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La Izquierda Diario
9 de janvier de 2019 Twitter Faceboock

Plus de capitaine, et un vent de tempête
Jouanno sort et le « grand débat » de Macron prend l’eau
Claude Manor

Côté pile, la répression des Gilets Jaunes bat son plein et soulève un tollé, côté face le projet de « grand débat national » est en mauvaise posture ! Avec la démission de Chantal Jouanno, la stratégie de Macron bat la breloque. « Manu », tu as tort de remettre à plus tard ce que les gilets jaunes réclament aujourd’hui !

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Photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Première avarie du « grand débat », Jouanno démissionne

Depuis le début du conflit, et particulièrement depuis la rentrée de janvier, Macron a mis deux fers au feu pour tenter d’endiguer la colère des Gilets Jaunes. La répression à tout va, pour terroriser tout de suite, et le « grand débat national », histoire d’agiter un hochet pour plus tard.

Grand renfort de tambours et trompettes, donc, pour annoncer le nec plus ultra de la démocratie, ce grand débat national dont le plus-du-tout-jupitérien Macron prévoit le lancement à partir du 15 janvier pour une période de trois mois. Et pour commencer, à tout projet son « pilote » : ce sera Chantal Jouanno, présidente de la Commission Nationale du débat public (CNDP), dont la rémunération pour ses bons et loyaux services sera en 2019, de plus de 176.000 euros, soit un salaire brut mensuel de 14.666 euros.

Les vents ne sont décidément pas favorables pour une stratégie qui se cherche. A peine positionnée comme pilote de ce projet salvateur, Chantal Jouanno est rapidement prise à partie pour cette rémunération non seulement scandaleuse mais hautement provocatrice, face à des gilets jaunes dont on mégote les revendications pourtant modestes et légitimes. Dès lors, la présidente n’a pas eu d’autre solution, pour sauver la face, que de démissionner illico.

Sans capitaine, sans organisation, mais bien cadré le navire va…

Le rôle de pilote du grand débat est désormais vacant. La succession de Jouanno est ouverte, même si elle ne perd pas pour autant son statut de présidente de la Commission Nationale du Débat Public. Le navire est donc, à quelques jours de son départ, privé de capitaine.

Pour ce qui concerne l’organisation du voyage, la préparation du débat, le moins que l’on puisse dire c’est qu’à J-6 du compte à rebours, elle baigne dans le flou. Certes, promesse est faite de mise en ligne à partir du 15 janvier d’une plate-forme numérique qui pourra notamment fournir « un kit méthodologique ». A voir ultérieurement pour ceux que ça intéresserait…

En tout cas, l’organisation de la « concertation » semble d’ores et déjà très éloignée ne serait-ce que de formes classiques de démocratie directe. Un "comité des garants", réunissant des « personnalités d’horizon divers », sera chargé de superviser « le bon déroulement de la concertation ». Qui seront ces garants et sur quels critères de bienséance institutionnelle seront-ils désignés ? On ne le sait pas à ce jour. Il est douteux, en tout cas, qu’ils puissent être considérés comme la voix des Gilets Jaunes et de l’ensemble de la population qui soutient leurs revendications.
Reste l’épineuse question des thèmes à aborder dans cette grande discussion nationale. Il semble que si Chantal Jouanno a perdu si rapidement le statut de pilote du projet, ce n’est pas seulement sous l’effet de l’opinion publique, mais aussi parce qu’elle avait ses propres détracteurs au sein du gouvernement. En réalité, même si, comme elle le demandait, le premier ministre était prêt à accepter une CNDP relativement indépendante, il ne voulait en aucun cas perdre le pouvoir de cadrage du débat et de ses thématiques. L’éphémère pilote représentait, de ce point de vue, un danger car elle prônait « une ouverture du débat à tous les thèmes sans exclusive ». Contrôler les thèmes, la remontée et la synthèse des débats, voilà ce à quoi le pouvoir ne voulait pas et ne voudra jamais renoncer.

C’est donc dit et réaffirmé ce matin même, au lendemain de la démission de Jouanno, par la ministre de la santé Agnès Buzyn, à la matinale de Bourdin, les thèmes des débats doivent être cadrés « sinon ça partirait dans tous les sens et on ne pourrait pas fournir de données et de chiffres sérieux sur tout ». A ce jour, ils se résument en principe à quatre : les mobilités et le logement, la justice fiscale, l’évolution de la pratique démocratique, et l’Etat et les services publics

C’est surtout les passagers potentiels qui ne veulent pas monter à bord

Un peu trop ou trop peu non ?, pour des gilets jaunes et toute une population qui aspirent à passer au crible les méfaits d’un gouvernement des riches, qui refusent de voir passer au laminoir les revenus et les conditions de vie des plus pauvres, des plus démunis, des précaires, des femmes discriminées.

Alors, quoi d’étonnant à ce que la mécanique mal huilée, mais qui se veut prometteuse, du « grand débat national » n’apparaisse pas comme un débouché crédible au mouvement des Gilets Jaunes. Tous les commentateurs se montrent dubitatifs sur le niveau de participation que suscitera son ouverture et sur ses chances de mettre fin au mouvement de protestation. Quant aux gilets jaunes la plupart le disent clairement : ils n’en attendent pas grand-chose.
Car les promesses de résultats ne sont guère alléchantes. Jusqu’à présent les engagements du gouvernement relèvent plutôt de la langue de bois : « rendre plus simples plus efficaces et solidaires les dispositifs de la transition écologique », « accentuer les différenciations des réponses en fonction des territoires » et, en ce qui concerne l’exécutif, « transformer l’organisation de l’Etat pour le rendre plus agile et plus proche des citoyens ». « Parole, Parole, Parole » serait tentée de chanter Dalida !

Cherchant désespérément des intermédiaires pour sa stratégie, Macron a depuis le début du mouvement, choisi, pour la relayer, de s’appuyer sur cette population spécifique d’élus que sont les maires. Clin d’œil à 1789 et à une prétendue démarche révolutionnaire, l’outil cahier de doléances est propulsé via les mairies comme préalable au grand débat.

Comme on pouvait s’y attendre, ceux qui commencent à s’écrire ici ou là se ressemblent comme des petits frères, pour la bonne et simple raison qu’ils ne font que reproduire les revendications que les Gilets Jaunes clament de manière de plus en plus politique, mais très concrète et immédiatement applicable, dans la rue, sur les ronds-points et partout où ils luttent.

Alors pourquoi déployer toute cette machinerie si ce n’est pour contenir et faire rentrer dans le rang la révolte qui gronde. Les actes 1 à 9 et bientôt 10, se succèdent et élaborent un message très clair. Il est très vraisemblable que bon nombre de gilets jaunes choisissent la rue, les places et les ronds-points pour continuer à réclamer satisfaction immédiate de leurs revendications plutôt que d’embarquer à bord d’un grand débat dont on ne voit pas bien comment il les amènerait au port.

 
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