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La Izquierda Diario
26 de juin de 2017 Twitter Faceboock

« Concertations » sur la loi Travail 2…
Destruction du CDI et facilitation des licenciements, Pénicaud ne lâche rien !
Yano Lesage

Alors que la future loi Travail doit être révélée très prochainement, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, prétend avoir pris en compte « certaines propositions des syndicats ». En réalité, il n’en est rien, et, entre autres, le gouvernement paraît déterminé à détruire le CDI au niveau de la branche et à faciliter les licenciements sans Plan de sauvegarde de l’emploi.

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Crédit photo : Léa Crespi

Le projet de loi d’habilitation (entendez d’ordonnances) devrait passer mercredi prochain devant le Conseil des ministres. C’est à ce moment-là que Muriel Pénicaud, ministre du Travail épaulée par le Premier ministre, Edouard Philippe, rendra sa copie définitive sur ce qui concerne le premier chantier au bulldozer du gouvernement, à savoir la réforme du Code du travail. Voilà plus d’un mois que le gouvernement reçoit les partenaires sociaux, « pour ne rien leur dire », comme l’a précisé Emmanuel Macron pris de court par les micros de l’équipe du Quotidien de Yann Barthès, ou bien pour « écouter leurs propositions ». Des propositions bien difficiles à énoncer lorsque, du côté syndical du moins, l’essentiel des chantiers laissent présager le pire pour les droits des salariés et ont été appris par voie de presse, dans une succession de « fuites » plus ou moins souhaitées par le gouvernement.

Cela n’empêche pourtant pas Muriel Pénicaud, dans une interview au Journal du dimanche, de préciser que les « huit organisations ont fait des propositions constructives » et que certains « points ont été retenus ». La précision vaut son pesant d’or. Côté gouvernement, tout à été fait depuis le début pour maintenir le flou sur le contenu de la réforme et essayer de temporiser une potentielle contestation de la part des organisations syndicales en multipliant les rencontres. Et c’est encore de cela qu’il s’agit, à deux jours du rendu du projet final, et alors que la CGT commence à montrer les dents.

Recul sur la négociation des contrats et des clauses de licenciements par accords d’entreprises pour satisfaire les TPE-PME

À deux jours de la proposition finale du projet, Muriel Pénicaud cherche à mettre en avant les « efforts » de concertation du gouvernement. En effet, dans le texte de travail qui avait été rendu public par Le Parisien, le gouvernement recommandait d’« aménager le recours respectif auxCDI et auxCDD, ainsi que les conditions et les conséquences de la rupture duCDI » au niveau de l’entreprise. Or, c’est cette proposition qui semble ne pas avoir été retenue par Muriel Pénicaud. Mais quoiqu’elle en dise, c’est moins pour satisfaire les organisations syndicales que pour avantager le patronat des TPE-PME. En effet, contrairement aux grandes entreprises, ces derniers n’ont pas toujours les moyens juridiques et institutionnels pour mener de telles négociations. S’en remettre à la norme de la branche, c’est également pour eux se délester d’une contrainte administrative et institutionnelle que le patronat des TPE-PME ne souhaite pas assumer.

La future loi Travail n’en est pas moins scélérate pour les salariés. D’abord parce qu’elle compte consacrer la primauté de l’accord d’entreprise sur la question du temps et de l’organisation du travail, approfondissant la loi El Khomri, ensuite, parce qu’elle compte bel et bien détruire le CDI actuel et faciliter le recours au licenciement, en passant par l’accord de branche et la modification du Code du travail.

La destruction du CDI par accord de branche

Concernant le CDI-chantier – contrat de travail qui dure le temps de la mission –, si Pénicaud précise qu’il ne s’agit pas de le « généraliser à toutes les entreprises », celle-ci entend bien l’ouvrir à la négociation par « secteur d’activité, dans des conditions à définir et régulées par les partenaires sociaux au niveau de la branche ». Ceci constitue une nouvelle entrave au principe de faveur qui impose que les accords conclus par la négociation entre partenaires sociaux soient nécessairement plus favorables pour les salariés que le Code du travail. En effet, la possibilité de recours à un CDI projet, permettant d’embaucher puis de licencier le temps de la durée d’une mission ou de travaux, pourrait ainsi se généraliser au sein de différents secteurs d’activité, augmentant la précarité pour les secteurs en question. En outre, le recours à un CDI projet ou chantier supprime de fait les primes de précarité qui prévalent lorsque l’employeur a recours à un CDD. C’est donc un double avantage pour le patronat.

Qu’il s’agisse du niveau de l’entreprise ou de celui de la branche, les organisations syndicales y sont plus faibles qu’au niveau national. Cela d’autant plus que l’organisation de la représentation des salariés, au niveau de la branche, a été très affaiblie par la restructuration des branches professionnelles, lancée en 2015, et encore en cours aujourd’hui. Une autre manière de désorganiser les résistances des salariés et de leur imposer plus facilement des conditions de précarité.

La facilitation des licenciements

Certes, les conditions de rupture du CDI ne seront pas négociées au niveau de l’entreprise. Mais c’est bien parce que le gouvernement prévoit de faciliter les licenciements en modifiant directement le Code du travail. Il existe deux grandes catégories de licenciements : le licenciement individuel, qui ouvre droit à des indemnités prud’homales, et le licenciement économique qui ouvre droit à un Plan de sauvergarde de l’emploi (PSE), une obligation de reclassement, des indemnités de licenciements, etc., plus coûteux pour l’entreprise.

Ce que prévoit la future loi Travail, c’est une attaque tous azimuts sur ces indemnités de licenciements. D’abord, puisque le gouvernement ne compte rien lâcher sur la question du plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement individuel : pour les entreprises, c’est une aubaine, puisqu’en diminuant l’incertitude sur le coût d’un licenciement, elle va leur permettre de les budgétiser et de les faciliter.

Ensuite, en restreignant le recours à un PSE : jusqu’à présent, le licenciement de 10 salariés sur 30 jours donne nécessairement lieu à un licenciement de type économique incluant un PSE. Or, la future loi Travail prévoit d’élever ce seuil à 30 personnes en 30 jours. En dessous, il s’agira alors de licenciements individuels.

Enfin, parce que la future loi prévoit de restreindre le périmètre d’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise non plus à l’échelle du groupe, mais à celui de la filiale. Autrement dit, il suffira de mettre en faillite une filiale pour pouvoir licencier avec un PSE au rabais les salariés de la filiale.

Effectivement, tout porte à croire que le gouvernement a mené une stratégie visant à entretenir la confusion la plus complète sur le contenu de la réforme et à avancer le pire – comme en évoquant une négociation du contrat de travail et des clauses de licenciements au niveau de l’entreprise – pour pouvoir négocier l’essentiel – la destruction du CDI en bonne et due forme, et la facilitation des licenciements.

Du côté syndical, on continue à croire aux paroles du gouvernement, à négocier ce qui n’est pas négociable, à attendre les détails d’un texte dont les contours sont d’ores et déjà inacceptables. Dans cette atonie générale, il y a bien le réveil tardif de Martinez qui appelle la CGT à une mobilisation le 27 juin (sans appel national) et évoque un « grand rendez-vous à la rentrée » sans s’atteler à le construire et tout en continuant à négocier. Mais il s’agit encore de se saisir de cette opportunité pour être le plus nombreux et construire dès maintenant, en dehors du champ de contrôle des appareils syndicaux, de véritables appuis pour préparer la lutte dès cet été contre ce gouvernement et ses réformes scélérates.

 
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