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La Izquierda Diario
13 de janvier de 2019 Twitter Faceboock

Bilan d’étape
Une mobilisation historique à Sciences Po Toulouse. Le 14, on continue !
Flo Balletti

L’acte I de la mobilisation à Sciences Po Toulouse qui s’est déroulé du 6 au 14 décembre aura été historique avec des AG de plusieurs centaines d’étudiants. L’AG de rentrée ce lundi 14 janvier sera l’occasion de débuter un acte II afin de montrer que la mobilisation se poursuit aux côtés des lycéens et gilets jaunes afin, plus que jamais, d’amplifier le rapport de force pour faire tomber Macron et son monde. 


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Le jeudi 6 décembre, la mobilisation à Sciences Po Toulouse débute dans un contexte historique où le mouvement des gilets jaunes s’amplifie au point d’ouvrir une situation prérévolutionnaire dans le pays et de donner des sueurs froides à Emmanuel Macron et son exécutif. Lors de cette première assemblée générale, 250 étudiants, enseignants, et personnels se tassent dans un amphi’ Jaurès bondé. Une mobilisation très forte, qui s’explique, outre la crise ouverte par les gilets jaunes, par une répression violente et sanglante de la police envers les lycéens (lacrymos, tirs de flashballs), en plein centre-ville de Toulouse.

Témoins de ces scènes de forte répression, les étudiants discutent dès lors d’ouvrir les portes de l’institut d’études politiques (IEP) aux lycéens, en tant que « safe zone » pour éviter les matraques des policiers. La discussion sur la situation politique est riche, et accouche d’un vote majoritaire de soutien au mouvement des lycéens, et à celui des gilets jaunes, ainsi qu’une occupation reconductible lors de l’AG du lendemain.



Le lendemain, l’AG faisait un appel clair et explicite pour constituer un cortège jeune (lycéens et étudiants) aux côtés des gilets jaunes, lors de l’acte IV du samedi, afin de jouer un rôle d’entrainement auprès de secteurs qui n’étaient pas encore mobilisés. Alors que la reconduction de l’occupation est votée pour le lundi, la présence du cortège jeune qui aura regroupé jusqu’à environ 200 étudiants et lycéens (bien que certains soient nassés par des policiers) samedi 8 décembre, aura permis de démontrer la tradition de lutte et d’organisation du mouvement étudiant. De nombreux gilets jaunes ont témoigné de leur sympathie en prenant en photo la banderole au message explicite : « jeunes et gilets jaunes, tous ensemble pour faire tomber Macron et son monde ».



Convergence entre secteurs en lutte

D’emblée s’est imposée la nécessité d’une convergence entre les secteurs en lutte, afin d’éviter un confortable mais délétère entre-soi, pour au contraire massifier et consolider, partout, les mobilisations. Durant cette mobilisation inédite à Sciences Po Toulouse qui aura pu rassembler jusqu’à 400 personnes lors de l’AG du lundi 10 décembre (il y a seulement 900 étudiants de Sciences Po sur Toulouse actuellement), les lycéens, les étudiants du Mirail ou des Beaux Arts, ainsi que des gilets jaunes se sont exprimés lors nos AG. Une présence essentielle afin de réfléchir à des actions communes. Des étudiants de Sciences Po Toulouse étaient également présents lors des AG de lycéens, du Mirail et des gilets jaunes afin de faire ce retour d’expérience et de tisser des liens entre les secteurs. Un exemple pratique : une formation « que faire lors d’une arrestation ? » a pu être prodiguée par des étudiantes de Sciences Po auprès des Beaux-Arts.

L’occupation aura également été un moyen de se connaître avec des étudiants d’autres facs, et de mieux approfondir les liens entre des étudiants des différentes promotions qui se sont parfois parlé pour la première fois lors de la mobilisation. Cette occupation de jour s’est matérialisée, outre la tenue d’AG quotidiennes, par des « ateliers alternatifs » proposés par les étudiants, les professeurs ou des représentants d’associations et organisations (Act Up, L214, etc.).

Les questionnements démocratiques au cœur des débats

Un élément particulièrement intéressant se retrouve en trame de fond de cet acte I de la mobilisation Science Piste (du 6 au 14 janvier) : à plusieurs échelles, des questions éminemment démocratiques se sont posées. Au sein même de l’instance d’auto-organisation qu’est l’assemblée générale, plusieurs remarques ont été faites. Ces interrogations sont légitimes et saines, tant il est normal d’expérimenter, de tatônner, pour trouver un organe d’auto organisation le plus démocratique possible. Des ajustements ont été faits. Désormais, lors des AG, les personnes à la tribune se relaient. Aussi, les gestes de désaccord jugés trop violents ont été modifiés. La question du vote électronique a également été posée. Au-delà de certains problèmes techniques que cela pourrait engendrer, ces procédés de vote, s’ils sont mis en place, seraient un pas en arrière alors que la tradition étudiante et ouvrière d’auto organisation est celle du vote à main levée qui permet de donner une dynamique moins austère aux votes, mais aussi et surtout, de débattre, pouvoir se convaincre, et changer de position. Bref, sortir des carcans de la démocratie représentative, de ses votes dans l’isoloir une fois tous les 5 ans, et donner pleine vie à une démocratie directe.

Mais aussi, et surtout, l’assemblée générale aura permis de remettre en question la démocratie de Sciences Po. Le poids des décisions prises collectivement, à plusieurs centaines de personnes, après des débats, des prises de bec n’est sans commune mesure avec l’organe décisionnaire qu’est le CA, censé nous représenter. Etudiants et personnels non enseignants y sont largement sous-représentés, puisque sur 31 membres, il n’y a qu’un seul élu du personnel et 9 chez les étudiants. En revanche 11 personnalités extérieures et ayant droit y siègent à l’image de la femme d’affaires Marie-France Marchand Baylet, ou président du tribunal administratif Christophe Laurent. Le même qui avait envoyé les policiers déloger violemment l’occupation au Mirai au printemps dernier déclenchant le blocage pour une journée de l’IEP.

Pendant la mobilisation, la direction a dû se plier tant bien que mal aux décisions prises démocratiquement en assemblée générale, ce qui témoigne de la puissance de ces assemblées, les seuls organes véritablement démocratiques qui étaient par ailleurs ouverts également aux enseignants et personnels.

Enfin, à une troisième échelle, les questions démocratiques à l’échelle d’un pays ont aussi été au cœur des débats déjà ouverts par les gilets jaunes. La Vème république a été questionnée avec notamment la figure présidentielle, mais aussi la pertinence de la présence du sénat. Ont été évoquées des possibilités pour palier à ce « manque de démocratie » au sein de nos instances représentatives avec la possibilité d’introduire une révocabilité des élus, ou de leur octroyer le salaire médian afin d’éviter les dérives opportunistes que l’on connait.



Liste de revendications et lettre ouverte

Tout au long de l’occupation, une commission s’est chargée de la rédaction d’une lettre ouverte (voir ci-dessous), qui, ensuite soumise au vote de l’assemblée avait pour objectif d’être relayée dans la presse afin d’exprimer le désaccord profond qui s’exprime dans l’assemblée envers les politiques et pratiques réactionnaires de Macron qui ne profitent qu’à une minorité de la population. 

Au bas de cette lettre ouverte, on retrouve également les revendications votées en AG. Dissolution du sénat, abolition de la figure présidentielle, fin des privilèges pour les représentants… autour des questionnements démocratiques, les éléments développés plus haut ont été votés, tout comme la « dissolution de la Vème République ». Hausse du SMIC, rétablissement de l’ISF, ouverture des frontières, appel à une "justice et vérité pour les victimes des violences policières" sont autant de revendications qui figurent dans la lettre rédigée. Sans oublier les revendications propres à la jeunesse : gratuité de l’enseignement supérieur, retrait de la loi ORE, ou encore suppression de Parcoursup.

Voter ces revendications a permis non seulement de se donner une boussole politique mais d’aller les présenter ensuite aux assemblées générales des autres secteurs en lutte pour pouvoir les discuter. Alors que beaucoup d’entre elles rejoignent celles des lycéens ou des gilets jaunes, celles-ci ont permis de tisser des liens, et de montrer un soutien explicite. Ce fut le cas par exemple lors de la deuxième assemblée des gilets jaunes qui s’est tenue le 16 décembre, et où 3 étudiants de l’IEP ont pu apporter leur soutien aux 500 gilets jaunes présents et leur présenter une partie des revendications votées en AG. 



Des acquis à maintenir, d’autres pratiques à améliorer pour poursuivre sur la voie démocratique

Les liens forts qui ont pu se tisser, les « travaux pratique » de lutte, les réflexes démocratiques entrevus dans la mobilisation, le degré de radicalité qui a pu s’exprimer dans les AG…. autant d’éléments extrêmement positifs qu’il s’agira de conserver pour la suite ! Il y aura incontestablement un avant et un après au sein de Sciences Po Toulouse. Cependant nous ne sommes pas encore à l’après puisque lundi 14 janvier aura lieu l’AG de rentrée qui décidera des suites du mouvement.

Les risques d’une institutionnalisation des assemblées générales, manœuvre possible de la direction pour tuer le mouvement sont à prendre en compte. Face à cela, il s’agit de revendiquer que les AG, organes décisionnaires de la démocratie étudiante, s’arrachent à la direction et ne s’institutionnalisent pas en les fixant par exemple un mardi chaque semaine à la même heure, et en les vidant de toute possibilité de déclencher une action. Au contraire, ce sont les votes qui permettent de décider du jour et de l’heure. Ils sont souverains et permettent de décider de diverses modalités d’action qui peuvent être une occupation, un blocage externe, etc… ou d’autres types d’action à l’extérieur de l’IEP.

Le fait que les AG, bien qu’elles se soient tenues tôt le matin de manière quotidienne (ce qui avec du recul, a peut-être été une faiblesse), soient restées relativement massives (entre 100 et 400 présents environ), est une autre force de la mobilisation. En revanche, à l’image du mouvement étudiant du printemps dernier, on a pu retrouver un certain fossé entre ces AG massives et le nombre d’étudiants présents en manifestation. Alors qu’après l’AG du 31 mars 2016 à Sciences P Toulouse qui avait regroupé un peu plus de 200 personnes, au plus fort de la contestation contre la loi El-Khomri, une centaine d’étudiants avaient ensuite battu le pavé, au plus fort il n’y en aura eu qu’une cinquantaine lors de l’acte IV. A cela s’ajoute le risque de l’entre-soi, de préférer assister à des ateliers, que de construire le rapport de force avec les autres secteurs, et dans la rue. Il semble qu’en fin de semaine, cet écueil soit apparu alors que dans un premier temps le fait de n’organiser aucun atelier ou de les annuler en cas de manifestation ou action semblait quasiment consensuel. 

Concernant les questions démocratiques, l’une des faiblesses de cet acte I de la mobilisation à Sciences Po est certainement l’absence de comité de mobilisation, organe exécutif des décisions prises en AG. Un dispositif mis en place par la plupart des universités mobilisées au printemps dernier contre la sélection, à commencer par le Mirail ou Tolbiac. Pour rectifier le tir, et mettre en place de vrais comob’, la nécessité s’imposera peut être de faire des AG plus courtes et/ou non reconduites quotidiennement. Par ailleurs, par souci démocratique, il semble nécessaire lors des AG de voter une délégation, et de lui attribuer les mandats de l’AG, pour les présenter aux autres secteurs. 


Le 14 janvier, on repart de plus belle ?

La semaine du 10 au 14 décembre, alors que la mobilisation ne prenait pas véritablement au Mirail, Sciences Po et les Beaux Arts étaient les deux uniques secteurs étudiants véritablement mobilisés sur Toulouse, en compagnie des lycées. D’habitude plus en retrait dans les mobilisations, l’IEP s’est retrouvé d’une certaine manière à « l’avant-garde » prenant l’initiative d’un cortège jeune et de l’élaboration de toute une série de revendications démocratiques, économiques, antiracistes ou écologiques qui ont pu être portées aux AG des gilets jaunes. De manière générale, au niveau national, s’il y a bien eu quelques AG prometteuses avec des milliers de personnes, le mouvement étudiant n’a pas encore pris. Dans ce contexte, et sur la lancée de la mobilisation du 6 au 14 décembre mise entre parenthèses par les vacances puis les partiels, il est plus que temps de repartir de l’avant !

Si certains étudiants émettent parfois des doutes sur la légitimité d’une « école élitiste » à se mobiliser aux côtés des gilets jaunes, l’intervention d’une professeure venue d’Inde pour donner des cours à Sciences Po pendant une semaine, résume l’affaire. « Ne pas se mobiliser contre la politique d’un gouvernement, c’est de fait se ranger de son côté ». Par ailleurs, la prestigieuse Sorbonne fut le centre névralgique de mai 68, une mobilisation partie des étudiants mais qui ensuite a mené à la plus grande grève générale de l’histoire de l’Occident avec ses 10 millions de grévistes. 



Alors que la mobilisation des gilets jaunes ne s’est pas essoufflée malgré la propagande médiatique et la terrible répression autant policière que judiciaire qui s’est abattue sur le mouvement, il est temps d’essayer autant que faire se peu d’aller vers un « tous ensemble » qui entraine la jeunesse, mais aussi les travailleurs vers une grève générale, seul moyen de paralyser véritablement tout le pays, de libérer du temps à ceux qui se battent ou voudraient se battre et d’installer un rapport de forces favorable à nos revendications. 

Les gilets jaunes poursuivent par ailleurs leurs actions, et ont trouvé une structuration avec la mise en place de commissions émanant de leur AG, comme la « commission action ». Afin d’amplifier notre convergence avec les autres secteurs en lutte, une politique juste pourrait être de davantage s’investir et rallier les actions proposées par des gilets jaunes qui ont besoin de monde pour les mener à bien.



Ce jeudi à la bourse du travail, les gilets jaunes, la CGT, Solidaires, Solidaires Etudiant.e.s, l’UET et la FSU se sont rencontrés et ont décidé de mener des actions communes, de rédiger un tract commun, et de pousser à la grève dans tous les secteurs. Au mouvement étudiant de se réveiller pour converger massivement avec les gilets jaunes et amplifier sa puissance en apportant sa propre tradition de lutte et d’organisation. La jeunesse dans la rue a toujours fait peur au pouvoir. Dans cet horizon historique qui s’ouvre, il est grand temps de le terroriser et de le faire tomber !

 
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