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5 de octobre de 2017 Twitter Faceboock

Jusqu’au bout !
Autodétermination de la Catalogne : ce qu’en pensent les marxistes révolutionnaires
Josefina L. Martínez

Comment se conjuguent la lutte pour les revendications démocratiques et contre l’oppression nationale avec l’ensemble du programme révolutionnaire ? La situation actuelle, dans l’Etat espagnol, pose ces questions avec plus d’acuité que jamais. En cinq points, voici ce qu’en pensent les marxistes révolutionnaires.

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1. Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre

La phrase de Marx et Engels, reprise par Lénine et Trotsky, fait partie de l’héritage fondamental du marxisme révolutionnaire, et d’une définition générale de stratégie politique. Dans la situation actuelle de l’Etat espagnol et de la Catalogne, cela signifie en premier lieu que les travailleurs de tout l’Etat, les Catalans, les Basques, les Galiciens et tous les Espagnols, mais aussi les migrants, ont le devoir de défendre le droit du peuple catalan à décider, voire à se séparer.

Le cas contraire signifierait soutenir l’oppression de l’Etat espagnol, imposée dans l’histoire récente par le biais de la Constitution monarchique (fondatrice du régime de 1978) qui défend par tous les moyens possibles l’unité de « l’Espagne ». En reprenant cette revendication démocratique, les travailleurs de tout l’Etat espagnol s’engagent dans la voie de l’unification de leurs rangs contre le gouvernement central et le Régime, et aussi contre la stratégie de la direction bourgeoise catalane qui cherche à diviser les travailleurs de l’Etat espagnol et à renforcer l’hypothèse d’une nouvelle issue en leur faveur (celle de la bourgeoisie).

On comprend pourquoi la politique de Podemos et de Izquierda Unida qui revendiquent le « droit de décider » avec la main gauche et le nient avec la main droite (dans leur volonté d’imposer un improbable référendum négocié avec le Régime de 78) est contraire aux intérêts des travailleurs.

Il y a cent ans, l’un des premiers décrets soviétique, au lendemain de la prise du pouvoir, soulignait que « si une nation est maintenue par la force dans les limites d’un autre Etat ; et si malgré son désir explicite on la prive du droit de décider dans des élections libres (…) de la forme de son organisation nationale et politique, cette incorporation constitue une annexion, autrement dit une conquête ou un acte violent. »

Tous les Etats impérialistes ont annexé des nouveaux Etats et ont redoublé leur oppression sur d’autres nations à l’issue de la Première Guerre Mondiale. L’Etat des Soviets a été le seul à reconnaître dans ses fondements le droit à l’auto-détermination des peuples, parce que la lutte internationaliste pour la révolution mondiale et le communisme (c’est-à-dire la lutte pour une société sans classes et sans Etat) ne peut avancer d’un seul millimètre si elle cautionne l’oppression d’un peuple sur un autre par la force.

2. Défendre l’auto-détermination sur la voie de la révolution, contre le gouvernement et le Régime

Dans les années 30, Trotsky a écrit plusieurs fois aux groupes de l’opposition de gauche de l’Etat espagnol au sujet de l’importance de la revendication de l’auto-détermination de la Catalogne, dans le contexte de la révolution espagnole. En 1930, plus précisément, il disait que « même dans les affaires nationales, le prolétariat défend jusqu’au bout le mot d’ordre démocratique déclarant qu’il est prêt à appuyer par la voie révolutionnaire, le droit des différents groupes nationaux à la libre disposition d’eux-mêmes, autonomie comprise. » (Léon Trotsky, La révolution espagnole et les tâches communistes, juin 1930).

Le plus important de cette déclaration n’est pas seulement que la classe ouvrière doit s’emparer des mots d’ordre démocratiques, mais qu’elle le fait par « la voie révolutionnaire », développant la lutte des classes de manière indépendante de la bourgeoisie et de tous les camps capitalistes.

Plus concrètement, cela signifie aujourd’hui que les travailleurs de tout l’Etat espagnol doivent défendre la volonté du peuple catalan de se séparer du reste de l’Espagne –comme ils l’ont exprimé massivement lors du référendum le 1er octobre, malgré la répression de l’Etat-, mais qu’ils doivent le faire par une voie révolutionnaire, à travers les méthodes de lutte de la classe ouvrière, c’est-à-dire la grève générale et en développant des organes de démocratie ouvrière, imposant leur propre programme de revendications transitoires dans le but de conquérir une République catalane indépendante, ouvrière et socialiste.

3. S’opposer au piège de la direction bourgeoise catalane

Il y a quelques années, le sentiment indépendantiste en Catalogne n’était pas majoritaire. À partir de la crise capitaliste de 2007-2008 a commencé à émerger une colère grandissante vis-à-vis du Régime de 78, de la monarchie et de l’arrogance du gouvernement central. Les partis historiques de la bourgeoisie catalane, affaiblis après avoir appliqué des plans d’austérité, ont commencé à prendre la « route de l’indépendance », se plaçant comme direction du « processus », une manœuvre pour contenir la colère sociale dans les formes labyrinthiques des problèmes nationaux.

Après l’offensive de l’Etat central contre le peuple catalan, qui est allé crescendo et a opéré un saut qualitatif ces dernières semaines et le jour du référendum, le sentiment indépendantiste a grandi pour devenir, aujourd’hui, la volonté majoritaire du peuple catalan. Cela s’est démontré le 1er octobre. Des milliers des personnes ont fait face à la répression policière pour défendre le droit au vote.

Cependant, la direction du mouvement, les partis historiques de la grande et de la petite bourgeoisie, veulent canaliser toute cette énergie pour l’élaboration d’un projet bourgeois qui pourrait être l’affirmation d’une République capitaliste indépendante, voire d’une nouvelle configuration de l’Etat des Autonomies dans le cadre du Régime actuel. C’est dans ce sens qu’ils attendent que l’Union Européenne soutienne l’indépendance catalane –cette même Union Européenne qui n’a pas hésité à écraser le peuple grec quand son gouvernement ne cherchait qu’à renégocier la dette-. En réalité, rendre effective une République bourgeoise indépendante est un objectif impossible sans un affrontement direct avec les forces répressives de l’Etat espagnol, d’autant plus qu’il y a un refus des organisations capitalistes internationales à reconnaître un Etat indépendant en Catalogne. L’autre voie « stratégique » serait de se renforcer lors des prochaines élections autonomes, et d’affaiblir en dernière instance le gouvernement de Rajoy en avançant vers une issue négociée après un remaniement au gouvernement, avec un accord entre le PSOE, Podemos et les partis nationalistes, ce qui est pour l’instant très improbable compte-tenu de la position complètement « espagnoliste » du parti de Pedro Sanchez.

En attendant, ils jouent avec le feu, attisant la mobilisation même s’ils souhaitent qu’elle soit contrôlée (c’est pour cela qu’ils ont essayé de transformerla « Vaga general » -Grève générale- du 3 octobre en « paro civico »-« grève citoyenne »- main dans la main avec le patronat, mais ils n’ont pas réussi). En effet, la journée du 1er octobre et la grève générale du 3, laissent apparaître des fissures qui peuvent permettre au mouvement ouvrier de faire émerger un mouvement de manière indépendante. Pour cela, les travailleurs catalans ne doivent pas oublier que Junts Pel SI est la coalition responsable de l’application des plans d’austérité et de la répression contre le monde du travail et que les « Mossos » a été dans le passé son instrument de répression.

S’emparer des revendications démocratiques permettra de dévoiler les plans de la bourgeoisie catalane et aussi celle des directions réformistes de tout l’Etat espagnol, à l’image de Podemos et de Izquierda Unida, qui ne sont pas prêts à défendre ces revendications démocratiques même s’ils adorent parler de « démocratie ». Pour cela, il est nécessaire d’acquérir l’indépendance politique et de dénoncer la stratégie de la direction bourgeoise catalane, qui ne mènera qu’à des nouvelles frustrations des travailleurs. Il faut prendre les revendications démocratiques et nationales dans une perspective d’indépendance de classe, en luttant contre toute « union sacrée » des organisations sociales, ouvrières et étudiantes avec des secteurs de la bourgeoisie catalane, et contre la politique de la CUP de subordination à la feuille de route de la Généralité.

4. Processus d’Assemblées Constituantes pour décider de tout et imposer l’hégémonie de la classe ouvrière

La situation en Catalogne, où se sont exprimés des éléments d’auto-organisation pour défendre le référendum, ainsi que la première et puissante intervention de la classe ouvrière dans la grève du 3 octobre, pose la question du nécessaire développement de la lutte de classes pour obtenir des processus constituants libres et souverains en Catalogne et dans tout l’Etat. Des Assemblées Constituantes doivent être mises en place, capables de décider de tout, de l’auto-détermination de tous les peuples jusqu’à l’abolition de la monarchie en passant par le concordat avec l’église catholique, la nationalisation des services publics et de la banque sous contrôle des travailleurs, l’expropriation des logements vides des mains des banques (qui ont gagné plusieurs de 40 milliards d’euros lors du sauvetage bancaire) pour résoudre le problème des logements et les revendications démocratiques qui incluraient que tous les postes publics soient payés à la hauteur d’un salaire de maître d’école, entre autres. La lutte pour cette Assemblée Constituante avec des représentants révocables et élus de manière proportionnelle par toute la population de plus de 16 ans, amènerait à une lutte frontale contre le Régime de 78, ses partis et ses institutions.

La lutte pour ces revendications démocratiques radicales et sociales, moyennant l’auto-organisation ouvrière et populaire, peut aider les travailleurs à gagner en hégémonie sur tous les secteurs opprimés, en combattant dans la pratique le refus des directions nationalistes et réformistes de lutter jusqu’au bout pour ce programme.

5. Pour une Catalogne indépendante ouvrière et socialiste, dans la perspective d’une Fédération Libre de Républiques Socialistes Ibériques

Les travailleurs catalans et de tout l’Etat espagnol, n’ont aucun intérêt à créer de nouveaux états capitalistes, ni à dessiner de nouvelles frontières entre les peuples travailleurs. Mais au vu de la volonté majoritaire du peuple catalan de se séparer de l’Espagne et de former une République, en tant que révolutionnaires internationalistes, nous soutenons inconditionnellement ce droit à l’auto-détermination. Cependant, nous le faisons dans une perspective de République catalane indépendante ouvrière et socialiste, et non dans celle de la République de Puigdemont et des patrons catalans. Une République « à l’autrichienne » ne signifierait aucunement un pas en avant pour les travailleurs qui continueront à subir des nouvelles attaques de la part des capitalistes. Nous luttons pour une Fédération des Républiques Socialistes Ibériques, pour atteindre l’unité de tous les travailleurs et des secteurs populaires, dans le but de construire une Fédération des Républiques Socialistes d’Europe.

Trad. MC.

 
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