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La Izquierda Diario
5 de juillet de 2017 Twitter Faceboock

Crise dans le Golfe
Le Qatar rejette les exigences de l’Arabie Saoudite et contre-attaque… sans rejeter le dialogue
Arthur Nicola

Après avoir suspendu toutes leurs relations diplomatiques avec le Qatar début juin, 7 pays du Proche Orient, emmené par l’Arabie Saoudite ont adressé une liste de demande au Qatar. Face à ces demandes, le Qatar a refusé de se soumettre, a contre attaqué sur le plan économique, tout en restant ouvert au dialogue.

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Les demandes exorbitantes pour réduire le Qatar à un vassal de l’Arabie Saoudite

C’était un coup de tonnerre dans les relations diplomatiques proche et moyen-orientales : début juin, l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Emirats Arabes Unis (EAU), l’Egypte, le Bahreïn, le Yémen et les Maldives annonçaient l’arrêt de toute relation diplomatique avec le petit émirat gazier du Golfe Persique. Cette crise diplomatique très importante dans le « bloc sunnite », qui intervient sur fond de fortes tensions régionales avec l’Iran, a vu l’Arabie Saoudite énoncer une liste de treize « propositions » pour régler le conflit.

Prétextant un soutien du Qatar aux organisations terroristes, l’Arabie Saoudite, forte du soutien récent de Donald Trump, a surtout cherché à faire de l’émirat un simple vassal docile, là où Doha cherche à mener une politique « pragmatique » plus en accord avec ses propres intérêts. C’est donc surtout les relations du Qatar avec l’Iran, la principale puissance concurrente de la dynastie des Saoud, qui sont reprochées au petit pays. Et dans un contexte où l’Iran commence à sortir de son isolement des dernières décennies, l’Arabie Saoudite a peur de voir son bloc se fissurer au profit du régime des Ayatollah.

Parmi les demandes que l’Arabie Saoudite a formulé à son adversaire, outre les prétextes liés au soutien du régime à des organisations terroristes, la fermeture de la chaine Al-Jazeera, ou encore l’arrêt de toutes les relations diplomatiques et économiques avec l’Iran. Des clauses inacceptables pour un pays qui vit surtout des rentes du gaz (même si ces dernières années a multiplié ses sources de revenus à travers des investissements spéculatifs) et dont le principal gisement est partagé avec Téhéran.

De plus, le Qatar devait annuler la construction d’une base militaire turque sur son territoire, verser des « réparations » à ses voisins et voir une « commission de contrôle » régir ses relations internationales pour la prochaine décennie. On est rarement plus explicite en terme quand on demande une soumission et un tribut à ses voisins.

Soutenu par la Turquie et l’Iran, Qatar refuse les demandes et annonce l’augmentation de ses productions de gaz

Cependant, le Qatar ne compte pas que sur ses propres forces pour défendre ses intérêts : la Turquie et l’Iran défendent (pour l’instant) l’émirat contre l’Arabie Saoudite. En effet, deux jours après l’annonce des sanctions saoudienne, le parlement turc votait un renforcement de sa présence militaire au Qatar, tandis qu’Erdogan dénonçait ces pressions « contraires au droit international ».

De l’autre côté du golfe Persique, le président iranien Hassan Rohani affirmait que « Les pressions, l’intimidation et les sanctions ne sont pas des solutions viables pour mettre un terme aux conflits régionaux ». Fort de ces soutiens, le Qatar a transmis aux quatre pays (Arabie Saoudite, EAU, Bahreïn, Egypte) qui ont formulé l’ultimatum qui expirait mardi soir, sa réponse négative. Une réponse qui était presque certaine, tant les demandes étaient faites pour être refusées.

Cependant, le Qatar ne s’est pas arrêté à cette fin de non-recevoir formulée au Koweït, qui office de « médiateur » dans la crise. En effet, ce mardi 4 juillet, le patron du géant Qatar Petroleum (QP), Saad al-Kaabi a annoncé que le pays allait augmenter sa production de gaz naturel liquéfié (GNL). Actuellement, le pays est le premier producteur mondial de GNL et tire de là la majorité de ses ressources financières.

Une manne qu’il partage avec l’Iran à travers le partage du plus grand gisement de gaz naturel au monde, le North Dome (aussi connu sous les noms de North Field et South Pars). Un gisement duquel le Qatar tire 77 millions de tonnes de GNL par an. Une production qui est donc visiblement vouée à augmenter jusqu’à 100 millions de tonnes, soit une augmentation de 25% de la production qatarie. Un très bon moyen de faire pression sur Riyad, dont l’essentiel des revenus est lié au cours mondial des produits pétroliers, qu’une telle augmentation pourrait faire chuter. La crise est donc loin d’être finie.

Parallèlement, ce mardi, le ministre des affaires étrangères qatari, Sheikh Mohammed bin Abdulrahman Al Thani, a déclaré que son pays était « prêt à s’engager dans un dialogue pour examiner les griefs mises en avant par les autres Etats ». Cependant, pour celui-ci toute discussion « doit être basée sur des principes clairs, sans des menaces d’escalade (…) Ces discussions doivent se dérouler dans le cadre du respect de notre souveraineté et de la non-ingérence dans nos affaires domestiques ».

De son côté l’agence Moody’s a dégradé la note de la dette qatarie face au risque d’instabilité politique et économique.

Vers une guerre entre l’Arabie et le Qatar ?

Cette attaque de l’Arabie Saoudite et de ses alliés du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), une organisation sous total contrôle des saoudiens, contre le Qatar ne pourrait être qu’une sommation contre l’Iran. Car si l’Arabie Saoudite compte faire rentrer tout le monde dans le rang aujourd’hui, c’est bien parce qu’il se prépare à des tensions et des frictions plus grandes à l’avenir avec l’Iran, et que toute défaillance dans son système d’alliance pourrait lui coûter plus cher.

Ces reconfigurations en cours sont loin d’être pacifiques et pourraient mener, à moyen ou long terme, à une nouvelle guerre dans la région. Une guerre, dont l’enjeu principal serait la domination de la région que se disputent l’Arabie Saoudite et l’Iran. Evidemment, une telle guerre serait, à l’instar de la guerre entre l’Iran et l’Irak entre 1980 et 1988, désastreuse pour les populations et les classes travailleuses de la région : à l’époque, cette guerre pour l’hégémonie régionale avait occasionné 1,1 millions de morts (soit un dixième des morts militaires de 1914-1918) des deux côtés et 100 000 civils tués.

Pour éviter cela, l’Arabie Saoudite semble tenter une approche moins couteuse, tout en cherchant à faire rentrer le Qatar dans le rang. La crainte de l’émir de Doha est tout simplement celle d’une révolution de palais, comme celle qui avait amené son père au trône, en 1995. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’émir ne quitte plus son pays, alors qu’il devait se rendre à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron jeudi 6 juillet : il craint tout simplement qu’en son absence, les Saoudiens renversent son pouvoir. Toute sa famille a d’ailleurs annulé les vacances européennes prévues pour cet été.

La menace d’une guerre n’est donc pas loin, et un diplomate du Golfe a d’ailleurs expliqué que « lors de sa visite à Riyad le 20 mai, Donald Trump a dit aux monarchies : « je vous suis dans votre guerre contre l’Iran, mais cela vous coûtera quelque 380 milliards de dollars de contrats ». L’Arabie ne pouvait pas régler seule la facture. Sollicités, les Émirats ont dit oui, mais le Qatar a refusé de participer à l’effort de guerre contre l’Iran. À partir de là, la crise s’est enclenchée.  » Le Moyen Orient marche donc vers une guerre de plus en plus certaine, et les morts ne seront pas les émirs saoudiens ou les ayatollahs iraniens, mais les centaines de milliers d’habitants qui seront enrôlés dans une guerre qui ne servira en rien leurs intérêts.

 
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