×

Extrême-droite

Gaza : le RN aussi soutient le génocide des Palestiniens

Depuis le 7 octobre et le début du conflit à Gaza, le RN s’est illustré par son soutien en toute discrétion au régime israélien. Une position dans la lignée de sa politique de dédiabolisation, facilitée par les procès en antisémitisme du mouvement pro-palestinien.

Antoine Chantin

30 avril

Facebook Twitter
Gaza : le RN aussi soutient le génocide des Palestiniens

Photo : Jordan Bardella sur X

Au lendemain des attaques du 7 octobre, et au moment même où l’armée israélienne commençait son offensive meurtrière contre les habitants de la bande de Gaza, la cheffe de file du Rassemblement National, Marine Le Pen, montait à la tribune de l’Assemblée nationale pour affirmer que « L’Etat d’Israël avait le droit de se défendre ». Son discours prenait alors une apparence policée et tempérée, dénonçant les attaques du Hamas comme « un crime contre les Hommes et la paix » et affirmant dans le même temps que « le droit des Palestiniens à bénéficier un jour, d’un vrai État » ne « saurait être nié ». Un discours, en tout point, ou presque, semblable à la position défendue par le gouvernement au sein de l’hémicycle.

Un discours tempéré en façade

Les prises de positions du RN sur le conflit se sont multipliées au lendemain des attaques du 7 octobre, allant jusqu’à adopter une rhétorique similaire au gouvernement israélien, en dénonçant des « pogroms sur la terre même d’Israël », avant d’appeler à « une prise de conscience mondiale que le terrorisme islamiste est un fléau à combattre de toute urgence ». Au fil de l’intensification des violences commises par Israël contre les gazaouis, les prises de positions du parti se sont faites plus discrètes. Sans grande surprise, bien que la dénonciation par le parti d’extrême droite des attaques visant Israël est immédiate, comme en témoigne encore récemment la dénonciation de tirs de missiles lancés par l’Iran, la dénonciation de la colonisation et du génocide en Palestine, est, elle, totalement absente des discours et prises de paroles du Rassemblement National. Si à la tribune de l’Assemblée nationale, le 23 octobre 2023, Marine Le Pen se disait « soulagée » de l’acheminement d’aide humanitaire à Gaza, tandis que Jordan Bardella se targuait en novembre dernier, d’avoir voté au Parlement européen pour une pause humanitaire à Gaza, les discours du parti à l’encontre des manifestants en solidarité avec la Palestine révèlent la véritable position du parti d’extrême-droite.

Les attaques à l’égard des étudiants mobilisés contre le génocide en Palestine, ne se sont pas faites attendre de la part du RN. Pour le député RN Julien Odoul, les étudiants de Sciences Po ou de la Sorbonne qui se sont mobilisés cette semaine, en occupant leurs lieux d’études, ne sont que « des minorités d’adorateurs du Hamas, des séditieux qui veulent gangréner ces institutions avec une idéologie nauséabonde qui est celle de l’antisémitisme ». Un point de vue également partagé par le parlementaire Jean-Philippe Tanguy, qui a qualifié les étudiants de Sciences Po de « racaille islamo-gauchiste », et par la tête de liste du parti aux européennes, Jordan Bardella, pour qui cette mobilisation serait le signe d’un « antisémitisme décomplexé qui s’est abattu sur la France ».

Normalisation du RN et banalisation de l’islamophobie

Derrière les prises de position du Rassemblement National, relativement discrètes, le parti joue sa place politique et la progression de ses discours réactionnaires. D’une part, en soutenant sans faillir la politique génocidaire du gouvernement Israélien et en participant d’autre part à la diabolisation des voix qui dénoncent le massacre du peuple palestinien, le RN veut faire d’une pierre deux coups : apparaître comme la police de l’antisémitisme, et déployer son argumentaire associant les soutiens à la Palestine au Hamas, ce qui lui permet de crier à une islamisation de la France.

Le Rassemblement national était jusque-là mis au banc « de l’arc républicain » pour son antisémitisme intrinsèque, ayant été fondé par un ancien officier SS et longtemps représenté par un négationniste notoire. Aujourd’hui ce sont les membres de ce même parti, dont certains sont des anciens compagnons de route du groupuscule néo-nazi Groupe Union Défense (GUD), qui ont été applaudis lors de leur venue à la « marche contre l’antisémitisme » du 12 novembre 2023. De même, alors que la venue de La France Insoumise lors de l’hommage organisé par le gouvernement aux victimes du 7 octobre avait engendré de nombreuses critiques dans les médias et partis politiques pro-Israël, du fait de la dénonciation par le groupe insoumis du sort réservé au Palestinien, les représentants du RN étaient, une fois encore, accueillis à bras ouverts.

La normalisation du parti d’extrême droite, d’autant plus visible à la lumière du conflit, est le fruit d’une stratégie de rapprochement avec l’Etat Israélien opérée depuis plusieurs années. Ainsi, comme le rappellent Alain Gresh et Sarra Grira, dans un article paru dans les colonnes d’Orient XXI, ce processus de « blanchiment a commencé en 2011 : Marine Le Pen affirmait alors le soutien de son parti à Israël, tandis que Louis Aliot, son compagnon et numéro 2 de ce qui s’appelait encore le Front national, se rendait à Tel-Aviv et dans les colonies pour tenter d’y séduire l’électorat français ». Il s’opère un rapprochement avec l’extrême droite européenne mené consciemment par les dirigeants israéliens, et notamment par le Premier ministre Netanyahou, qui ne cache pas ses proximités avec de très nombreux partis d’extrême droite européens, de la Hongrie à la Pologne, en passant par l’Autriche et la Roumanie. En Roumanie, les liens sont de plus en plus forts entre l’État sioniste et une organisation politique, Alliance, proclamait ainsi Marine Le Pen sur Europe 1 le 10 octobre 2023. En ce sens, la cause a tous ces maux serait pour le parti d’extrême droite, sans surprise, l’islam. Bardella martelait ainsi que « cela fait quinze ans que mon mouvement politique et Marine Le Pen alertent la société française sur l’installation durable dans notre société d’un antisémitisme qui est le fruit d’un islam politique qui s’est enraciné ». Un danger, face auquel le RN cherche aujourd’hui à se présenter comme un rempart : « Beaucoup de Français de confession juive [...] savent aujourd’hui que le Rassemblement national est un bouclier pour les juifs »

La stratégie menée par le Rassemblement National pour se normaliser à travers l’instrumentalisation de l’antisémitisme est également rendue possible grâce à l’action du gouvernement. Dès 2017, Emmanuelle Macron avait ainsi invité Benyamin Netanyahou lors de la commémoration de la Rafle du Vel’ d’Hiv’, confondant, à cette occasion, la communauté juive avec Israël et faisant de cet État le gardien de la lutte contre l’antisémitisme. Une position qui s’est une fois encore exprimée dans la répression de toute dénonciation du régime colonial Israélien et les procès en antisémitisme des étudiants mobilisés, dont l’exemple le plus frappant reste la déferlante orchestrées contre les étudiants de Sciences Po. Une censure de la protestation et un soutien sans faille au génocide, tant politique que militaire, qui profite également au Rassemblement National, qui apparait comme une alternative toujours plus crédible aux yeux de la bourgeoisie.


Facebook Twitter
« Rétablir l'ordre Républicain » : Glucksmann légitime la répression coloniale en Kanaky

« Rétablir l’ordre Républicain » : Glucksmann légitime la répression coloniale en Kanaky

Déclaration. Contre la répression coloniale, défendons le droit à l'autodétermination de la Kanaky

Déclaration. Contre la répression coloniale, défendons le droit à l’autodétermination de la Kanaky

Circulaire Moretti : l'Etat se prépare à condamner massivement les Kanak

Circulaire Moretti : l’Etat se prépare à condamner massivement les Kanak

Lidl : comment l'entreprise soutient la colonisation en Cisjordanie

Lidl : comment l’entreprise soutient la colonisation en Cisjordanie

Incendie d'une synagogue à Rouen : un acte antisémite odieux, une instrumentalisation xénophobe

Incendie d’une synagogue à Rouen : un acte antisémite odieux, une instrumentalisation xénophobe

« Journée prisons mortes » : un mouvement pour exiger toujours plus de répression

« Journée prisons mortes » : un mouvement pour exiger toujours plus de répression


Commémoration de la Nakba : Plus de 200 personnes au rassemblement unitaire à Bordeaux

Commémoration de la Nakba : Plus de 200 personnes au rassemblement unitaire à Bordeaux

SUD Rail, MA France, A. Traoré, F. Lordon, … : front à la Sorbonne contre la répression des étudiant·es

SUD Rail, MA France, A. Traoré, F. Lordon, … : front à la Sorbonne contre la répression des étudiant·es