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La Izquierda Diario
7 de octobre de 2015 Twitter Faceboock

Vous avez dit « choc des photos » ?
Air France. Trois illustrations qui en disent long
Corinne Rozenn

Une image, ici, en l’occurrence deux photos et une caricature, en disent parfois plus long sur une situation que mille analyses. Que ce soit à propos du climat politique en France (souvent présenté comme réactionnaire), la séquence sociale (qui serait atone) et la disposition au conflit (moribond), les clichés de l’action de lundi, à Roissy, qui ont été largement repris dans la presse hexagonale et internationale, en disent long sur la situation que nous vivons. Au bas mot contradictoire.

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Alors bien entendu, au lendemain de l’envahissement du CCE par les salariés en lutte, toute la presse est indignée. Le plus intéressant, avant de passer à nos images, reste sans doute le fait que les plus virulents dans la condamnation ont été Le Parisien-Aujourd’hui en France. En parlant de « dérapage » ou de « crash sur le dialogue social », les très droitiers Les Echos et L’Opinion sont restés beaucoup plus sobres, comme si la presse ouvertement patronale savait que, parfois, certaines situations peuvent être tendues, et que cela fait partie des risques encourus.
La palme de la (non)radicalité revenait néanoins, mardi, à L’Humanité. Le quotidien « fondé par Jean Jaurès » titrait en une « Valls et le Medef désavoués par le Conseil d’Etat », soulignant la façon dont le très prolétarien Conseil d’Etat avait retoqué un texte voté par les socialistes et voulu par le patronat au sujet des indemnités chômage. Par-delà la bonne nouvelle (liée à la lutte des chômeurs et des précaires, davantage qu’aux bonnes dispositions du Conseil d’Etat en qui il faudrait avoir confiance), L’Huma a, comme qui dirait, raté le coche, ou plutôt l’avion.
Mais deux photos sont extrêmement révélatrices.

La première est celle de Xavier Broseta, DRH, jusqu’à hier, du groupe. On le découvre hagard. Il ne s’attendait pas à pareille réception. Mais il reste agrippé à ses certitudes, les 2900 licenciements maintenus et qui pourraient même approcher les 5000 selon les dernières révélations du Canard Enchaîné. Il les a chevillées au corps, à l’instar de ces attributs du capital qu’il défend contre vents et marée mais qui sont encore plus ridicules après la bousculade dont il a été au centre. Alors que pendouille, à son cou, un reste de cravate, il serre contre lui comme un précieux sésame, sa tablette, pendant que des matons l’exfiltrent. 

Le cas de Plissonnier est encore plus parlant. Lui aussi porte une veste légèrement froissée. Mais sur la photo, il est en sécurité. Entouré, de façon redondante, par plusieurs membres des compagnies Républicaines de Sécurité qui n’auront jamais plus mérite leur sobriquet de CRS-SS, lancé pour la première fois par les mineurs en grève en 1948. « SS » car miliciens collabo du capital. Sur ce cliché, Plissonnier et les flics incarnent, dans une pureté dévoilée par le combat de classe, l’essence même de ce qu’est, en dernière instance, l’Etat, si l’on suit la définition qu’en donne ce bon vieux Engels : un groupe d’hommes armes qui défend la propriété privée. 

Le combat de lundi a eu, par ailleurs, cet autre mérite que de révéler ce que prolétariat veut dire, aujourd’hui : à savoir cette énorme majorité de salariés qui, indépendamment des typologies de contrats et des différences de revenus, partagent tous cette sujétion au capital à travers le travail/emploi, dont dépend leur survie. Plantu (voix de son maître, le capital, s’il en est) ne s’y est pas trompé. Pour lui le prolo est souvent aviné, toujours abruti. Cette fois-ci, c’est le pilote qui a la bouteille à la main, la goutte au nez.

Selon Jaurès, un Jaurès un peu plus radical que celui dont se réclame le quotidien cité plus haut, « le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. (...) Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité ».

C’est donc la guerre de classe qui a commencée ? Pas encore. Il ne s’agit que des prolégomènes. Elle s’est jouée lundi sur un plan symbolique, mais pour une fois, les travailleurs ont réussi à retourner le rapport de force, en faisant intrusion sur le terrain de l’ennemi.

 
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