sans interruption). Une formation qui représente donc plutôt la petite-bourgeoisie du Sud de l’Italie – artisan, commerçants, paysans, fonctionnaires, mais aussi dans le secteur informel – déclassée, et une partie de la classe ouvrière qui voit les migrants comme autant de concurrents potentiels sur le marché du travail.

Il s’agit donc pour les deux formations réactionnaires de se démarquer l’une de l’autre, de mettre leur propre programme en avant et de satisfaire leur propre base sociale, dont les intérêts peuvent être incompatibles au regard de la crise de l’économie Italienne. Elles savent que leur alliance n’est que circonstancielle, et que l’une d’elles devra l’emporter sur l’autre.

Derrière les annonces politiciennes qui servent par ailleurs aussi bien aux européistes qu’aux souverainistes à se renforcer grâce à un effet épouvantail réciproque à l’approche des élections européennes, Bruxelles et Rome cherchent en réalité un accord, tandis que le rapport de force entre le M5S et la Ligue dans la coalition gouvernementale déterminera quels aspects du budget pourront être gommés. Si le gouvernement italien n’a aucun intérêt à sortir de l’Euro, il ne serait pas judicieux pour Bruxelles non plus de se brouiller avec la troisième économie européenne à la veille d’un Brexit aux contours encore troubles. L’issue des discussions reste encore incertaine. Cependant, il n’est pas à exclure que la bourgeoisie italienne, las des turbulences gouvernementales et autres surenchères dignes d’un western spaghetti, ne parvienne à rétablir à terme une ligne plus conventionnelle par le biais d’un Giovanni Tria, actuel Ministre de l’Économie, technocrate placé en force par la bourgeoisie et contre l’avis de la coalition au lendemain des élections.

 
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