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La Izquierda Diario
16 de décembre de 2015 Twitter Faceboock

Tueries de Paris et de Saint-Denis
Bataclan. L’Etat, la police et la justice au courant de l’attentat ?
Corinne Rozenn

C’est ce que l’on appelle un pavé dans la mare : jusqu’à présent, on n’avait eu le droit qu’à un récit plus ou moins épique de l’intervention des forces de l’ordre au Bataclan pendant la nuit du 13 au 14 novembre, de même que celui de l’assaut donné à la planque de Abdelhamid Abaaoud de la rue Cornillon 8 novembre. Mais Le Canard Enchaîné, qui ne lâche pas ses informations à la légère, dévoile dans son édition du mercredi 16 décembre que cela faisait en fait cinq ans que la police et la justice, c’est-à-dire que François Hollande mais également Nicolas Sarkozy, étaient parfaitement au courant des menaces terroristes qui pesaient sur la prestigieuse salle de concert parisienne.

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Selon Le Canard, depuis 2010 tout le monde savait, dans les hautes sphères de la Place Beauvau, dans l’entourage de la Garde des Sceaux, à Matignon comme à l’Elysée, que le Bataclan était la cible potentielle d’un attentat. Néanmoins, comme cela s’est vu le 13 novembre, la salle de spectacle ne faisait l’objet d’aucun dispositif de surveillance particulier.
« Depuis cinq ans, souligne Le Canard, la police savait qu’un groupe terroriste avait projeté un attentat suicide contre le Bataclan. La justice, et plus précisément le pôle antiterroriste, n’en a pas davantage soufflé mot mais elle aussi le savait ». L’absence « d’alerte et de vigilance » des autorités a en effet de quoi surprendre, comme le souligne l’hebdomadaire satirique, d’autant plus que le Plan Vigipirate, censé nous « protéger » contre les attaques terroristes, est à son plus haut niveau depuis des années.

Mais que fait la police ?

Une information judiciaire aurait en effet été ouverte le 13 juillet 2010 pour enquêter sur un projet d’attentat visant nommément la salle de spectacle. A l’époque, le juge d’instruction désigné dans cette affaire est Christophe Tessier. Néanmoins, le dossier se clos sur un non lieu à l’automne 2012. A l’époque, le niveau de l’état d’alerte est à son maximum mais jamais les propriétaires de la salle n’ont été « informés ou entendus par les enquêteurs » selon Le Canard.
A l’automne 2014, à nouveau, un avocat, Olivier Morice, représentant de la famille Vannier qui a perdu l’une de ses proches dans un attentat perpétré au Caire en 2009, demande au pôle antiterroriste de poursuivre un Belge d’origine tunisienne, Farouk Ben Abbes, pour « association de malfaiteur en vue de préparer des actes de terrorismes (projet d’attentat contre le Bataclan) ». A l’origine de cette demande, Dude Hoxha, une islamiste française arrêtée en Egypte et impliquée dans l’attentat de 2009. Cette dernière aurait confessé à la police hexagonale qu’un de ses frères d’armes, Ben Abbes, aurait eu pour projet de faire sauter le Bataclan parce que ses patrons seraient « juifs » et financeraient l’armée israélienne, certains galas en l’honneur de Tsahal y ayant régulièrement été organisés ces dernières années.
Au cours de l’automne 2014, le juge antiterroriste Trévidic avait également fait le lien entre Ben Abbes, le projet d’attentat contre le Bataclan et celui du Caire cinq ans auparavant. « Les mêmes suspects, selon Trévidic, apparaissent dans les deux dossiers ». Aujourd’hui, l’enquête a mis en lumière des liens entre Ben Abbes et Fabien Clain, le Français qui a revendiqué les attentats du 13 novembre au nom de Daech.

Quelles barbaries ?

Depuis mercredi matin, un certain nombre de gros bonnets des ministères de l’Intérieur et de la Justice ainsi que des responsables politiques tentent de se justifier. Compte-tenu de la quantité de soupçons et de menaces, il est impossible, disent-ils, de mettre deux policiers à chaque entrée d’immeuble dans les grandes villes. Côté sites internet de bas étage, plus ou moins fascisants, on s’en donne à cœur joie. Sur nombre de pages et de blogs on voit fleurir la théorie selon laquelle les informations du Canard confirmeraient qu’en réalité les attentats seraient le résultat d’un obscur complot.

En réalité, ces informations mettent surtout en lumière le cynisme abject des politiciens qui sont aux commandes. La question n’est pas tant de développer le budget du renseignement, de la police et du contrôle en tout genre. Au vu des révélations du Canard, l’ensemble des mesures votées jusqu’à présent, notamment le renforcement liberticide de la loi après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes montrent surtout leur inefficacité.

Pour ce qui est des larmes versées par les gouvernants et ex-gouvernants, ce sont avant tout une mise en scène : tous savent que la population, en France, coure un risque majeur, en raison des menaces proférées par une série de groupe islamistes réactionnaires. Mais tous savent également que ces menaces sont d’autant plus susceptibles d’être opérationnelles que la France poursuit, à l’étranger, une politique néocoloniale, interventionniste, raciste et impérialiste. C’est ce qui alimente les candidats à ce « combat » dont nous sommes les premières victimes, alors que le racisme institutionnel, la discrimination à l’égard des musulmans ou désignés comme tels renforce les divisions de notre classe et le sentiment de relégation et de marginalisation de toute une partie d’entre elle.

Ce n’est donc pas avec de super-juges antiterroristes que l’on déjouera la menace de Daech, ni même avec un renforcement de l’état d’urgence. C’est avant tout en combattant efficacement la politique de l’État français qui génère par contrecoup cette barbarie à travers une barbarie infiniment plus grande faite d’expéditions militaires à l’étranger et leur lot de « dommages collatéraux », d’intromissions systématiques et de rapports abjects avec les pires des dictatures (laïques ou religieuses) du Proche et du Moyen-Orient, très officiellement ou par l’intermédiaire de ses multinationales. Tant que l’impérialisme français continuera à bombarder, piller et rançonner à l’étranger, il ne peut y avoir aucune sécurité, ni pour nous, ni pour nos proches, nos amis et nos collègues. C’est l’une des leçons qu’il nous faut tirer des tueries du 13 novembre. Leurs guerres, systématiquement, ce sont nos morts.

 
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