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La Izquierda Diario
1er de août de 2016 Twitter Faceboock

ÉTATS-UNIS – VIOLENCES POLICIÈRES
Comment lutter contre la terreur policière ?

Julia Wallace (article original publié dans Left Voice)

Ils vous tueront que vous soyez armés ou non. Ils vous tueront que votre pantalon soit remonté ou baissé. Ils vous tueront que vous ayez le plus grand respect ou que vous répliquiez. Ils vous tueront que vous soyez trans, cis ou hétéro. Ils vous tueront avec un enfant de quatre ans sur le siège arrière. Si l’histoire américaine montre une chose, c’est bien que la police tue les Noir.e.s.

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La colère contre les assassinats des Noirs est devenue internationale, ainsi que celle de la façon de lutter contre le terrorisme de la police. Nous sommes déjà dans les rues, manifestant et bloquant les autoroutes et les ponts face à la police et aux politiciens. Manifester est important, mais qu’en est-il de la stratégie ? Que peut-on faire face à l’injustice ? La solution n’est pas d’avoir plus de visages noirs aux postes de pouvoir. Nous avons choisi des maires noirs, des gouverneurs et un président noir ; pourtant le racisme anti-noir, la brutalité infligée par l’État et l’incarcération de masse n’ont fait qu’augmenter au cours des 30 dernières années.

Dans la frustration, certaines personnes ont appelé les Noirs à s’armer contre la police. Les Noirs ont le droit de se défendre contre la terreur policière et la bigoterie. Mais comment ? Aucun individu seul ne peut frapper le système là où il le faudrait. Aucun tireur solitaire ne peut en finir avec la brutalité policière, ni même la contrecarrer.

Lorsque un policier est enlevé, beaucoup d’autres surgissent pour le remplacer. Cinq policiers ont été tués à Dallas : eux aussi, seront remplacés. Les politiciens ont tenté d’utiliser la mort de la police de Dallas et de Bâton Rouge pour briser et intimider le mouvement Black Lives Matter. Au contraire, le mouvement a connu une nouvelle vague de résistance. Mais la question persiste : comment pouvons-nous arrêter ces policiers racistes et assassins ?

L’inégalité sociale et les divisions de classe sous le capitalisme renforcent et perpétuent le racisme, qui ne finira jamais si on n’attaque pas sa base structurelle. Nous devons nous organiser en tant que travailleurs et travailleuses pour lutter ensemble contre les capitalistes, les flics et l’État. Ceci est la seule façon d’avancer.

Les socialistes révolutionnaires ne sont pas des pacifistes, mais le martyre et la vengeance individuelle n’ont pas de place dans notre stratégie. Les Noirs armés individuellement ne peuvent pas défendre la communauté contre la police raciste. Les organisations armées se sont défendues pendant un certain temps, mais dès qu’elles constituaient une menace pour le capitalisme américain et ses institutions, elles ont été écrasées par la répression étatique.

Défendre la communauté noire

Les exemples des Black Panthers, de la Black Liberation Army et d’autres organisations armées dans les années 60 et 70 sont nées d’une frustration populaire vis-à-vis du pacifisme. Cependant, les seules armes ne pouvaient pas arrêter les attaques de la police. Les Panthers ont été en mesure de repousser l’équipe de SWAT (Special Weapons And Tactics) nouvellement créée, du département de police de Los Angeles (LAPD), lors d’un raid sur leur siège à Los Angeles en 1969. C’était grâce à la mobilisation de la communauté pour défendre les Panthers, en partie en raison de leurs projets – de cliniques par exemple – ainsi que le programme de petit-déjeuner gratuit. Cependant, la police et le FBI ont utilisé les armes des Panthers comme prétexte pour effectuer une attaque brutale sur l’organisation et ses membres. De leur côté, les Panthers n’ont pas été prêts pour défier l’État dans une lutte armée. La police a visé et a cassé les Panthers. Ils ont émoussé leur potentiel révolutionnaire par la violence et le lourd poids du système judiciaire : par les poursuites, les amendes coûteuses, les cautions, les procès truqués et l’isolement carcéral.

Aujourd’hui, si un phénomène similaire mené par les Noirs, les peuples opprimés ou des groupes révolutionnaires se présentait, il serait violemment décimé à moins qu’il ait des milliers, des millions de soutiens. Il y a quelques semaines, nous avons vu que la police de Dallas a fait exploser une bombe pour exécuter Micah Johnson sans procès et sans aucune preuve présentée devant un tribunal.

L’organisation communautaire est une façon de construire la résistance. Les Panthers ont assuré le soutien de la communauté grâce à des services de santé et des programmes de petits déjeuners pour les enfants. Pour résoudre les conflits au sein de la communauté noire, c’est aux Panthers plutôt qu’à la police que les gens demandaient de l’aide.

La défense communautaire signifie la solidarité. Des actions de solidarité dans les rues, visant les meurtres de police, se transforment en manifestations qui peuvent arrêter la ville. Nous pouvons et nous devons prendre les rues. Avec une plus grande organisation, les mobilisations peuvent cibler des quartiers commerciaux et bloquer les autoroutes. Pourtant, il y a une puissance qui est à notre disposition que nous ne pouvons pas nous permettre de nous passer : la puissance de la classe ouvrière.

Conseils civils : la communauté peut-elle contrôler la police ?

Les tenants de la perspective de « contrôle communautaire sur la police » prônent le recours à la surveillance civile de la police. Certains organismes communautaires et les groupes de la gauche mettent en avant ce mot d’ordre. Cela a également été proposé dans le passé par Bobby Seale, des Black Panthers, qui a soutenu l’idée de conseils civils qui auraient de l’autorité sur la police et qui auraient le pouvoir d’embaucher et de licencier. Dans chaque ville où elle est proposée, la police s’oppose à cette idée. Actuellement, la « Commission de police » de Los Angeles est utilisée par les membres de la communauté noire pour exprimer leurs préoccupations au sujet de la police. Mais ses membres sont nommés par le maire, et la commission n’a aucun pouvoir sur le département de police de Los Angeles pour former, embaucher ou licencier ; et ce même lorsque la commission de police est en désaccord avec le département de police de Los Angeles. La police continue à tuer en toute impunité.

Face à cette commission fictive, d’autres organisations ont proposé une commission de police civile. Mais est-ce que ces conseils pourraient être un mécanisme de la communauté pour contrôler la police ? Unión del Barrio, une organisation mexicaine nationaliste-révolutionnaire et internationaliste basée à Los Angeles, a récemment proposé que cette commission de police civile se mette en œuvre, en la comparant à la commission déjà existante de Los Angeles Unified School District (LAUSD). Il convient de noter, cependant, que les policiers ne sont pas des enseignants : ils sont des exécuteurs et l’ennemi de classe. Le but de leur profession est de sauvegarder l’ordre capitaliste et de réprimer la contestation.

Par conséquent, la communauté devrait avoir le pouvoir de décision sur les erreurs de la police et son rôle. Nous voulons mettre fin à la police, et non pas embaucher des policiers plus gentils ou plus amicaux. Nous ne cherchons pas une meilleure représentation des peuples opprimés parmi les policiers. Pendant des décennies, il y a eu un recrutement des policiers parmi les jeunes noirs et les latinos pauvres par les campagnes de recrutement au marketing hautement financé, ciblant spécifiquement les jeunes hommes et femmes de couleur tout juste sortis de l’école secondaire.

Une force de police aux couleurs de l’arc-en-ciel ne change pas la nature raciste de l’institution et sa fonction. La police en tant qu’institution réprimera toujours, quelle que soit la couleur de l’agent de police (le département de police de Los Angeles est le service de police le plus meurtrier dans le pays, bien qu’il ait une majorité de policiers de couleur). En absence d’une réelle emprise sur la force d’application des lois dans son ensemble, un conseil de police civile qui s’occuperait d’une partie du processus d’embauche ne sera qu’une couverture « démocratique » sur la police et l’État.

S’organiser en tant que classe

L’exploitation de la classe ouvrière assure la concentration continue et l’accumulation du capital et du pouvoir de la classe dirigeante. Cet argent et le pouvoir sont à la fois garantis et investis dans l’Etat, dans ses forces répressives (police, garde nationale, etc.) et dans les institutions capitalistes « douces » (éducation ségrégée, médias corporatistes). Tous les jours, nous allons travailler et rendre nos patrons plus riches. Tant que nous restons passifs, la police et le racisme qu’elle exerce systématiquement ne cessera jamais. Mais sans les travailleurs pour produire de la richesse, les villes seront paralysées. Sans notre travail, les patrons ne sont rien. Sans notre travail, la nation n’est rien. Notre tâche immédiate est de s’unir en tant que classe pour se battre contre les voyous que sont les patrons et la police.

Si cette société de la suprématie blanche déteste les Noirs, et si nous insistons et luttons pour veiller à ce que les vies noires comptent vraiment dans une société où elles ne comptent pas, les Noirs ne peuvent cependant pas lutter seuls contre la violence de la police. Le système capitaliste se nourrit de la division. Il est dans l’intérêt de la classe dirigeante et de la suprématie blanche de maintenir l’oppression systémique des personnes de couleur, et de faire croire aux Blancs de la classe ouvrière qu’il est préférable pour eux de défendre des réactionnaires et de se mettre au côté des politiques anti-ouvrières et des riches, plutôt que de celui des opprimés. Trump incarne cette fausse conscience parmi les travailleurs blancs, puisant dans la désunion au sein de la classe ouvrière. Nous devons nous organiser ensemble et former une organisation cohérente et combative qui apporte à la fois les expériences des personnes opprimées et de la classe ouvrière.

Les syndicats sont censés défendre les travailleurs et la communauté. Nous devons mettre en place la lutte pour que nos syndicats prennent position contre les policiers racistes. Cela signifie maintenant d’arrêter le travail quand les policiers tuent l’un d’entre nous, de manifester contre la brutalité policière, de s’organiser contre la terreur policière et d’expulser les policiers des organisations de la classe ouvrière et les syndicats.

Les organisations de travailleurs doivent se réunir dans un front uni contre les crimes racistes de la police sous les slogans, « pas de flics dans nos syndicats » et « grève contre la terreur policière » Cela a le potentiel pour construire une solidarité active vers une riposte efficace contre la police. Nous devons apporter ces propositions sur nos lieux de travail, dans les réunions syndicales et à dans les autres organisations de la classe ouvrière. La campagne Left Voice fait partie de la « grève contre la terreur de la police » (Strike Against Police Terror, StrAPT) en cherchant à organiser et mobiliser les syndiqués, les non-syndiqués, les précaires et les chômeurs de tous les genres, ethnies et handicaps comme une force de grève contre la terreur policière. Nous allons utiliser notre pouvoir en tant que classe et en tant que peuple opprimé pour lutter contre le capitalisme et ses forces armées, la police.

Le cimetière des mouvements sociaux

Les Démocrates et les Républicains ont tous deux présidé pendant la torture, le meurtre des Noirs et l’incarcération de masse. Les chefs de police, les maires, les gouverneurs et les présidents : de haut en bas, ils maintiennent le système raciste.

Le 19 mai 2015, un mois après que Freddie Gray a été tué par un traumatisme médullaire provoqué par la police de Baltimore, le président Obama a signé la loi « Blue Alert » pour protéger la police en créant un système national qui alertera les policiers lors des menaces. Le 28 mai 2016, gouverneur de Louisiane John Edwards a inscrit le projet « Blue Lives Matter » dans le droit afin d’inclure la police comme un « groupe protégé » dans les lois sur les crimes haineux. En faisant ainsi, le gouverneur Edwards assimile les forces armées de l’Etat aux personnes et aux communautés très opprimées alors que les forces armées sont embauchées et formées pour harceler, enfermer et tuer.

Après les meurtres d’Alton Sterling et de Philando Castille, et après la tuerie de Dallas, la commission noire du congrès démocratique et d’autres politiciens du Capitol Hill se sont alignés pour exiger un « débat de contrôle des armes à feu ». Aucune mesure pour résoudre les assassinats des Noirs par la police n’a été discutée. Aucun sit-in pour la vie de plus de 130 hommes, femmes et enfants noirs tués cette année par la police n’a été proposé. Ces lois sont conçues pour assurer la sécurité des policiers tandis qu’ils nous assassinent de sang froid.

Les ouvertures mises en scène par les dirigeants du Parti démocratique sont destinées à étouffer le mouvement de résistance qui prolifère dans tout le pays. Toute organisation politique financée par des capitalistes est forcément contrôlée par ces derniers. Nous devons rompre avec les politiciens et les partis de la classe capitaliste.

La question de la police n’est pas d’ordre moral : la police est la force armée de l’Etat, le même Etat qui fixe les profits pour les capitalistes et qui offre la misère à la plupart des travailleurs et au peuple. Les policiers sont les gardiens de ce système. Le racisme est répandu chez les agents de police et est tissé dans l’institution de la police. Le pouvoir d’embaucher ou de licencier les policiers ne change pas leur rôle social. Tant qu’il y aura le capitalisme, il y aura des policiers pour le mettre en application. Les communautés opprimées ne contrôleront pas la police avant de l’avoir abolie. C’est-à-dire, avant que le capitalisme ne reçoive son coup mortel et qu’il n’y ait plus besoin d’une force spéciale qui protège les riches et qui garde les opprimés en échec.

Nous devons nous organiser et nous unir en tant que classe pour mettre fin à la brutalité policière raciste. La dissolution de la police n’est possible qu’à travers l’abolition du système de classe et des relations sociales inégales que la police a été créée pour maintenir.

Traduit de Left Voice par Thabitha Kotravaï

 
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