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29 de août de 2017 Twitter Faceboock

Derrière la conjoncture économique
35000 chômeurs de plus en juillet pour Pôle Emploi. Alors, "ça va (vraiment) mieux" ?
Yano Lesage

Ce sont les derniers résultats : 35 000 chômeurs de plus inscrits à Pôle Emploi au mois de juillet. Pourtant, avant la publication de ce chiffre et tout l’été, la presse s’est gargarisée sur la « reprise française » : nouvelles créations d’emploi, amélioration des perspectives de croissance et surtout… baisse du chômage. Simple paradoxe statistique ou reflet d’une évolution contrastée du « ça va mieux » de l’économie française ?

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Des résultats paradoxaux

Le nombre d’inscrits à Pôle Emploi a fortement progressé au mois de juillet dernier. Toutes catégories confondues, le nombre de chômeurs a augmenté de 1,1%, soit 58 000 personnes supplémentaires, et de près de 1% pour les chômeurs de catégorie A (sans aucune activité) soit 35 000 personnes de plus depuis le mois de mars. Le nombre de chômeurs est donc repassé au dessus de la barre des 3,5 millions d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie A (sans aucune activité) et à près de 5,926 millions en y ajoutant les catégories B et C (temps partiels non désirés et cherchant à travailler davantage), et les départements hors France métropolitaine. Autant dire que du point de vue du nombre de demandeurs d’emploi, sans activité ou en précarité, la tendance est plutôt mauvaise.

Ces résultats contrastent pourtant avec « l’embellie économique » qu’a étalée la presse française, en tablant notamment sur l’amélioration d’un taux de chômage publié par l’Insee. En mai dernier, l’Institut National de Statistiques et des Etudes Economiques publiait les résultats de sa dernière Enquête Emploi : le taux de chômage y avait diminué de 0,4 point au premier trimestre 2017, pour s’établir à 9,6% de la population active, soit 2,7 millions de chômeurs sans aucune activité en métropole. Alors, comment comprendre un tel écart ?

Chiffres et politique

Ces derniers résultats, outrageusement positifs, l’actuel et l’ancien chef de l’Etat ont cherché à tout prix à se les arroger et à les exploiter politiquement, l’un dans une quête de valorisation de son précédent mandat, l’autre dans la perspective du passage de la Loi Travail 2. Il est vrai que l’argument principal de l’actuel gouvernement comme des précédents pour mener des politiques de flexibilisation du marché du travail est celui de faire baisser le taux de chômage : cette corrélation entre flexibilisation et baisse du chômage relève du poncif de l’orthodoxie libérale qui n’a pourtant jamais été démontrée empiriquement, contrairement à celle qui établit un lien entre ce type de politique et l’aggravation de la précarité et l’apparition du phénomène des travailleurs pauvres. C’est notamment le cas de l’Allemagne, toujours brandi comme un modèle, mais où les bons résultats économiques masquent la dégradation des conditions de vie des travailleurs. La précarité y est à son plus haut niveau depuis 13 ans, conséquence des réformes Hartz menées entre 2003 et 2005 par le gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder.

Cet écart entre le nombre d’inscrits à Pôle Emploi – 3,5 millions de chômeurs sans activité - et le taux de chômage issu de l’enquête publiée par l’Insee -2,7 millions sans activité - n’est pas nouveau. Il s’explique par le fait que les critères retenus par l’Insee sont beaucoup plus restrictifs – être sans aucune activité, disponible dans les 15 jours, avoir cherché activement un emploi – contrairement aux chiffres de Pôle Emploi qui, eux, s’appuient sur les comportements et la situation des chômeurs. De plus, l’indicateur retenu par l’INSEE écarte de ses calculs les chômeurs exerçant une activité à temps partiel et qui souhaiteraient travailler à plein temps, une catégorie qui, pourtant, permet d’avoir une vision plus nette de la situation de précarité sur le marché du travail. Dernier point qui peut expliquer, à la marge, cette remontée du nombre de chômeurs du côté de Pôle Emploi : l’effet de retour des chômeurs découragés vers des démarches de recherche d’emploi à l’annonce d’une amélioration du marché du travail. Ces derniers, qui étaient sortis des statistiques du chômage et considérés comme inactifs, sont alors de nouveau considérés comme chômeurs, ce qui a mécaniquement pour effet de faire augmenter le taux de chômage.

A la fois dans leurs modes de construction – prise en compte de la précarité ou non, mise à l’écart des chômeurs découragés – tout comme dans leurs choix et usages, les indicateurs du chômage sont des outils éminemment politiques. « Ce qu’on mesure [avec les données de Pôle Emploi] ce n’est pas le chômage mais les demandeurs qui s’inscrivent à Pôle Emploi », souligne Xavier Timbeau, économiste de l’OFCE au micro de France Culture, dans une pirouette qui, tout en cherchant à nuancer ces derniers chiffres du chômage, oublie le chômeur derrière la donnée. « Les chiffres, on leur fait dire ce qu’on veut » comme dit le fameux dicton.

Une « reprise française » ? Oui, mais pas pour tout le monde !

Mais alors, quid du « ça va mieux » de l’économie française ? Qu’en est-il de la conjoncture économique ? Certes, si les chiffres du chômage sont mauvais, il n’en est pas de même pour les autres indicateurs de l’économie française : alors que le Produit Intérieur Brut a progressé de 0.5% sur les trois derniers trimestres, l’Insee table sur une croissance à 1,6% pour l’année 2017, contre seulement 1,1% en 2016. Selon la note de conjoncture sortie le 24 août dernier, le climat des affaires est au plus haut depuis 2011 et devrait s’accompagner d’une hausse des investissements de 7%, encouragés par des taux d’intérêts qui restent faible et un euro relativement bas.

Même si l’on peut douter de la durabilité de cette reprise, largement corrélée à une politique monétaire expansive et qui favorise la formation de bulles spéculatives, il est clair que l’économie française -celle qui alimente les caisses du patronat et des grandes multinationales françaises- « va mieux ». Face à la reprise économique, il y a « une France coupée en deux » titre François Lenglet dans un édito économique de RTL. Et si lui constate une césure géographique (Ile-de-France et Sud-Est contre le reste), il faudrait y ajouter une césure de classe. Halte au mythe du partage de la croissance !

Le maintien d’un marché du travail dégradé peut tout à fait s’accompagner d’indicateurs économiques au beau fixe. Et cela s’explique par l’accaparement toujours plus important des richesses créées par le capital au détriment du travail. Dans ce cadre, la suppression programmée des emplois aidés ainsi que les facilitations des licenciements permis par la Loi travail 2 ne devraient pas inverser la tendance mais clairement l’aggraver.

« Ca va mieux » ? Pour le patronat et le gouvernement à sa botte, très clairement. Pour les autres, les millions de travailleurs, dans un emploi aux conditions dégradées, dans la précarité ou le chômage, ils ont tout à gagner à s’opposer conjointement au nouveau train de réforme que le gouvernement s’apprête à appliquer. Et tout à perdre à croire, qu’en soutenant le gouvernement, ils soutiennent la croissance dont ils ne profiteront même pas des miettes.

 
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