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La Izquierda Diario
1er de janvier de 2019 Twitter Faceboock

Élections brésiliennes
Au Brésil, le président ultra-réactionnaire Jair Bolsonaro investi ce 1er janvier
Jade Ruiz

Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême-droite très controversé qui a remporté les élections présidentielles fin octobre dernier, a été investi mardi 1er janvier.

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Crédit photo : AFP

Qui est Jair Bolsonaro ?

Jair Bolsonaro était le candidat pour le Parti Social-Libéral (PSL) aux élections présidentielles brésiliennes qui se sont achevées fin octobre dernier. Celui-ci a remporté le scrutin avec 55,1% des votes considérés valides, contre 44,8% pour son opposant Fernando Haddad, candidat du Parti des Travailleurs (PT). Il a profité dans la dernière ligne droite de la campagne de l’effondrement du centre, notamment du PSDB, et a été porté par le soutien de l’institution judiciaire et militaire, des médias, d’importants secteurs du patronat ainsi que des églises évangéliques.

Ancien capitaine de l’Armée pendant la dictature militaire de 1964 à 1985, celui-ci ne cache pas sa nostalgie de l’époque ni sa proximité avec le corps militaire. Avec lui sera investi le plus grand nombre de militaires au gouvernement depuis plusieurs décennies, et ce dans différents ministères. Abonné aux frasques polémiques particulièrement racistes, sexistes et homophobes, la campagne présidentielle était placée sous le signe de la violence, avec notamment des agressions de la part des militants ou sympathisants du PSL, qui avaient multiplié les agressions politiques.

Proche ami des grands patrons du secteur agraire et du patronat brésilien, Jair Bolsonaro entend mettre en place aux côtés de son super-ministre Paulo Guede (en charge de l’économie, des finances, de l’industrie et du commerce) un programme ultra-néolibéral : privatisations d’au moins un tiers des entreprises publiques dont l’entreprise pétrolière Petrobras, Electrobras, ainsi que les banques Banco do Brasil et la Caixa Econômica Federal. Il entend également poursuivre la destruction du Code du Travail et la suppression du 13ᵉ mois, ainsi que la très impopulaire réforme des retraites.

Les élections les plus manipulées de l’Histoire récente du Brésil

Mais pour comprendre l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, il faut revenir sur le mécontentement chez les classes populaires et les travailleurs, suscité par 13 ans de gouvernement du Parti des Travailleurs ainsi que par ses trahisons, notamment l’application des programmes austéritaires qui ont conduit aux mobilisations de 2013, d’abord contre la hausse des tarifs des transports publics, avant de se transformer en une lutte généralisée contre les réformes néolibérales, la destruction des services publics et du Code du travail et la précarité. Une mobilisation défaite avec la complicité des directions des centrales syndicales comme la CUT liée au PT, qui ne souhaitait pas mettre en place un véritable plan de bataille alors même qu’une impressionnante vague de grèves paralysait le pays.

Dans un contexte de crise profonde du régime et des partis du centre, Bolsonaro a ainsi profité de la situation et a réussi à canaliser une très grande partie du sentiment anti-PT et du rejet de la corruption, ainsi que de la violence sociale très forte au Brésil, se présentant comme « l’homme fort qui remettra de l’ordre dans le pays ».

Cette élection a par ailleurs été l’un des scrutins les plus manipulés de l’Histoire récente du Brésil avec une intervention du pouvoir judiciaire dans la campagne politique sans précédent, dans le direct prolongement de l’opération Lava Jato qui avait mené à la destitution de Dilma Roussef et au coup d’Etat institutionnel qui avait mis au pouvoir le très impopulaire Michel Temer. Ainsi, l’emprisonnement arbitraire de Lula avant l’élection, donné favori, empêchant la population de voter pour qui elle l’entendait, mais aussi, pendant l’élection, avec la minimisation de crime comme l’achat de messages de campagne en soutien à Bolsonaro par des grands patrons diffusés par WhatsApp en toute illégalité, sont des démonstrations de l’intervention de l’arbitraire judiciaire dans ces élections. Mais plus flagrant encore, la nomination de Sergio Moro, le juge ayant mené toute l’opération Lava Jato de destitution de Dilma Roussef, au ministère de la justice de Bolsonaro démontre le caractère anti-démocratique de ces élections. Cette séquence politique a également été marquée par un retour important de l’Armée dans les affaires politiques brésiliennes, avec notamment la menace d’intervenir si Lula était finalement libéré et autorisé à se présenter.

Déjà des scandales de corruption

Le scandale concerne Fabrício Queiroz, ancien chauffeur de Flavio Bolsonaro, fils du président élu sénateur aux dernières élections. Queiroz serait impliqué dans des transactions s’élevant à des millions avec l’épouse du nouveau président et d’autres mouvements bancaires avec des membres de la famille Bolsonaro. Des dépôts bancaires qui ont eu lieu le jour du paiement à l’Assemblée Législative de Rio de Janeiro. Celui-ci s’est défendu en expliquant que les dépôts sur son compte concernaient la vente d’automobiles, ou encore le paiement des salaires de ses filles qui auraient travaillé comme conseillères auprès de ministres. Celui-ci a refusé de comparaître devant la justice, au motif d’une intervention chirurgicale pressante, un motif jugé suffisant aux yeux du Ministère de Public brésilien en charge de la fiscalité. La manière dont la justice traite cette affaire impliquant la famille Bolsonaro est un nouveau signe du parti pris absolu du pouvoir judiciaire qui a pour objectif de garantir la continuité des réformes qui vont venir avec le gouvernement Bolsonaro. Cependant, si la justice semble fermer les yeux, cela ne veut pas dire que la population restera dupe face à ces manœuvres politiques.

Le véritable test, l’épreuve de la lutte de classes

Si l’élection de Bolsonaro est particulièrement inquiétante pour l’avenir des classes populaires, des travailleurs et de la jeunesse au Brésil, son ascension exprime surtout un mécontentement de la population envers les partis politiques traditionnels, mais ne signifie pas un accord total avec son programme ultra-libéral. De plus, avant même d’être investi, celui-ci doit faire face à des affaires de corruption, un comble pour celui qui avait fait de la lutte anti-corruption son cheval de bataille.

Certaines mesures-phares de son programme sont très impopulaires, au sein même de ses propres électeurs : 60% de ses électeurs sont par exemple contre la privatisation de Petrobras, et 44% pensent que toutes les entreprises publiques doivent restées sous le contrôle de l’État.

Sans parler de la très impopulaire réforme des retraites qui vise à prolonger l’âge de départ à la retraite et rejetée à 71% par la population. En 2017, le Brésil avait d’ailleurs connu d’importantes mobilisations contre la réforme. C’est pourtant l’un des objectifs centraux de son mandat. Du point de vue des capitalistes brésiliens, il s’agit de maintenir la classe des travailleurs plus longtemps sur le marché du travail afin de les soumettre à plus de concurrence et faire pression sur les salaires, tout en libérant plus de fonds publics pour payer la dette publique criminelle d’un coût d’un billion de réais par an, détenues par plusieurs multimilliardaires qui s’enrichissent sur les taux d’intérêts.

Si l’on peut se demander ce que donnera un Brésil gouverné par l’extrême-droite, la réponse finale sera donnée par l’avancée de la lutte des classes. En effet, si le mouvement ouvrier a été mis à l’épreuve par Michel Temer, cela a été permis par la trahison des centrales syndicales qui ont refusé de mener la grève générale au moment où l’ancien président Michel Temer traversait une crise profonde. Les manœuvres politiques et judiciaires qui ont mis Bolsonaro au pouvoir ont été permises car jusqu’au dernier moment, les centrales syndicales notamment la CUT, proche du PT, ont empêché l’entrée en scène de la classe ouvrière.

Si la situation politique internationale est marquée par l’entrée au pouvoir de gouvernement réactionnaire comme Trump, Salvini ou Bolsonaro, elle connait également l’irruption sur la scène politique des classes populaires comme on peut le voir en France avec le mouvement des gilets jaunes, face à un Macron qui se disait « jupitérien ». Pour affronter un programme comme celui de Bolsonaro, il semble nécessaire de proposer aux travailleurs, à la jeunesse, aux personnes racisées et LGBTQI+, un réel plan de bataille, depuis les lieux de travail, les syndicats, les centres académiques, en toute indépendance de classe. Un programme qui pose la question de la grève générale et de la prise du pouvoir par les travailleurs au moyen d’une Assemblée Constituante qui pourrait discuter de tous les sujets primordiaux.

 
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