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La Izquierda Diario
15 de mars de 2017 Twitter Faceboock

« Ils ont tiré sur n’importe qui et ont pris des innocents »
La vérité sur les violences policières contre les lycéens de Saint Denis

Doc du réel, chaîne de documentaires politiques et militants revient sur la répression policière à Saint-Denis, le 7 mars dernier, suite aux incidents survenus au lycée Suger. De nombreux lycéens de l’établissement racontent les événements. Leur récit est glaçant.

Elise Duvel

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/La-verite-sur-les-violences-policieres-contre-les-lyceens-de-Saint-Denis

Le mardi 7 mars, un incendie a été volontairement allumé au lycée Suger suivi d’un possible tir de mortier artisanal. Les lycéens ont directement été évacués de l’établissement sur décision du proviseur, qui n’a tenu compte à aucun moment de ce qui pouvait attendre des centaines de lycéens qui n’avaient rien à voir dans l’histoire et étaient en cours depuis le matin. Ils sont tout bonnement expulsés de leur lycée. Dehors, les jeunes se retrouvent face à la police, prête à en découdre, et la situation dégénère. A peine sortis, les lycéens reçoivent des tirs de flasball, se font matraquer, tabasser, reçoivent des coups de taser. Les forces ont « tiré sur n’importe qui et ont pris des innocents » témoigne une lycéenne.
Résultat : 55 interpellations et gardes à vue dont 44 mineurs pendant 30 heures.

La vérité racontée par ceux qui subissent les violences

Les jeunes en garde à vue racontent leurs conditions de détentions inhumaines : maintenus dans le noir toute la journée, dans le froid, dans la puanteur et la saleté. Ils étaient sommés de ne pas parler. Les cellules étant toutes pleines à craquer, des lycéens sont laissés pendant toutes ces heures, assis par terre, menottés au banc des interpellés.
Ce sont aussi les insultes : « sale pute ». D’autres à caractère raciste : « sale Noir », « sale arabe », « bamboula ». Rien d’étonnant, quand Luc Poignant, policier membre du syndicat Unité SGP Police, s’est distingué par sa xénophobie décomplexée en déclarant à propos de l’affaire Théo que « bamboula, ça ne doit pas se dire mais ça reste à peu près convenable », lors de son passage à l’émission C’est dans l’air.
Au commissariat où les lycéens ont été embarqués, les flics se vantent du meurtre d’Adama Traoré morts des mains de la police, pour provoquer les jeunes des quartiers dont ils savent tout le symbole qu’il représente.
Pour couronner le tout, les lycéens rapportent que les policiers prenaient les jeunes en photos et s’en amusaient comme s’ils étaient des animaux de cirque.
On entend, dans le documentaire, des jeunes s’exprimer plus largement sur la répression quotidienne dans les quartiers. Une mère d’un élève interpellé, indignée, rappelle que les CRS sont postés quotidiennement depuis des mois à l’entrée de la cité des Francs-Moisins , au pied de laquelle est construit le Lycée Suger, et qu’elle a le sentiment de vivre en prison. «  A chaque fois que les jeunes des quartiers manifestent, il y a de la répression » témoigne une autre parent d’élève.
Les différentes interviews sont révélatrices du racisme quotidien et du mépris avec lequel sont traités les jeunes des banlieues : humiliations, violences policières physiques ou verbales, contrôles au faciès, interpellations abusives.
Une mère dit ne pas savoir si la manifestation spontanée qui a suivi est reliée à l’affaire Théo ou fruit d’un ras-le-bol plus général. La première cause dans l’affaire n’est pas Théo, mais les jeunes ont vite fait le lien entre le viol de Théo, leur vécu et un sentiment d’injustice et de colère.
Au cours d’une séquence, un lycéen exprime sa colère face au fait que pour la police, « quoiqu’ils fassent, il ne se passe jamais rien », pointant des violences qui ne peuvent jamais être dénoncées. Il ajoute qu’il a compris que la police n’est pas là pour nous protéger.
Enfin, le témoignage d’un lycéen est très clair sur la surenchère répressive dans les quartiers dès lors que les jeunes essayent de relever la tête : « le maintien de l’ordre pour les jeunes des banlieues est hardcore. A Paris, dans une manif, on a un tir de flashball toutes les deux minutes. Là c’est dix tirs de flashball par minute. Ici c’est pas comme à Paris où il y a une mise à l’écart par le gaz ou on a une stratégie de la tension. Ici c’est le corps-à-corps voulu par les forces de l’ordre. Ici c’est direct taser, matraques ».
Le problème c’est les contrôles au faciès, les fouilles au corps humiliantes et systématiques, le racisme de tous les jours, partout et tout le temps, même lorsqu’il n’est pas manifeste.

Quand les politiques vomissent sur les jeunes

De l’autre côté, l’ensemble de la classe politicienne s’est empressé de condamner ces « voyous » et se sont indignés des faits de violence à l’intérieur du lycée. Bien sûr, ils ne se sont pas indignés des conditions de travail et d’étude absolument désastreuses qui est le lot quotidien des lycéens et des personnels de Suger. Encore moins des interventions policières.
Pour François Fillon, les jeunes sont « des voyous qui agressent les forces de police au cocktail molotov. Il y a vraiment quelque chose de brisé dans notre république. Nous ne pouvons plus tolérer cette violence parce qu’elle menace notre cohésion sociale. L’école doit imposer la culture du respect et de la discipline  ». Dans l’intervention du candidat Les Républicains reprise dans le documentaire, Fillon renchérit en donnant quelques mesures qui en disent long sur son programme contre les familles des quartiers populaires : suspension des aides sociales des parents de « délinquants ».
Najat Vallaud-Balkacem, ministre de l’Education nationale, a annoncé une augmentation de 30% des Equipes Mobiles de Sécurité, des vigiles envoyés par le rectorat, une spécialité de celui de Créteil qui gère les lycées du 93, et invite à renforcer ces dispositifs sécuritaires.
Le Pen nous parle de sévir face au sentiment d’impunité de ces voyous.
Et Valérie Pécresse interpellée par une mère en colère lui répond : «  grâce au partenariat lycée Suger avec Sciences Po ou Paris Dauphine, 7 élèves de ce lycée vont à Sciences Po ou à paris Dauphine. Ce lycée on s’en occupe pour le tirer vers le haut ». Et Pécresse de rajoute que « 55000 euros sont débloqués pour mettre des caméras de surveillance ».

Est-il besoin de rappeler que tous ces politiciens, à commencer par Fillon, qui viennent faire la leçon aux parents et incriminer tous les jeunes « voyous » sont mouillés jusqu’au cou dans les affaires de détournements de fonds publics et de corruption. Des politiciens en liberté alors que les jeunes croulent en prison.
Doit-on rappeler que la ministre de l’Education nationale défend l’école de l’inégalité avec ses contre-réformes successives qui visent à ségréguer encore plus les quartiers populaires ? Au fil des changements de ministres, ce sont eux qui réduisent à peau de chagrin les moyens dans l’éducation. Lycées, collèges et écoles dans le 93 sont surchargés, délabrés, délaissés. La baisse de moyens dans l’éducation est systématique.
Et quelle honte d’entendre Pécresse se vanter d’offrir l’opportunité à 7 jeunes de Suger de faire des études dans des universités prestigieuses alors même que la majeure partie de cette jeunesse souffre de chômage, de précarité.


Reconstruire des liens de solidarité essentiels

La violence dans les quartiers est plus que légitime. Lorsqu’elle explose, parfois, sans faire de distinction, comme cela a été le cas de la première intrusion, menaçant la sécurité des personnels de Suger et les lycéens présents à l’intérieur, il s’agit de l’expression de la déliquescence des rapports sociaux. Mais la colère, celle qu’ont exprimé les lycéens lorsqu’ils ont été face à des policiers surarmés bien déterminés à les prendre pour cible lorsque les jeunes ont été expulsés, bien malgré eux, d’un établissement que le proviseur avait choisi de fermer administrativement, c’est aussi et surtout l’expression de la relégation systématique des populations des quartiers, sans autre avenir et horizon que celui du contrôle d’identité au faciès, répression, et discriminations. C’est surtout un racisme structurel que mène la République à travers ses forces de répression.

« C’est des gens qui travaillent avec l’Etat », affirme un lycéen à propos de la police, au détour d’un témoignage. On comprendra, dans ce cadre, l’importance décisive pour les personnels de la fonction publique, à commencer par les enseignants, d’être présent aux côtés des jeunes, de défendre notre commune identité sociale, face aux forces de répression.
Reconquérir le lien entre personnels, jeunes, parents et lycéens, voilà une tâche centrale pour se préparer aux luttes de demain contre un gouvernement qui nous promet davantage de casse de l’éducation. C’est une tâche essentielle pour créer les conditions de possibles victoires et refuser la division et le racisme. C’est une raison de plus pour que les enseignants et personnels répondent présents à l’appel à manifester, partout en France, le 19 mars, contre les violences policières.

Le documentaire sur les violences contre les lycéens de Saint-Denis, des images à voir de toute urgence !

 
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