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16 de octobre de 2017 Twitter Faceboock

Palestine
Le Fatah et le Hamas signent un accord de « réconciliation » au Caire
Ali Norbert

Jeudi 12 octobre, les deux factions palestiniennes rivales ont signé un accord pour entamer un processus de réconciliation, après 10 ans de conflit. Mais loin de constituer une étape vers l’accès au droit à l’autodétermination, cet accord s’inscrit d’abord dans le cadre de la stabilisation de la région sous l’égide de l’impérialisme américain.

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Jeudi 12 octobre, le Fatah et le Hamas ont signé un premier accord, sous l’égide de l’Egypte, censé initier un processus de réconciliation entre les deux groupes ainsi que la préparation d’élections nationales. Depuis le refus du Fatah de reconnaître la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006 et l’éviction de Gaza, au cours de la guerre civile de 2007, de l’Autorité Palestinienne (AP - dirigée par le Fatah) par le Hamas, les deux factions se disputaient la légitimité de la représentation du peuple palestinien.

Conclus au Caire, l’accord se limite pour l’instant aux enjeux civils et administratifs. Les deux factions palestiniennes se sont mises d’accord sur la reconstruction d’une force de police à Gaza incluant des officiers de l’AP, ainsi que sur l’intégration des fonctionnaires du Hamas dans les ministères de l’AP. Les enjeux, plus cruciaux, des élections nationales, de l’aile militaire du Hamas (forte de 25 000 hommes) et de la réforme de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) doivent être discutés fin novembre. La visite du président de l’AP, Mahmmoud Abbas, dans la bande de Gaza est attendue dans le mois.

Réconciliation entre factions rivales ou sauvetage de l’Autorité Palestinienne ?

Les élections de 2006, puis la guerre civile en 2007, interviennent dans un contexte d’échec du « processus de paix » lancé par les accords d’Oslo en 1993 et de discrédit, auprès de larges secteurs de la population palestinienne, de l’Autorité Palestinienne qui en est issue. Le bilan que tire le peuple palestinien du processus de paix, c’est la poursuite de la colonisation de leurs territoires et des politiques d’épuration ethnique des gouvernements israéliens. Ce qui change, c’est que le contrôle et la répression de la population est prise en charge, en partie, par l’Autorité Palestinienne, sorte de demi-gouvernement qui né avec les accords d’Oslo. Ce dernier appliquera également des plans d’ajustement structurel économiques directement préparés par le FMI, notamment à travers l’action du premier ministre Salam Fayyad, représentant du FMI dans les territoires palestiniens, nommé en 2007.

Depuis, l’AP a plus que démontré son impuissance totale, structurelle, face à l’Etat israélien. Censée incarner la première étape vers un Etat palestinien, seules ses fonctions répressives et anti-sociales ont, aux yeux des classes populaires palestiniennes, une réalité.

De son côté, le Hamas est confronté à un isolement international, au blocus extrême imposé par l’Etat israélien(et par le gouvernement de Mahmoud Abbas)et à l’aggravation sans précédent de la situation humanitaire à Gaza.Les changements géopolitiques dans la région (guerre en Syrie et en Irak, crise qatarie) ont accentué l’isolement du Hamas. Ainsi, il a été pousséà se rapprocher de l’Egypte, au détriment des liens avec la Syrieet, dans une moindre mesure, du Qatar. Ces pressions ont accentué les divisions internes à l’organisation et l’ont amené à modifier sa stratégie politique et son discours, envisageant la possibilité d’une reconnaissance de l’Etat israélien et d’une intégration à l’OLP.

Si chaque groupe espère prendre l’avantage sur l’autre, des intérêts communs se dessinent. Pour le Fatah, la « fin de la division » peut permettre de rendre crédible à nouveau, au moins pour un temps, l’Autorité Palestinienne, dans le cadre de laquelle il gouverne. Pour le Hamas, c’est à la fois une porte de sortie de l’effroyable situation de Gaza, ainsi qu’une opportunité pour se ré-implanter durablement en Cisjordanie et étendre son influence.

Aucune des deux forces politiques n’envisagent une remise en cause des accords d’Oslo, et de l’appareil politico-administratif et répressif qui en est issu, l’AP. Au delà de la réconciliation entre deux forces politiques, l’enjeu est également de maintenir les illusions autour de l’AP et, en évitant une irruption du peuple palestinien sur la scène politique, de maintenir le cadre international des accords d’Oslo.

L’hostilité de l’Etat israélien à la réconciliation et le rôle de l’Egypte

Les réactions du gouvernement israélien ont souligné l’hostilité de l’Etat israélien à tout processus d’unification des palestiniens. Prenant comme prétexte la non-reconnaissance de la légitimité de l’Etat d’Israël par le Hamas, le premier ministre Benyamin Netanyahu a menacé de ne pas reconnaître un gouvernement palestinien dans lequel serait nommé des fonctionnaires du Hamas. Mais si la division des factions palestiniennes facilite la politique israélienne, Netanyahu ne peut se mettre à dos l’administration Trump qui mise sur la relance du processus de paix et voit favorablement l’accord passé au Caire, ni s’opposer trop frontalement aux démarches de son allié égyptien, qui est également l’un des piliers de la politique américaine dans la région. Alors que la perspective d’un conflit armé avec le Hezbollah semble se confirmer, la situation peut rapidement prendre une tournure violente.

En prenant l’initiative de l’accord de réconciliation, Sissi confirme la place de l’Egypte comme élément clé de la politique américaine au Moyen-Orient. Il apparaît comme un acteur central dans une région en pleine recomposition politique. Le gouvernement égyptien, dictature militaire financée par les Etats-Unis qui a repris le pouvoir après la parenthèse ouverte par le soulèvement égyptien de 2011, souhaite également sécuriser le désert du Sinaï face à la menacede groupesjihadistes en implantant l’Autorité palestinienne à Gaza et en pilotant la mise en place d’un conseil de sécurité à Gaza regroupant paritairement le Hamas et le Fatah. L’Egypte cherche aussi à mettre fin aux affrontements entre le Hamas de Gaza et l’armée israélienne pour éviter un possible afflux massif de réfugiés sur son territoire.

Canaliser le mécontentement de la population palestinienne et prévenir toute politique indépendante palestinienne

Alors que le rapprochement entre le Fatah et le Hamas inauguré par l’accord reste timide et que les enjeux cruciaux n’ont pas encore été discutés, la situation reste tendue. Cette semaine, l’armée israélienne a effectué un raid sur la bande de Gaza suite à un tir de roquette lancé par un groupe salafiste. L’incarcération de Salah Hamouri, militant franco-palestinien, montre l’inflexibilité de la politique israélienne et la détermination du gouvernement d’extrême droite mené par Netanyahu à poursuivre la colonisation et l’épuration ethnique de la Palestine. Le précédent et unique gouvernement d’union nationale formé par le Hamas et le Fatah en 2014 ne survivra pas à la guerre contre Gaza de la même année (opération « bordure protectrice ») menée par Israel (plus de 1500 civils palestiniens tués.)

Loin de constituer une étape vers l’accès au droit à l’autodétermination et à l’indépendance, ou même simplement vers une amélioration de la situation des palestiniens, l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas apparaît comme une tentative de stabiliser la région et de canaliser le mécontentement et la contestation de la population palestinienne, surtout après l’offensive réactionnaire de l’Etat d’Israël et du Fatah contre la population gazaouïe ces derniers mois pour faire pression contre le Hamas. La situation humanitaire désastreuse à Gaza était en train de préparer le terrain pour un soulèvement populaire. En effet, comme dit un responsable militaire israélien cité parForeign Policy : « il y avait plus de chances de voir un soulèvement populaire contre le Hamas qu’une nouvelle guerre entre le Hamas et Israël ».

La recomposition des forces politiques palestinienne, à travers la réconciliation Fatah-Hamas et la réforme de l’OLP,servira, dans cette perspective, d’appui au maintien d’un processus de paix mort-né et qui n’a permis que la poursuite de la dépossession du peuple palestinien.

 
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