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Annonces du gouvernement

1,5 milliards d’euros ne suffiront pas : les hospitaliers restent mobilisés

Ce mercredi matin Edouard Philippe et Agnès Buzyn annonçaient le contenu du « plan d’urgence » destiné aux hôpitaux, qui se résume à un billet alors même que les personnels ciblent les besoins de postes, de formation ou de matériel à tous les niveaux et pointent la casse du système de santé public. Loin d’être satisfait par les annonces, le collectif Inter-Hôpitaux déclare continuer la mobilisation.

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Crédit photo : AURORE MESENGE/AFP - Manifestation de l’Inter-urgences en juin 2019

L’Etat montre patte blanche

Marqué par l’impressionnant mouvement de grève de jeudi dernier, où plus de 10 000 hospitaliers se sont réunis dans une manifestation nationale à Paris, le gouvernement a annoncé ce mercredi matin les détails de son « plan d’urgence » pour les hôpitaux. Alors que les personnels s’attendaient à des annonces claires face aux manques humains et matériels, mais aussi contre l’ingérence du privé et des logiques marchandes dans leurs services, la seule réponse apportée a été d’annoncer une enveloppe de 1,5 milliards d’euros à l’assurance-vie, quelques primes ainsi que 10 milliards de reprise de dettes par l’état. Destinées à ensevelir les revendications, ces mesures, inédites mais loin du compte, n’informent cependant en rien sur la manière dont va être redistribué cet argent.

D’autant plus que le gouvernement surveille de près la situation des hôpitaux, qu’il sait explosive. Après une première proposition de 70 millions d’euros destinée aux urgences en juin dernier qui, loin de satisfaire le secteur, s’était heurtée à une mobilisation plus grande, c’est par la répression qu’il avait tenté de dissuader le mouvement, en matraquant les pompiers en grève qui s’étaient joints à la manifestation du collectif l’Inter-Hôpitaux, en octobre dernier.

Aujourd’hui, c’est bien parce que les corps professoraux et étudiants, ainsi que d’autres services comme les manip’ radio, les Puph ou encore les chirurgiens, se sont liés de façon inédite à la mobilisation que le gouvernement a annoncé des mesures, loin de la soudaine « prise en compte de la détresse » qu’ils feignent. Alors que des grèves durent depuis maintenant plus d’un an, et craignant que celles-ci s’amplifient, en particulier là où l’Etat ne souhaite pas investir davantage, Edouard Philippe et Agnès Buzyn ont ainsi axé sur l’économique, ce qui est loin de faire l’unanimité. Voici les annonces principales :

1) 1,5 milliard d’euros pour l’assurance-maladie, répartis sur 3 ans

C’est ce que réclamait la Fédération hospitalière de France (FHF) qui s’estime avoir été « entendue » et restera « vigilante sur l’application concrète de ces mesures, notamment sur la reprise partielle de la dette des hôpitaux, qui ne peut se faire à l’aveugle ».
Or, comme le souligne le communiqué inter-syndical relayé par l’Inter-urgences, et signé par 13 organisations représentatives des milieux médicaux et para-médicaux, cette somme, apparemment énorme, « ne répond pas à la gravité de la situation » ni « aux revendications », qui réclament une revalorisation d’au moins 4 % de l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) contre les 2,1 % actuels, soit la moitié.

En outre, comme l’a soulevé Adrien Qatennens, député de la France Insoumise, « 1,5 milliard de plus sur trois ans pour l’hôpital après avoir réalisé 12 milliards de coupes sur les dépenses de santé depuis le début du quinquennat ? 1,5 milliard, c’est à peu près le budget de fonctionnement annuel du seul CHU de Lille ! Une provocation ». Force est de constater, au vu des manques estimés, que l’État reste bien en dessous du compte.

2) 10 milliards de dette repris par l’Etat

La deuxième annonce réalisée par le gouvernement consiste dans la reprise d’une partie de la dette des hôpitaux publics. Celle-ci, estimée à 30 milliards d’euros (soit 1,2 % de la dette publique française), s’est creusée ces dernières années à cause des bénéfices insuffisants générés par les hôpitaux, confrontés à l’évolution démographique et à l’insuffisance des investissements publics. Or, en l’absence d’investissements massifs et durables, cette dette risque de fait de se reconstituer rapidement.

3) Revalorisations salariales sous conditions

Une prime de 800 euros pour les infirmiers et aides-soignants d’Île-de-France gagnant moins de 1900 mensuels a été annoncée, ce qui correspond dans les faits à une petite prime de 67 euros par mois. Dans la même famille des miettes, le gouvernement compte « valoriser » les personnels en attribuant une enveloppe allant jusqu’à 300 euros par an, qui seront distribuées non pas selon la situation financière mais selon « la qualité des soins et de la prise en charge ». Des primes au compte-goutte donc, basée sur fonctionnement méritocrate, et dont on ne peut contrôler l’applicabilité à terme.

4) « Plus de souplesse » dans les professions

Et parmi les idées brillantes, le gouvernement compte, pour éviter d’investir dans les effectifs, de « reconnaître les variétés de parcours », et plus précisément les expériences « managériales ». Quand on voit les vagues de suicides à la SNCF, dans l’éducation et même dans les hôpitaux, il y a de quoi glacer le sang. De même, afin de donner « plus de liberté dans l’organisation au quotidien », ils comptent donner « les possibilités aux pharmaciens de dépister une angine, aux infirmières d’adapter les traitements »… peu importe s’ils ont les qualifications nécessaires. Mais les dirigeants comptent utiliser eux-mêmes ces mêmes services, ou sont-ils destinés ?

Des mesures insuffisantes : l’Inter-Hôpitaux reste mobilisée

Des mesures qui n’ont pas convaincu les soignants mobilisés. Citée par le NouvelObs, l’infirmière et membre du Collectif Inter-Urgences Orianne Plumet a réagi : « Il n’y a rien en termes d’effectifs et d’ouvertures de lits d’hospitalisation. Finalement, il n’y a pas de réponse aux revendications telles qu’on les porte depuis des mois. Même si on reconnaît qu’il y a de véritables efforts de la part du gouvernement » et juge « les annonces sont extrêmement médico-centrées et semblent cherche à diviser Paris et les régions ». Avec colère, un autre personnel de l’hôpital réagissait sur Twitter :

Pas un mot n’a été prononcé sur les problèmes de lits qui ont particulièrement interpellé l’opinion publique, pas une ouverture de poste supplémentaire alors que les personnels se décrivent à bout, pas un centime d’investissement dans les formations alors mêmes les étudiants sortent dans les rues.

Face à ces annonces, le Collectif Inter-Hôpitaux appelle à poursuivre la mobilisation le 30 novembre et le 17 décembre prochains. En fin de compte ces nouvelles mesures, loin de correspondre à l’urgence de la situation, attestent cependant que le gouvernement est sur la défensive. A la veille du 5 décembre, Edouard Philippe tente de déminer un secteur qui pourrait à terme converger avec le mouvement, mais sans succès pour le moment.


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