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SNCF

1 an après la bataille du rail, où en sont les cheminots ?

C’était le 3 Avril 2018 dernier, un an jour pour jour depuis le démarrage, de ce que beaucoup appelleront la « Bataille du rail ». 3 mois de lutte contre la réforme ferroviaire, appelé par l’ensemble des syndicats du ferroviaire, avec pour la première fois une stratégie que certains aurait voulu être novatrice, pour tenir dans le temps. La grève « perlée » ou grève « 2 jours sur 5 », comme l’ont appelé les éditorialistes, s’est avéré être un échec total, pour lutter contre une des attaques les plus importantes de l’histoire du ferroviaire français. Aujourd’hui quel avenir pour les cheminots et le service public ferroviaire ?

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Une stratégie perdante !

Ils étaient nombreux à avoir mis la question de la stratégie très tôt dans la balance, notamment sur le secteur de St Lazare et de Paris Nord. Notre camarade Anasse KAZIB, qui a été une des figures émergentes de cette grève avec d’autres, notamment à travers une série de vidéo sur Révolution Permanente, autour du rapport Spinetta et de l’analyse de la grève chaque semaine, avait tiré le signal d’alarme bien avant la grève, sur la stratégie de cette grève perlée.

Malgré des lignes bien distinct, les syndicats ont cherché à maintenir en priorité l’unité, avec d’un côté une ligne pour l’appel à la grève reconductible timide de la fédération SUD-Rail qui s’était caché derrière le fameux « souveraineté des AG » pour ne jamais mettre en ordre de bataille ses militants, afin de garder une certaine diplomatie dans le maintien des relations avec les trois autres fédérations, CGT, UNSA et CFDT.

Le nouveau secrétaire de la CGT Cheminot et également un des leaders du PCF de la région lyonnaise, Laurent Brun, dans un article du Parisien, le 16 Février 2018, expliquait « Je ne serai pas le patron de la CGT-Cheminots, qui enterrera le statut ! ». Mais force est de constater que cette stratégie n’a pas permis de gagner contre le gouvernement Macron et la direction de la SNCF qui ont pondu cette réforme avec l’objectif d’enterrer définitivement la SNCF. Pourtant à la base de la CGT, ils étaient nombreux à douter, de la méthode, revendiquant une ligne plus dure, pour pouvoir gagner. Ni l’aile la plus à gauche de SUD Rail ou de la CGT, ni même l’émergence du collectif Intergare, n’aura réussi à fissurer l’épais bouclier de protection autour de la stratégie de la grève perlée, lancé par Laurent Brun, devant les caméras à l’issu de la réunion intersyndicale du 15 Mars.

Même Guillaume PEPY ne veut plus rester !

Comme cela été à craindre, la situation aujourd’hui à la SNCF se dégrade de plus en plus, entre fermetures de gare, de ligne et de guichet, mais également l’annonce d’ouverture à la concurrence dans certaines régions comme le Grand Est, la filialisation de Gare & Connexion et de Fret SNCF.

Comme le dit Guillaume PEPY, dans une interview « La SNCF de 1937 est en train de disparaître pour la SNCF de 2020 », lui-même d’ailleurs va disparaître aussi, le grand fossoyeur de la SNCF, le voilà qui annonce déjà son empressement à quitter le navire. Après Mathias Vicherat, ex-directeur de la communication de la SNCF, venu de l’équipe d’Anne Hidalgo à la Mairie de Paris, a lui aussi quitté le navire après quelques mois de présence à la SNCF, profitant de lyncher médiatiquement les cheminots, pour au final un avenir meilleur chez Danone.

Ils veulent tous que la SNCF se transforme, mais ils se battent tous pour se barrer rapidement, c’est quand même drôle !

« La grève qui ne fallait pas perdre »

Chez les cheminots le moral est en berne, après cette défaite supplémentaire, c’est ce que craignait d’ailleurs certains militants, comme Laura figure de proue de la grève et cheminote à Paris Nord, qui confie « C’était sûrement la grève qu’il ne fallait pas perdre, c’est pour cela que nous avons fait le maximum, sur Paris Nord, mais aussi avec l’Intergare pour changer les choses, car c’était inévitable, que les cheminots auraient du mal à réagir aux futures attaques si nous perdions. Et ces attaques sont déjà là, on est en train de les subir de plein fouet, donc il est urgent de tirer des leçons de cette grève pour pouvoir repartir à l’offensive ! »

La SNCF a déjà annoncé, la suppression de 2086 emplois pour 2019, ainsi que de nombreuses réorganisations dans de nombreux métiers, qu’on ne pourrait lister, tant elles sont nombreuses. Une série récente d’accident grave et de suicide ont fait beaucoup de bruit dans la presse, rappelant la privatisation à la poste et chez France Telecom. En 2015 un dirigeant de la SNCF, disait vouloir faire de la SNCF, « Le Orange de demain ».

Mais cette réforme du ferroviaire, amène également son lot de démission en hausse depuis la rentrée 2018, avec de plus en plus de cheminots inquiets pour l’avenir et qui commencent déjà à partir voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Sur la page Facebook où discutent plus de 13000 cheminots, ils sont nombreux à se renseigner sur les modalités de départ volontaire, les délais de prévenance pour démissionner, parfois essayant de prendre une année sabbatique pour tester autre chose avant de partir définitivement.

Une tendance qui se confirme sur le terrain, comme nous le précise Eric, agent commercial dans le 78 « Les effectifs sont de plus en plus réduit, depuis la rentrée il n’y a pas une journée où il ne manque pas du personnel ». Du côté des conducteurs, Mathieu, agent de conduite dans l’Est, raconte « C’est la première fois depuis que je suis à la SNCF, que je vois autant de collègues démissionner ou annoncer leur intention de le faire ». Un sentiment partagé du nord au sud et de l’est à l’ouest, Clément cheminot à Chatillon depuis 5 ans confirme la tendance « Au matériel, on ne sait pas ce qu’on va devenir, on constate des réductions d’effectif partout en plus de devoir être polyvalents et faire des choses qui n’ont rien à voir avec notre diplôme, des fermetures prochaines de technicentre, Vu la transformation de l’entreprise beaucoup ce disent que cela n’en vaut plus la peine. Les gens veulent se barrer de la SNCF ! »

« Relever la tête ou crever la bouche ouverte ! »

Malgré les difficultés que rencontrent aujourd’hui les cheminots, beaucoup gardent espoir en l’avenir et en la capacité des cheminots à relever la tête. Clément nous raconte : « Il y’a un sentiment de consternation, mais en même temps une rage intérieure qui existe, je ne sais pas quand cela va exploser à la SNCF, mais avec ce qu’il se passe dans le pays, les cheminots ont de quoi reprendre confiance ». En effet, ils sont nombreux parmi les cheminots à avoir très vite participé au mouvement des gilets jaunes, dès le 17 Novembre, sur les ronds-points, dans les villes et villages. Beaucoup se sont retrouvés dans ces revendications pour la justice fiscale et sociale, dénonçant la casse du service public et notamment celui du transport n’existant quasiment plus dans ces zones périurbaines. Ces revendications ont émergé massivement dans ce mouvement.

Certains, comme les cheminots du collectif Intergare, qui réunit des syndiqués et non-syndiqués, ont appelé dès le départ à faire la jonction avec notamment le comité Adama Traoré, pour lutter aux côtés des gilets jaunes. Torya, agent circulation et militante SUD-Rail, est depuis le premier jour avec les gilets jaunes du collectif Rungis. Elle a vécu les 3 mois de grève avec la SNCF et pourtant n’a pas désespéré en voyant le mouvement des gilets jaunes sortir. « Je suis une cheminote précaire, mère isolée avec 3 enfants à charge. Je suis pleinement gilet jaune depuis le début. J’aurais pu être fataliste et me cacher derrière mes difficultés financières pour ne plus me battre après la bataille du rail. Soit on relève la tête, soit on crève la bouche ouverte dans notre coin. Il faut sortir du corporatisme pour se battre tous ensemble. »

Les gilets jaunes qui auront permis que des entreprises du privée et du public, notamment à la SNCF, distribue une prime aux salariés, non pas par générosité, mais bien dans l’idée que le mouvement ouvrier ne rejoigne pas les gilets jaunes. Pourtant les enseignements du mouvement des gilets jaunes vont être important pour la suite, Anasse KAZIB, nous raconte « Tout le monde aujourd’hui est en train de prendre une leçon de radicalité et de détermination avec les gilets jaunes. On est en train de comprendre qu’on ne gagne pas avec des manifestations de 24h et des journées perlée, mais avec rage et détermination ».

Un slogan disait « Gilet-jaunons les entreprises », c’est surement ce qu’il se passera demain chez les cheminots et ailleurs, pour ne pas donner des ailes à un gouvernement, qui pour l’instant croise des doigts pour ne pas avoir de grève massive dans les lieux de travail, petites et moyennes entreprises, mais aussi dans les secteurs stratégiques du mouvement ouvrier comme les transports ou l’industrie. Cela s’explique notamment par une crise profonde qui traverse tous les syndicats.

Crise syndicale et enseignement des gilets jaunes

C’est aussi l’autre enseignement que tirent de plus en plus de cheminots, après l’offensive mené par les cheminots de l’Intergare contre les méthodes bureaucratiques des syndicats lors de la grève du printemps dernier. Aujourd’hui avec la spontanéité des gilets jaunes, les cheminots comprennent de plus en plus l’importance de dépasser les directions syndicales dans les prochains temps forts. Le premier signal d’alarme pour les fédérations du chemin de fer a été l’abstention importante des cheminots, pour les élections CSE en fin d’année. Aujourd’hui les quatre fédérations, sont à l’agonie après le printemps, elles ne réagissent plus à rien, préoccupées par le sort des derniers sièges de permanents et de gestion des finances des CSE.

Les directions syndicales jouent donc la carte de la démoralisation des troupes, pour ne pas cacher la crise de leadership entre la base et le sommet, à faire confiance à un fonctionnement syndical qui est défaillant depuis plus de 25 ans. Les quelques essais de grève interprofessionnelle de 24h, le 5 Fevrier et le 19 Mars, ont montré que les cheminots ne suivent plus ces méthodes inutiles. Yohan, cheminot non syndiqué, nous donne son sentiment « Plus personne n’en veut de leurs journées de grève de 24h, appelées par les syndicats, pour défiler dans la rue, tous les ans c’est la même chose, stop ! ».

Avec l’arrivée rapidement imminente de la prochaine réforme des retraites, qui visera à en finir définitivement avec l’ensemble des 42 régimes spéciaux de retraites et notamment de l’âge de départ à la retraite et du calcul des retraites des cheminots, une nouvelle guérilla sociale va surement avoir lieu, entre enseignement de la défaite de la grève perlée et de l’émergence du mouvement des gilets jaunes. Avec cette fois ci des millions de travailleurs ayant suivi depuis le 17 Novembre la détermination des gilets jaunes à continuer jusqu’à faire plier le gouvernement, depuis plus de 4 mois.

« Il va falloir apprendre des défaites du passé, ce serait criminel demain avec ce qu’on a vécu en 2018 et ce que nous vivons aujourd’hui avec les gilets jaunes, de retomber dans le panneau de l’unité de façade et des stratégies bidons. Il faudra que le gilet jaune se transforme en gilet orange, avec le même esprit de radicalité ! » ajoute Anasse Kazib.


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