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La Izquierda Diario
5 de décembre de 2016 Twitter Faceboock

Le meilleur ami de Valls démissionne lui aussi
Italie. Tremblement de terre politique aux répliques multiples… jusqu’à Bruxelles, Berlin et Paris
Ciro Tappeste

Le référendum de dimanche était censé être un plébiscite. Bénéficiant d’une cote de popularité relativement élevée ou plus importante, en tout cas, que celle de ses homologues européens en poste, le premier ministre italien Matteo Renzi (Parti Démocrate, centre-gauche) l’avait conçu comme un véritable plébiscite de sa politique combinant contre-réformes libérales, raidissement bonapartiste et populisme clientéliste. Néanmoins, le raz-de-marée prévu en faveur du « oui » est devenu un rouleau-compresseur pour le « non ». Avec un taux de participation extrêmement élevé, de 65%, près de 60% des électeurs ont rejeté le projet de réforme constitutionnelle proposé par Renzi, ce dernier ayant remis, dans la foulée, sa démission.

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Ciro Tappeste

Autant une victoire du « oui » aurait représenté une consolidation du projet bonapartiste de Renzi, un renforcement de la coalition au pouvoir portée par le PD, autant le « non » met un coup d’arrêt aux projets du renzisme mais ne signifié pas automatiquement que le monde du travail, les classes populaires et la jeunesse de la péninsule, qui subissent de plein fouet la crise, seront en capacité de tirer parti de la situation de crise ouverte qui s’installe.

La presse financière internationale n’a pas hésité à dramatiser la situation. Selon The Economist, le référendum du 4 décembre était l’évènement politique le plus important en Europe à la suite du Brexit alors que, selon le Financial Times, un « non » plongerait le pays dans la récession. Indépendamment du ton volontairement catastrophique de la presse pro-européiste, le « non » est une défaite pour les secteurs les plus concentrés du capital.

Le référendum de Renzi ou « Réforme Renzi-Boschi » prévoyait, globalement, un redimensionnement du rôle du Sénat, une réduction du nombre de parlementaires, la suppression de certains organismes jugés inutiles comme le CNEL (équivalent italien du Conseil Economique, Social et Environnemental). Indépendamment du pari fait par Renzi consistant à vouloir traduire politiquement, à travers un vote populaire, le niveau de soutien dont il croyait bénéficier, le but de la réforme était de régler la question de l’extrême faiblesse de l’exécutif italien -63 gouvernements en 70 ans d’histoire républicaine-, et ce en dépit des modifications apportées au régime à la suite de la crise de la I° République et l’Opération « Mains Propres » qui l’a suivie.

Le référendum, en tant que tel, et la Réforme Renzi-Boschi, cherchaient, pour séduire largement, à emprunter au programme des secteurs de l’opposition populiste de droite : clin d’œil à l’électorat de droite quant à la nécessité d’une plus grande stabilité politique et discours contre le « coût » de la politique portée par la Ligue du Nord et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) de Beppe Grillo. Parallèlement, Renzi et ses partisans insistaient sur des promesses de plus grande efficacité pour lutter contre la crise à l’égard des secteurs populaires qui constituent l’une des bases traditionnelles du PD italien.

Face à cette stratégie politique et communicationnelle qui a bénéficié, comme pendant les années du berlusconisme triomphant, d’un matraquage médiatique sans faille de la part des télés publiques, c’est un large éventail de forces qui s’est exprimé pour le « non ». En son sein, il y avait d’un côté la gauche, qui était loin d’être hégémonique, divisée par ailleurs entre les « frondeurs » anti-renzistes du PD, la CGIL, le principal syndicat italien, qui est entré tardivement dans la bataille, le syndicalisme de base et l’ensemble de la gauche radicale. De l’aûtre côté du front de « non », on comptait également la Ligue du Nord de Salvini, le M5S de Grillo ainsi que Forza Italia, le parti d’un Berlusconi, vieillissant mais qui continue à exercer une influence des plus délétères sur l’échiquier politique italien. Pour cet arc de forces allant de l’extrême droite à l’extrême gauche, les raisons de voter « non » étaient multiples et le « non social » était loin d’être majoritaire, même si, au cours des dernières semaines, notamment après la grève du 21 octobre, les rassemblements et les manifestations se sont multipliés, sur la gauche, contre le gouvernement.

Certes, le choix du « non » n’était pas conditionné, pour la gauche, par la désignation d’un bouc-émissaire tout trouvé en la « personne », par exemple de Bruxelles, pour mieux sauver la mise de la bourgeoisie locale. C’était, là, le discours de l’UKIP de Nigel Farage dont il était très compliqué de se différencier, y compris pour les secteurs de gauche appelant à voter « Lefxit ». Dans la cas italien, où la dimension anti-renzienne du référendum était centrale, il n’y aura pas d’automaticité entre la crise gouvernementale à laquelle le « non » a cédé la place avec la démission du gouvernement (qui restera au pouvoir pour gérer, dans les prochains jours, les affaires courantes), et une perspective de renforcement, à gauche, de la contestation anti-austéritaire.

La droite dure, en Italie, reste en embuscade, et la question de la traduction politique des batailles de ces dernières années, contre la réforme de l’Ecole, contre le Jobs Act, la Loi Travail à l’italienne, ou sur le terrain des luttes sociales, comme dans le secteur de la logistique, continue à être une question centrale à laquelle les secteurs les plus avancés du monde du travail et de la jeunesse n’ont su, jusqu’à présent, répondre. Dans les prochaines semaines et les prochains mois, néanmoins, c’est un scénario absolument renouvelé qui s’offre à eux. C’est également une situation lourde d’inquiétudes qui se profile pour la bourgeoisie tant italienne qu’européenne : la loi électorale précédente ne saurait permettre un retour rapide aux urnes, des élections anticipées verraient la victoire écrasante du M5S de Grillo dont les secteurs les plus concentrés du capital ne veulent pas dans la sixième puissance impérialiste mondiale alors qu’une majorité parlementaire pour constituer un nouveau gouvernement de coalition semble extrêmement compliquée à trouver. Avec une France et une Allemagne en plein débat électoral, la bourgeoisie européenne n’avait sans doute pas besoin d’un nouveau coup de semonce et d’un nouveau révélateur de la crise organique qui secoue le continent aujourd’hui. A notre classe de se saisir de la situation pour mieux la renverser.

 
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