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La Izquierda Diario
22 de novembre de 2016 Twitter Faceboock

Dans l’esprit de la loi travail
Travailler plus pour gagner moins ? DCNS dénonce son accord d’entreprise
Arthur Nicola

Le 15 novembre, la direction de DCNS, géant de la construction navale au chiffre d’affaire de 3,04 milliards d’euros, a décidé de dénoncer son accord d’entreprise, qui avait pourtant été obtenu en 2004 au terme d’un chantage de plusieurs mois avec les syndicats. En cause : l’organisation du temps de travail, que l’entreprise veut revoir, alors qu’elle a d’ores et déjà réussi à imposer un PSE et des accords de compétitivité. Une dénonciation inacceptable pour une entreprise qui croule sous les commandes, et qui est majoritairement détenu par l’Etat. Loin d’être un hasard du calendrier, la dénonciation arrive quelques mois après la loi travail, alors que les premiers décrets d’application commencent à tomber

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La direction impose aux syndicats de renégocier l’accord d’entreprise relatif au temps de travail malgré d’importantes concessions accordées au forceps

Elle a finalement exécuté la menace qui pesait sur toutes les dernières négociations : dénoncer l’accord d’entreprise de 2004. Et ce pour un seul et unique but : augmenter de 20 minutes par jour le temps de travail efficace, c’est-à-dire ne pas changer le temps de travail, de 7h30 par jour actuellement, mais d’accélérer les cadences pour faire en sorte que les ouvriers travaillent 20 minutes de plus avec la cadence actuelle. Le tout, évidemment, sans une quelconque augmentation. « Il s’agit d’augmenter la charge de travail et de mettre plus la pression  » résume Alexis Padet, secrétaire général de DCNS Cherbourg, là où sont fabriqués les sous-marins de l’entreprise.

La négociation sur l’organisation du temps de travail (OTT), qu’ils sont maintenant obligés de faire, les syndicats n’en voulaient pas. Et pour cause ! Durant les dernières années, la direction a imposé deux accords délétères dans l’entreprise, et toutes les organisations syndicales, excepté la CGT, ont accepté de signer, couteau sous la gorge, pour justement ne pas avoir à renégocier l’accord d’entreprise. En 2015, un « plan de performance  », un accord incluant un accord de compétitivité, est signé, permettant notamment d’obliger les travailleurs à changer d’établissement sans indemnités si leur établissement est en sous charge (ou considéré comme tel par la direction). S’en suit un « plan de sauvegarde [de suppression] de l’emploi  » qui menace près de 1000 emplois, dont 120 à Cherbourg. Un PSE encore une fois signé par la CFDT, la CFE-CGC et l’UNSA contre la promesse de ne pas revenir sur l’OTT. Un PSE qui se double de mesures sur l’externalisation de certaines activités, c’est-à-dire des mesures pour l’augmentation de la précarité.

Finalement, cette dénonciation intervient avant même qu’aient pu être obtenus les résultats relatifs à un accord signé par toutes les organisations syndicales sur la qualité de vie au travail, accord qui prévoyait des groupes de travail sur l’organisation du travail, et donc sur une meilleure organisation de celui-ci pour les salariés.

Un accord pour « plus de compétitivité » dans une entreprise qui croule sous les commandes et qui organise son déficit

La direction a justifié sa décision d’augmenter le temps de travail par la nécessité de « faire face à la concurrence européenne et asiatique  ». «  Ces 20 minutes, c’est 30 millions d’euros de compétitivité gagnés par an en moyenne, 1% de notre chiffre d’affaires de manière récurrente » expliquait la même direction. Des affirmations qui passent mal auprès des salariés, alors que DCNS croule actuellement sous les commandes, après avoir remporté le « contrat du siècle » en Australie, où un contrat de 34 milliards d’euros a été signé cette année. Cependant, sur cette somme colossale d’argent, les salariés n’en verront aucune partie, voire n’y verront que le fruit des concessions extirpées des dernières négociations. Laurent Hébert, délégué syndical central (CGT) expliquait en effet que « les contrats d’armement sont des contrats très margés [avec de fortes marges, ndlr] […] 80 à 85% des bénéfices retournent aux actionnaires ». Des économies de 30 millions alors que des contrats rapportant mille fois plus sont signés ? Une honte !

Evidemment, DCNS n’en est pas à son premier coup d’essai. Pour faire passer ses accords de 2015 (le plan de performance et le PSE), l’entreprise avait expliqué être en grave difficulté financière, arguant que les Mistral français n’avaient pas été livrés à la Russie. En réalité, il s’agissait là encore une fois d’un jeu comptable destiné à faire passer les suppressions d’emplois : «  pour la CGT, c’est une écriture comptable. La boîte écrit qu’elle est déficitaire, et pour cela, elle met son argent dans sa trésorerie, créant ainsi un déficit : c’est ce qui a permis le plan global de performance  » nous expliquait Alexis Padet (CGT DCNS Cherbourg). La pratique est bien connue dans tous les conseils d’administrations des grands groupes : pour permettre de doper sa productivité sur le dos des travailleurs, organiser un déficit pour réclamer des mesures aux syndicats. Une pratique contre laquelle un seul instrument permet de lutter : réclamer l’ouverture des livres de comptes, afin que les salariés et leurs organisations puissent eux mêmes vérifier les dires de leurs patrons, et déconstruire les faux discours de leurs exploiteurs.

Une dénonciation qui arrive à point nommé pour le patronat, en pleine promulgation de la loi travail

Si pour l’instant la direction a assuré que les négociations ne porteraient que sur l’OTT, la très récente parution des décrets relatifs à la mise en œuvre de la loi travail donnera surement à la direction des idées nouvelles. D’autant plus que récemment aussi, a été signé un accord de branche très défavorables aux métallurgistes au niveau de la branche, et ce avec l’active participation de FO. Ce n’est en effet pas un hasard si les accords d’entreprises sont en ce moment plus négociés qu’avant : avec la nouvelle loi, le patronat peut se régaler de nouveaux profits. Cependant, à DCNS, la pilule du Medef ne passe pas, surtout quand la direction parle de « compétitivité face aux concurrents européens et asiatiques » : «  aujourd’hui, la loi El Khomri a permis à la direction de dénoncer facilement l’accord d’entreprise. Mais pour Cherbourg par exemple, notre programme [la production de sous-marins] est étatique, et il n’est pas en concurrence avec d’autres groupes industriels. L’Etat est à la fois actionnaire et client. Il n’y a donc pas de compétitivité en question. C’est juste une question de stratégie financière à court-terme  » explique Alexis Padet. Contre les chantages patronaux, seuls une organisation efficace des travailleurs pourra primer, et cela commence par remettre en cause les choix des directions syndicales qui ont accepté les précédents reculs, se soumettant au chantage patronal. En outre, alors que des piquets de grève avaient été organisés à DCNS durant le mouvement contre la loi travail, il s’agit encore une fois de questionner quels outils a notre classe pour s’opposer aux chantages des actionnaires, de surcroit quand celui-ci n’est autre que l’Etat.

 
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