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La Izquierda Diario
8 de septembre de 2017 Twitter Faceboock

LE TRAIN MACRON NE S’ARRETE PAS…
SNCF : le régime de retraite des cheminots en ligne de mire du gouvernement
Claude Manor

Parmi le train des « Réformes à Grande Vitesse » que Macron a lancé contre les travailleurs depuis son élection, en commençant par les ordonnances sur la Loi Travail, un projet lui tient particulièrement à cœur : la destruction des régimes spéciaux de retraite des fonctionnaires, qui vise notamment les travailleurs du rail.

Premiers dans le collimateur, les salariés de la SNCF ont appris, dès le mois de juillet, lors d’un échange du président avec une dizaine d’entre eux triés sur le volet, à quelle sauce il comptait manger leurs futures pensions, dès 2018.

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La destruction des régimes spéciaux de retraite, une volonté enracinée

Les régimes dits « spéciaux », qui concernent les cheminots, mais aussi les travailleurs du métro, d’EDF, et tous les fonctionnaires, demeurent une cible obsessionnelle des différents gouvernements depuis des décennies. C’est une question qui était présente dans l’ordonnance de 1967 de De Gaule et qui a disparu ensuite. En 1995, la réforme avait été préparée dans le plus grand secret. Cette fois-ci, elle est annoncée publiquement depuis des mois. Dès le début de sa campagne, le candidat Macron la reprenait à son compte en annonçant qu’il voulait « engager dès le début, avec les partenaires sociaux, les négociations sur la création d’un vrai système universel de retraite ». Selon lui, « ce sera la vraie fin des inégalités entre fonctionnaires et salariés du privé ».

L’argument de la situation soi-disant privilégiée des bénéficiaires des régimes spéciaux est vieux comme la haine des fonctionnaires, instillée depuis des décennies par les tenants du néolibéralisme. L’opposition entre régime « général » et régimes « spéciaux » repose sur un oubli volontaire de l’histoire. A l’origine, en effet, il n’y avait que des régimes « spéciaux ». Certains patrons, dans leur phase paternaliste, avaient imaginé de mettre en place des caisses privées ayant pour vocation de verser des pensions aux vieux travailleurs. Leur objectif était de fidéliser, grâce à cette perspective, les travailleurs aux conditions trop pénibles ou disposant d’une spécialité rare, sans avoir à augmenter leurs salaires. Une vision libérale qui permettait d’échapper aussi bien aux syndicats qu’au contrôle de l’Etat.

Ce n’est qu’au début du XXème siècle, lorsque les travailleurs n’ont plus supporté la mainmise et le pouvoir de l’employeur sur ces caisses - et lorsque les employeurs ont fini par trouver que cela leur coûtait encore trop cher – qu’elles sont passées aux mains de l’Etat. La France est d’ailleurs l’un des pays d’Europe où les assurances obligatoires et le « régime général » ont été le plus tardivement mis en place.

Dès lors, le souci des syndicalistes a toujours été de rechercher le nivellement par le haut. Les prestations versées sous l’égide de l’Etat étant très faibles et considérées comme l’assurance des pauvres, les régimes spéciaux issus du système antérieur apparaissaient aux travailleurs comme « pionniers », comme un horizon à atteindre. Exactement l’inverse de ce que recherche un Macron prônant une pseudo-égalité qui n’est ni plus ni moins qu’un nivellement par le bas et une perte d’acquis.

Un pseudo pacte social pour flouer les cheminots

Bien entendu, c’est tout le contraire que le président ravageur a expliqué aux quelques cheminots qu’il a rencontrés le 1er juillet, lors de l’inauguration de la nouvelle ligne à grande vitesse (LGV) Paris-Rennes. Selon le magazine interne de la SNCF « Les infos le Mag » cité par le monde du 6 septembre, il leur a ouvertement annoncé son intention de mettre fin au régime spécial de retraite des cheminots ainsi qu’une transformation radicale de la SNCF. Ses propos, censés convaincre, ont sonné comme une provocation : « Pour être franc, je pense que le modèle sur lequel on a vécu, le mythe de la SNCF, n’est pas celui sur lequel on construira la SNCF du XXIe siècle. Votre défi sera de ne pas rester sur la protection du passé ».

Aux yeux du moderne et ultralibéral Macron, c’est un « grand deal » qu’il propose, « un nouveau pacte social ». Ce qu’il demande à la SNCF ? Tout simplement « d’aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite ». En contrepartie, il propose que l’Etat reprenne une partie de la dette engendrée par le financement des infrastructures, soit 46 milliards d’euros au premier semestre. Prendre dans la poche des cheminots pour payer la dette de la SNCF, pacte ou chantage social ?!

Les réactions syndicales sont nettes. Pour Bruno Poncet, de SUD-Rail interviewé par Le Monde « notre statut n’a rien à voir avec les difficultés actuelles du ferroviaire. Cela dit, si ces propos sont inquiétants, ils ne sont pas surprenants. Ils sont en ligne avec la politique mise en œuvre par Macron dès cet été ». Le secrétaire général adjoint de la CFDT-cheminot, cité également par Le Monde, a réagi dans le même sens : « Nous ne laisserons pas passer une suppression pure et simple du régime spécial qui aboutirait à une baisse des pensions…Il serait inqualifiable de faire payer aux cheminots la dette de l’infrastructure qui résulte de décisions politiques avec lesquelles nous n’avons rien à voir ».

Un affrontement annoncé dans le droit fil de l’histoire

Macron a donc déclaré la guerre au régime de retraite des cheminots. Il en a même donné le plan de bataille et le calendrier. « Je souhaite que l’on puisse avoir au premier semestre 2018 une loi-cadre qui donne le top départ de cette réforme, par exemple au 1er juillet 2018 ou début 2019. (...) Ceux qui étaient à cinq ans de la retraite ne sont pas touchés, les autres ont des droits acquis dans un régime et à partir de ce jour-là basculent vers un régime unique où un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits ». Et pour faire bonne mesure, une petite leçon de morale : « Soyons clairs », dit-il, « si nous ne réglons pas ce problème, ce sont vos enfants qui paieront ».

Nul doute que cette attaque annoncée de leur régime de retraite et le ton adopté par le président n’attisent l’exaspération des cheminots dont la coupe est déjà bien pleine. Macron devrait pourtant se rafraîchir la mémoire et se souvenir que les attaques contre les régimes spéciaux ont, à plusieurs reprises, suscité de violents conflits assortis d’une tendance à une dynamique unitaire. D’abord en avril 1934, au lendemain de décrets-lois qui prévoyaient d’abaisser de 75 % à 50 % le taux des pensions des fonctionnaires, une série de réactions syndicales concordantes. Puis en août 1953, un conflit d’ampleur qui a duré près d’un mois et connu, au moment le plus fort, 4 millions de grévistes. En cause, un recul de l’âge de la retraite pouvant aller jusqu’à sept ans, sous couvert « d’harmonisation ». Enfin, plus près de la situation actuelle, la tentative du gouvernement Juppé et le mouvement de l’automne 1995.

Lors du mouvement contre la loi El Khomri, une des difficultés pour la mobilisation avait été de faire apparaître les similitudes entre les attaques subies à la SNCF, La Poste, la RATP ou d’autres secteurs publics et les atteintes portées au Code du Travail. Une formule avait d’ailleurs été trouvée pour favoriser la globalisation des diverses attaques à travers le terme « La loi El Khomri et son monde ».

Aujourd’hui, la concomitance des attaques dans le cadre de la frénésie réformatrice de Macron, rend le lien plus aisé et plus évidente la nécessité de la convergence des luttes. La journée du 12 septembre contre la Loi Travail devrait être un creuset dans lequel commence à se forger la conscience de l’ampleur destructrice du projet politique de Macron et de son gouvernement pro-Medef. Les cheminots auront plus que jamais de bonnes raisons d’y être.

Photo : inauguration de la LGV Paris-Rennes Thomas Brégardis / Ouest-France

 
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