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La Izquierda Diario
26 de novembre de 2018 Twitter Faceboock

Le président « pédagogue »
Macron répond aux gilets jaunes par une nouvelle opération de communication
Paul Morao

Malgré la volonté du gouvernement de minimiser leur ampleur, les manifestations massives et radicales des gilets jaunes qui ont eu lieu ce week-end participent d’un approfondissement évident de la crise qui s’est ouverte cet été avec l’affaire Benalla.

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Les gilets jaunes semblent ainsi venir couronner la crise par en haut du gouvernement Macron, dont les démissions en chaîne et la chute continue de la popularité du président ont été des signes éloquents ces derniers mois. Leur mobilisation pour la hausse du pouvoir d’achat exprime le surgissement d’un « bloc populiste », rassemblant des couches hétérogènes de la population touchées par une baisse continue de leur niveau de vie. Ce bloc-même que Macron avait choisi d’ignorer pendant sa campagne et d’attaquer de façon continue pendant la première année de son quinquennat.

Pourtant, face à la colère évidente le gouvernement semble osciller entre la volonté de fermeté, clairement exprimée par Edouard Philippe dimanche dernier suite à la première journée de blocage, et la nécessité de lâcher du lest. Pour le moment, le moyen choisi pour concilier les deux consiste encore une fois à se réfugier derrière une opération de communication. Macron proposera ainsi mardi un nouveau discours pour annoncer des mesures visant à rendre la Transition Ecologique plus « démocratique ».

Des gestes forts… ou pas

Dimanche, Emmanuel Macron expliquait, usant d’une rhétorique irritante, la nécessité d’« apporter une réponse économique, sociale, mais aussi culturelle et de sens » à « nos classes moyennes et à nos classes laborieuses ». Il semble pourtant que les « réponses culturelles » l’aient finalement emporté sur les réponses « économiques », et pour cause : elles coûtent moins cher. Loin des mesures économiques urgentes que réclament les gilets jaunes, c’est un énième « machin » que devrait proposer ce matin Emmanuel Macron.

Après un des grands discours dont il a le secret, le président a en effet prévu d’annoncer, dans le cadre du Conseil National de la Transition Ecologique, qui réunit syndicats, ONG et associations, son plan sur les questions énergétiques. D’abord le lancement d’un grand « dialogue national » territorialisé de trois mois sur la question de la Transition Energétique, accompagné de la création d’un Haut Conseil pour le Climat chargé d’évaluer « l’acceptabilité » des mesures écologiques. Deux propositions bien floues qui devraient être saupoudrées de quelques mesurettes concrètes telles que la conversion des chaudières au fioul, des micro-crédits pour acheter une voiture ou la simplification du chèque énergie.

Macron semble ainsi continuer à croire que le problème de sa politique réside dans le manque de « pédagogie » et que les gilets jaunes se soucient seulement des conditions de la transition écologique… Un constat très loin de la réalité alors que ces derniers réclament déjà sa démission et que leur mouvement est passé depuis longtemps de l’opposition à la hausse du carburant à un réquisitoire globale contre la détérioration des conditions de vie de la majorité de la population.

Entre déconnexion et contraintes politico-économiques

Pour ceux qui ont vu la détermination des gilets jaunes de près, il est difficile de comprendre les risques que prend le gouvernement en refusant d’écouter les travailleurs mobilisés. Pourtant, si l’on peut y voir un signe supplémentaire de la déconnexion de Macron et son équipe, dont Darmanin a donné un exemple frappant récemment, ce choix tient également à des contraintes économiques et politiques.

D’abord, Emmanuel Macron est confronté à la nécessité de remplir les objectifs de déficit qu’il s’est donné. Comme le note Renaud Honoré dans Les Echos, « Macron a peu de marges de manœuvre budgétaires pour amadouer les « gilets jaunes » » s’il souhaite tenir les objectifs de réduction du déficit public qu’il s’est fixé. Or, il faut bien compenser les mesures en faveur des riches, de la suppression de l’ISF à la transformation du CICE en baisse de charges pérenne pour le patronat, et ce sont les classes populaires, les classes moyennes et les retraités que Macron a choisi de faire payer. Malgré la colère, Macron entend bien « maintenir le cap » du projet pour lequel il a été élu : mener une politique offensive au service des riches.

Dès lors, d’un point de vue politique, Macron sait que reculer face aux gilets jaunes c’est risquer de sacrifier sa capacité à mener les réformes à venir, et en particulier la très centrale réforme des retraites. Tandis que l’exécutif est à la manœuvre pour réprimer et discréditer le mouvement en le colorant en brun, Macron joue donc les good cops à l’écoute à coups de réformes superficielles, espérant ainsi sauver son quinquennat et pouvoir continuer les attaques.

Que veut la « direction » des gilets jaunes ?

Si ces mesures très minimales semblent avoir peu de chance de convaincre les gilets jaunes, une brèche pourrait pourtant s’ouvrir pour le gouvernement. Aujourd’hui, l’annonce de la création d’une « délégation » de 8 personnes censée représenter les gilets jaunes face au gouvernement ouvre en effet la voie à des négociations autour de revendications minimales, bien loin de la colère exprimée par des centaines de milliers de gilets jaunes.

Les délégués ont en effet expliqué vouloir demander au Président de « revoir à la baisse toutes les taxes » et de créer « une assemblée citoyenne » pour débattre de la précarité ou de la transition écologique. Des revendications illusoires face à un gouvernement qui fait la sourde oreille, mais qui pourrait se saisir de négociations pour canaliser le mouvement et éteindre la mobilisation, sans ouvrir de véritables perspectives pour mettre fin à la précarité.

Dans un tel contexte, les gilets jaunes doivent trouver des modes de structuration par en bas qui permettent de continuer le mouvement et de résister à la pression institutionnelle. Si le mot d’ordre de « Macron démission » n’est pas un vain mot, il est clair qu’une telle revendication ne saurait se négocier avec le principal intéressé, qui semble déterminé à maintenir sa ligne.

 
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