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La Izquierda Diario
6 de octobre de 2017 Twitter Faceboock

Le maillon faible de l’Europe du capital
Catalogne. Une rébellion démocratique et nationale aux conséquences profondes
Ciro Tappeste

La situation actuelle qui caractérise l’Etat espagnol dans son ensemble et qui a pour épicentre la Catalogne-Sud n’est pas simplement un double révélateur : de la façon dont une crise organique peut se décliner (allant jusqu’à un processus de partition d’un Etat constitué), d’une part, et de la dégradation des formes démocratiques traditionnelles au profit d’une gestion ultra-autoritaire de la politique (intervention de Madrid contre Barcelone et contre les Catalans en général), d’autre part. C’est aussi et surtout la plus grande crise à laquelle les décideurs européens ont eu à faire face en interne depuis les années 1980, plus importante encore, sans doute, que la crise grecque de 2015.

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L’Etat espagnol et la Catalogne comme laboratoire et miroir

Pour la Catalogne, la situation est dans une telle impasse qu’à la crise économique, sociale et politique -trois ingrédients également présents dans la situation grecque de 2008-2015, y compris à des niveaux supérieurs- se rajoute un élément majeur de crise institutionnelle, à savoir la sécession possible, indépendamment de la façon dont cela va se réaliser ou non. Ce dernier élément fracture les bases du régime de 1978 sur lequel s’est constitué l’Etat espagnol contemporain dans son intégration à l’UE et qui a permis de circonscrire et battre en brèche le processus d’insubordination ouvrière et populaire qui a caractérisé les dernières années du franquisme et les années 1970. Cette situation affaiblit considérablement l’Etat espagnol, l’un des piliers de la construction européenne, l’une des grandes puissances impérialistes au niveau global.

Cette situation relance également, au niveau symbolique et politique, tout un certain nombre d’éléments qui ont été au cœur de deux moments clefs la lutte de classe du XX° siècle –aux répercussions internationales : la poussée révolutionnaire, puis la guerre civile (1931-1939), d’une part, et la montée ouvrière, populaire et des nationalismes périphériques (basque, notamment, mais également catalan) sur fond de crise du franquisme (entre la fin des années 1960 et le début des années 1980). Dans ces deux séquences, notamment dans le cas de la guerre civile espagnole, l’impact, symbolique et politique au niveau européen, a été absolument central. Dans le cas de la séquence 1960-1980, la « transition », à savoir la mise en place d’une contre-révolution sous des formes démocratiques pour en finir avec la poussée ouvrière, populaire et des nationalismes périphériques, a représenté un « cas d’école » pour l’ensemble des processus post-dictatoriaux des années 1980 qui ont accompagné la consolidation de l’offensive néolibérale, en Europe comme en Amérique latine, notamment. Plus encore que le « mouvement du 15M » ou mouvement des Indignés, en 2011, dont le processus catalan est, dans un sens, l’une des expressions, les événements catalans actuels pourraient par conséquent essaimer, régionalement, si la situation venait à s’accélérer. Mouvement démocratique radical dans l’un des maillons faibles de la chaîne capitaliste de l’Europe du capital, il pourrait déboucher sur l’ouverture d’une situation pré-révolutionnaire au cœur de l’Europe.

Au regard de ces enjeux, la grande discrétion des principaux décideurs européens, malgré une timide prise de position ce mercredi, avec le vote du Parlement de Strasbourg proposant, dans un sens, une médiation, est proportionnellement inverse à l’énorme inquiétude qui est la leur. C’est également le symptôme de leur sentiment d’impuissance à trouver une issue consensuelle tellement la situation est bloquée et semble ne pouvoir s’acheminer que vers une explosion, qu’elle soit dans un sens réactionnaire ou de contestation du statu quo actuel. Pour l’instant, en raison, notamment, de ses liens au sein du Parti Populaire Européen avec le PP espagnol, Angela Merkel n’a pas souhaité prendre position dans la crise au profit d’une médiation, que les capitales européennes appellent, officieusement, de leurs vœux. Berlin et Paris, les principaux acteurs extra-espagnols de ce dossier au niveau européen, pourraient néanmoins être contraints de revoir leur position si les événements venaient à se précipiter au point de menacer plus sérieusement l’ordre réactionnaire européen.

La situation tend à se radicaliser considérablement, suffisamment en tout cas pour empêcher que ne se résorbent, dans l’immédiat, les principaux éléments de fracture. Le fait que le discours du roi, ce mardi, en appui à la répression de dimanche (une répression qui a manqué son objectif central de mettre un coup d’arrêt au processus référendaire), relance de plus belle la question de la Déclaration Unilatérale d’Indépendance (DUI), à laquelle n’est pas favorable la droite catalaniste (PDECat) qui pilote le processus jusqu’à présent mais qui pourrait s’y voir contrainte, comme l’a dit Carles Puigdemont, mercredi soir. Ce dialogue de sourds entre Madrid et Barcelone est à l’image du caractère inextricable de la situation.

Un mouvement de masses aux origines de la consolidation d’un nationalisme progressiste

A l’heure de la montée en force des courants nationalistes réactionnaires, chauvins voire xénophobes, qui caractérisent l’Europe depuis un quart de siècle, les intellectuels aux positions pro-espagnolistes invités sur les plateaux radio et télé ont beau jeu de comparer le nationalisme catalan à ces courants de droite réactionnaire. Ce faisant, servant le discours madrilène, ils renforcent l’idée selon laquelle la région la plus riche de l’Etat espagnol (20% du PIB) serait porteuse d’un « nationalisme égoïste » dont le projet central serait de ne « pas payer pour les Andalous ». Une telle analyse est non seulement fausse mais conforte, quoique partant de présupposés distincts, l’option répressive qu’a officiellement validée le roi dans son discours de mardi soir.

A l’origine du processus actuel il y a l’exacerbation d’un sentiment national catalan fondé sur des éléments d’altérité culturelle qui ont été consolidés au fil du temps. Ce sentiment national construit depuis la fin du XIXème siècle a été renforcé par le centralisme madrilène et espagnoliste tout au long du XXème, notamment sous le franquisme. La dictature avait en effet fait de l’oppression politique et culturelle des nationalités de la péninsule (notamment catalane, basque et galicienne) l’un des piliers de la dictature construite sur l’idée d’une « Espagne indivisible et grande ». Au cours des quarante dernières années, les porte-paroles historiques de ce nationalisme (Convergence et Union (CiU), ancêtre du PDECat actuel), recentrés sur des options d’autonomie décentralisée, avaient un temps trouvé un débouché « équilibré » (pour la bourgeoisie espagnoliste et la bourgeoisie catalane) à ce sentiment à travers la constitution, post-1978, d’une région autonome aux compétences très avancées. Ce statut d’autonomie, en vigueur aujourd’hui, est celui qui a permis au grand capital catalan, bancaire (CaixaBank et Sabadell), agroalimentaire (Agrolimen, Naturhouse ou Freixenet), confection (Pronovias), industrie pharmaceutique (Grifols ou Allmirall), de bénéficier de conditions très avantageuses pour réaliser ses affaires.

Le sentiment national catalan s’est néanmoins trouvé relancé par le double impact de la crise de 2008 et la crise des partis du régime qui n’a pas épargné la Catalogne.

D’un côté, le parti catalaniste historique, à la tête de la Généralité depuis 1977 et notamment entre 1980 et 2003 sous la houlette de Jordi Pujol, CiU a été fortement secoué par les scandales à répétition ayant éclaboussé l’ensemble de la « caste politique » espagnole et qui a caractérisé la seconde partie des années 2000. Dans une double fuite en avant, face à la justice espagnoliste enquêtant sur sa corruption endémique et se retrouvant pressé sur sa gauche par l’ERC (Gauche Républicaine Catalane), CiU s’est transformé en PDECat, radicalisant sa position sur la question d’une autonomie encore plus avancée, flirtant avec l’indépendantisme assumé. Parallèlement, le parti passait des mains des représentants historiques de la bourgeoisie catalane (Jordi Pujol ou Artur Mas, son successeur) à celle d’un secteur plus petit-bourgeois et radicalisé, incarné par Carles Puigdemont ou de l’une de ses courroies de transmission au sein de l’appareil de sécurité, le major Trapero, nommé à la tête des Mossos d’esquadra, la police catalane, aujourd’hui poursuivi par la justice madrilène pour « sédition ».

Dans le reste de l’Etat espagnol, c’est Podemos, sur la gauche, et Ciudadanos, sur la droite, qui ont tiré profit de la crise organique dans laquelle se retrouve le bipartisme espagnol traditionnel PP-PSOE. En Catalogne, cela s’est notamment décliné dans la consolidation des vieilles forces autonomistes (PDeCat, issu de CiU, et ERC) et de leurs relais au sein de la société, à travers un maillage associatif très important (Omnium Cultural) mais aussi à travers des positions en direction de la jeunesse et du monde du travail. C’est ce dont témoigne, d’ailleurs, le succès de la grève générale du 3 octobre, bien que le nationalisme catalan soit moins prégnant au sein du mouvement ouvrier, historiquement, qu’il n’a pu l’être en Euskadi-Pays basque à travers LAB, le syndicat des travailleurs basques, par exemple.

Face à un raidissement constant de Madrid, les forces politiques majoritaires de l’indépendantisme catalan (qui ont toujours été davantage autonomistes que réellement séparatistes, notamment dans le cas de CiU, actuellement PDECat), ont fini par pousser leur politique jusqu’à organiser un référendum d’autodétermination, illégal au vu de la Constitution centrale de 1978, mais absolument légitime, comme en atteste la participation massive lors de la votation du dimanche 1er octobre, en dépit du déploiement policier.

Ce sentiment national catalan, de par ses origines, de par son contenu et de par son histoire anti-monarchique et surtout anti-franquiste, ne saurait être assimilé à un nationalisme sécessionniste chauvin et réactionnaire droitier tel qu’il a pu apparaître dans différentes régions d’Europe depuis les années 1990, à commencer par le régionalisme porté par la Ligue du Nord italienne ou le Vlaams Blok flamand, par exemple. Le fait qu’il s’agisse d’un nationalisme progressiste veut-il dire que les révolutionnaires doivent y adhérer ? Non. Il existe néanmoins une différence fondamentale, d’un point de vue politique, entre un mouvement national démocratique de masse et les courants nationalistes, notamment bourgeois ou petites-bourgeois, qui y sont majoritaires.

En fonction de ce courant national démocratique de masse catalan, dans la mesure où son contenu social (avec une forte prégnance au sein des couches populaires, de la jeunesse et de certains secteurs non négligeables du salariat, notamment depuis ces dernières années) et son contenu politique (anti-centraliste et anti-franquiste) sont progressistes, les marxistes révolutionnaires doivent accompagner cette dynamique, en toute indépendance des partis bourgeois (PDECat), petits-bourgeois (ERC) ou même de gauche radicale petite-bourgeoise (CUP) qui le conduiraient. D’une part, c’est la seule façon de démontrer que la résolution intégrale de cette question nationale ne saurait être prise en charge par la bourgeoisie nationaliste. D’autre part, il s’agit de la voie à prendre pour indiquer que cette question de l’indépendance intégrale ne saurait se matérialiser réellement sans une transformation de ce processus national en un processus social, car nécessitant de s’opposer aux couches possédantes qui, elles, à commencer par le grand capital de Catalogne, transnationalisé et très espagnoliste, sont fondamentalement hostiles au principe d’auto-détermination. Il s’agit là de la dimension permanentiste de la question nationale.

Cette potentielle transcroissance de la question nationale sur le terrain social, avec l’entrée en scène du monde du travail et de la jeunesse, c’est ce que l’on a pu voir à l’œuvre, dans ses prémisses, avec l’entrée en scène du mouvement étudiant (posant localement la question de l’austérité parallèlement à celle de la répression et du droit à l’autodétermination), de même qu’avec la mise en action du mouvement ouvrier, comme l’illustre la grève générale du 3 octobre. Au cours de cette grève qui a littéralement paralysé la Catalogne, il est vrai que le taux de participation, dans l’industrie (chez Seat ou Volkswagen, pour prendre le cas de l’automobile), a été plus faible que dans d’autres composantes, comme les services. IL est indéniable, également, que la Généralité, à travers les relais du PDECat et de l’ERC, ont tout fait pour essayer de lui conférer un caractère polyclassiste, en faisant adhérer en masse les syndicats patronaux et en rebaptisant la « vaga general » (« grève générale », en catalan ») en « grève citoyenne ». Néanmoins, les taux d’adhésion à la grève dans les secteurs influencés par la « gauche syndicale » (notamment la CGT et IAC, la plateforme syndicale indépendantiste) ont été très forts. La grève a montré le degré d’adhésion à la revendication de défense du droit à l’autodétermination et contre la répression au sein du monde du travail qui n’est pas allé sans effrayer Madrid. Le discours du roi, au soir même de la grève, en direction d’une majorité de Catalans qui seraient défavorables au référendum, en témoigne.

La fausse option de la médiation

Au niveau de l’Etat espagnol, la politique avancée par la gauche radicale (Podemos et gauche basque, en dernière instance), sur laquelle tomberait d’accord le PDeCat et l’ERC, bien qu’il leur soit difficile de l’assumer jusqu’au bout dans le cas de l’ERC, se synthétise par la double opposition « ni article 155 [qui permettrait à Madrid de suspendre la Généralité], ni DUI [Déclaration Unilatérale d’Indépendance] ». Cela passerait par la mise en place d’une médiation, soit à l’intérieur du champ politique espagnol, soit à l’extérieur, par le truchement de l’UE. Cela permettrait de renvoyer à plus tard la question de la proclamation de l’Indépendance, tout en faisant le pari d’une désescalade, de façon à faire baisser les tensions. Il s’agit, en dernière instance, d’une orientation qui fait le jeu du régime de 1978, quand bien même Iglesias voudrait le réformer.

Cette option permettrait donc d’empêcher que ne soit enclenché l’article 155 de la Constitution qui rend possible la suspension partielle ou totale de la Généralité de Catalogne et de ses attributions spécifiques. Le risque, selon les observateurs les plus lucides, est que la mise en place de l’article 155 jette davantage de l’huile sur le feu et fracture définitivement les positions de part et d’autre, du côté du gouvernement central de Madrid et du Govern catalan, ce à quoi ni Paris ni Berlin ne souhaitent arriver, car cela signifierait un saut supplémentaire dans la crise actuelle, aux conséquences régionales. Néanmoins, selon toute logique, si rien n’évolue dans les prochains jours, cette mesure devrait être mise en œuvre soit avant la déclaration d’indépendance (DUI), pour l’empêcher (solution pour laquelle penchent Ciudadanos et le PP), soit par une fois la déclaration faite, après avoir constaté que le Govern se situerait « hors-la-loi » (une option privilégiée par le PSOE qui reste absolument collé aux positions du PP sur le fond). Cela permettrait également d’éviter une DUI, pour laquelle presse la CUP (gauche radicale autonomiste, aujourd’hui subordonnée à PDECat et à ERC) et à laquelle se montre réticent Puigdemont, car cela pourrait lui faire perdre le contrôle de la situation. Cette option médiatrice, que prêchent Iglesias tout autant qu’Ada Colau, la maire de Barcelone, au nom du « bon sens » est, bien entendu, un piège tendu au droit des Catalans de décider démocratiquement de leur avenir.

Encore une fois, ce qui est en jeu, avec le processus catalan, c’est la remise en cause du pacte réactionnaire de 1978 qui a compté comme principaux artisans le PSOE et le PCE, dans leur logique de canalisation, pour mieux la battre en brèche, d’une montée ouvrière et populaire qui, dans les années 1970, remettait en cause le franquisme et son héritage mais, également, les bases mêmes du système institutionnel et économique espagnol. Cimenté par l’institution réactionnaire de la monarchie, se situant « au-dessus » des classes et garantes de l’unité de l’Etat espagnol et de la « démocratie », transformé sur la base du régime des autonomies (concessions réalisées en direction de partis nationalistes bourgeois catalans (CiU) et basques (PNV), notamment), le régime de 1978, mis à mal, déjà, par la crise et le mouvement du 15M, est aujourd’hui remis en cause sous la pression d’un mouvement national démocratique de masse et qui se décline, depuis ces derniers jours, de façon importante au sein de la jeunesse et, dans une moindre mesure, au sein du mouvement ouvrier. En ouvrant une brèche dans ce régime au niveau catalan, ce serait bien entendu les travailleurs et la jeunesse du reste de l’Etat espagnol qui se retrouveraient dans une situation nouvelle pour remettre en cause l’ensemble de cet édifice institutionnel qui a su assurer, depuis 1978, à travers des gouvernements de gauche (sous Felipe González ou Rodríguez Zapatero (PSOE), comme de droite, sous Aznar et Rajoy (PP), les contre-réformes néolibérales et l’austérité.

Pour une Catalogne indépendante et socialiste !

Les marxistes révolutionnaires se situent, en ce sens, au sein du mouvement de masse (dans le cas catalan, au niveau des mobilisations contre la répression, dès mercredi 20), au niveau des occupations de facs, d’école (le week-end dernier), et au sein du mouvement ouvrier organisé (en participant activement à la construction de la grève générale), tout en incitant ce mouvement de masse à gagner en confiance et en essayant de montrer que seule l’auto-organisation et l’entrée sur scène du mouvement ouvrier peuvent déterminer les conditions de possibilité d’une réelle indépendance qui serait une brèche ouverte contre le capitalisme espagnol et son régime de 1978 et un point d’appui pour le salariat du reste de l’Etat. Ce processus, par conséquent, ne pourrait conduire qu’à une République indépendante socialiste en Catalogne pour être réellement effectif.

Dans un premier temps, nos camarades du Courant Révolutionnaire des Travailleu-r-se-s ont donc défendu l’option de la défense inconditionnelle du droit à l’autodétermination, en participant aux mobilisations. Ils ont néanmoins appelé à voter nul pour le référendum. L’enjeu n’est pas seulement l’indépendance, si le sentiment majoritaire sur cette question l’emporte, mais également le type de république souhaité, en l’occurrence une république radicalement distincte de la république capitaliste à laquelle appelle de ses vœux Puigdemont (et à laquelle se raccrochent, de par leur soutien, non seulement la gauche républicaine –ERC- mais également la gauche radicale catalane –CUP-, qui ne souhaite qu’intégrer un « volet social » au processus constituant).

Parallèlement, nos camarades ont appelé à appuyer activement le mouvement en soutien au droit à l’autodétermination, à la fois à partir du mouvement étudiant mais également à partir des quartiers, avec les occupations des bureaux de vote.

Enfin, avec l’annonce des résultats du référendum, qui donne le « oui » majoritaire, le choix a été de batailler plus encore sur le contenu et les caractéristiques du pays-processus constituant. Comme le soulignent Diego Lotito et Santiago Lupe, dans la déclaration publiée à la suite du discours du roi, « puisque ce sont la classe ouvrière et les secteurs populaires qui seront en première ligne de cette bataille, comme cela s’est vu lors du référendum du 1er octobre et lors de la grève générale de mardi, nous devons également exiger le droit de décider, par nous-mêmes, de la nature du processus constituant et de la République que nous voulons. Un véritable processus constituant libre et souverain doit permettre de discuter et de résoudre toutes les problématiques économiques et sociales, ce qui ne pourra se faire que si nos intérêts passent par-dessus les privilèges et les intérêts des capitalistes. En un mot, nous appelons de nos vœux à un processus qui puisse dépasser la direction de Puigdemont (PDeCat) et de Junqueras (ERC) et leur projet de république capitaliste, pour conquérir en Catalogne, une République Indépendante et Socialiste ».

Une question internationaliste à décliner concrètement au niveau hexagonal

En France, la question catalane devrait être l’un des axes d’intervention du mouvement ouvrier et de la jeunesse. Il s’agit non seulement d’une question élémentaire de solidarité internationaliste face à la répression. L’enjeu est également central, néanmoins, parce que l’avenir du rapport de force fondamental entre les classes au niveau régional, voire même la possibilité d’une précipitation d’un processus prérévolutionnaire, dépend étroitement de la situation catalane. Question nationale et sociale sont étroitement liées, historiquement dans l’Etat espagnol. Ce n’est pas un hasard si dès lors de leur retour au pouvoir, en 1934, trois ans après la proclamation de la IInde république, les droites espagnoles (CEDA) initient leur mandat comme les bourreaux de la classe ouvrière espagnole, instaurant deux années de dure répression symbolisées notamment par le massacre des mineurs des Asturies. Néanmoins, ce « bienio negro » s’ouvre, d’entrée de jeu, avec l’écrasement du mouvement national catalan et la suspension de la Généralité, en octobre 1934. Toute avancée ou recul de Madrid ne peut qu’avoir des conséquences directes sur l’ensemble du monde du travail au sein de l’Etat espagnol. Au niveau européen, également, tout recul ou, à l’inverse, toute avancée de Madrid, aura des conséquences fondamentales sur le rapport de force au niveau continental et sur notre camp social.

[Illustration : Une de Catalunya, organe en langue catalane de l’AIT à la suite de la mort de Buenaventura Durruti sur le front de Madrid en novembre 1937]

 
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