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Mouvement ouvrier

16 février : une journée pour quoi faire ? Construisons la reconductible !

Ce jeudi 16 février, la mobilisation est apparue en nette baisse partout en France, malgré des cortèges qui se sont maintenus à des niveaux élevés. Alors que la journée a paru ne pas servir à grand-chose pour de nombreux travailleurs, il y a urgence à préparer une grève reconductible large d’ici le 7 mars.

Nathan Deas

16 février 2023

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Crédit photo : Manifestation, contre la réforme des retraites, à Albi, le 16 février 2023. CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Près d’un mois après la présentation du projet de loi par Elisabeth Borne, ce jeudi se tenait dans toute la France la cinquième journée de mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Sans surprise, la participation et le taux de grévistes sont en nette baisse. Cependant, en pleine période de vacances scolaires, à l’exception de l’Île de France et de l’Occitanie, et malgré les interrogations légitimes sur l’utilité de la journée, le tableau général reste celui d’une mobilisation importante avec 1,3 million de manifestants selon la CGT (440 000 selon le ministre de l’Intérieur) dans tout le pays, témoignant de l’ancrage du mouvement et de la détermination à faire reculer le gouvernement.

Malgré les interrogations légitimes sur l’utilité de la journée, une mobilisation qui reste forte

Ainsi, dans plusieurs grandes villes, les chiffres de mobilisations sont restés élevés selon les syndicats. On a ainsi pu voir 300 000 personnes défiler à Paris selon la CGT, 90 000 à Marseille, 65 000 à Toulouse, 30 000 à Bordeaux, 12 000 à Rennes, 10 000 à Bayonne ou encore 4000 à Valenciennes. A Albi, où les dirigeants de l’intersyndicale s’étaient donné rendez-vous pour rendre compte de la colère des villes moyennes, plus de 55 000 manifestations ont pris la rue.

Du côté des taux de grévistes, les dynamiques sont, elles, clairement à la baisse. Dans la pétrochimie, seule la bio-raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) est en grève. Une absence de mobilisation, dans un secteur qui s’est exprimé jusque-là pour la reconductible et le durcissement du mouvement, significative du peu de perspectives perçues dans la journée de mobilisation. Dans l’éducation nationale, le ministère, dont on connaît les méthodes de comptages approximatives, évoque un taux de grévistes de 6,95% dans la zone C, seule zone qui n’est pas actuellement en congés scolaires (académies de Paris, Versailles, Créteil, Toulouse, Montpellier), contre 12,87% le 7 février et surtout 35,15% le 19 janvier.

Le son de cloche est identique dans les transports avec 14% de grévistes à la SNCF (contre 25% mardi dernier et 46,3 % le 19 janvier). Par ricochet, les perturbations sont limitées avec 4 TGV sur 5 en circulation et un trafic normal dans le métro parisien. Néanmoins, 30% des vols sont annulés à Paris-Orly, 20% à Toulouse, Montpellier ou encore Nantes. Enfin, dans le secteur de l’énergie, la mobilisation en recul s’est toutefois maintenue à un niveau élevé. La CGT a revendiqué 3000 MW de baisse de production dans les centrales nucléaires, soit l’équivalent de trois réacteurs nucléaires, ainsi que plusieurs opérations de blocages dans les centrales hydrauliques et sur les sites de stockage de gaz.

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Une journée pour rien ?

Si le maintien de la mobilisation est le signe que la détermination reste intacte, il est légitime de s’interroger sur l’utilité de la journée de ce 16 février. Dans les cortèges, la question est d’ailleurs revenue à de nombreuses reprises. « Qu’est-ce qu’on s’emmerde, dans cette manifestation ! » En tête du cortège parisien, un participant s’agace de l’ambiance qu’il juge mollassonne. […] Cet opposant n’est pas le seul à se dire déçu de ce jeudi. Un peu plus tôt, trois étudiants estimaient même que la mobilisation de ce jour ne servait « à rien » rapporte un correspondant du Figaro. Au cœur des mobilisations, une autre problématique vient s’ajouter à la première : celle de la nécessité de durcir le mouvement. Parmi les manifestants, le changement de ton, samedi dernier, de l’intersyndicale et l’appel de « mettre le pays à l’arrêt le 7 mars prochain » suscite un enthousiasme largement partagé.

C’est le cas pour Laurent, travailleur pour un intermédiaire de la SNCF, interviewé par Le Monde à Paris qui juge la manifestation « bon enfant ». Trop pour faire bouger les lignes et donne « rendez-vous le 7 mars ». « L’Etat se fout des manifestations. Maintenant il faut bloquer. Les transports et les raffineries, comme toujours. Mais les routiers aussi, j’espère. S’ils s’y mettent ce sera une tout autre chose. Le gouvernement ne pourra plus nous ignorer. » espère-t-il.

Difficile, toutefois, de voir en quoi la journée de mobilisation de ce 16 février a permis d’avancer sur le plan de bataille pour faire du 7 mars, non pas seulement une journée de mobilisation massive, mais un véritable point d’appui pour durcir le mouvement et poser la perspective d’une reconductible large. Outre le fait que la journée n’a pas permis de remettre la grève au centre des préoccupations quelques jours après une date de mobilisation appelée un samedi, la faiblesse relative de la mobilisation n’est pas le seul produit des vacances scolaires, mais le signe que les appels à des journées isolées et sans véritables perspectives peinent de plus en plus à convaincre.

Pour l’heure, la mobilisation en baisse de ce jeudi ne semble traduire ni une détermination en berne ni une dynamique descendante du mouvement contre la réforme des retraites à la base. Ce premier temps faible de la mobilisation est néanmoins une piqure de rappel : la succession de journées isolées et le manque de perspectives proposées jusqu’à aujourd’hui par l’intersyndicale risquent de provoquer un essoufflement de la contestation et l’érosion de la formidable colère suscitée par le projet mortifère de Macron.

Imposer la grève reconductible large à partir du 7 mars

De ce point de vue, loin de préparer le terrain à une grève reconductible à destination de l’ensemble du monde du travail, l’intersyndicale a continué de suspendre ses appels à la mobilisation à une logique de pression sur les parlementaires. Du côté de la CGT, si Phlippe Martinez, depuis la manifestation albigeoise, a bien réitéré ses menaces à bloquer le pays (si « Macron n’entend pas raison »), le secrétaire général de la CGT s’est félicité d’une mobilisation qui « pèsera » sur les débats en cours à l’assemblée nationale, les élus ne pouvant « être indifférents quand il y a autant de monde dans la rue ». Un « bilan » qui éclaire d’une autre lumière ses appels à « mette la France à l’arrêt ».

De son côté, le secrétaire général de la CFDT, lui aussi depuis Albi, est allé encore plus loin sur ce terrain en tendant la main à la droite sénatoriale, ennemie mortelle des travailleurs et favorable à de nombreuses dispositions de la réforme des retraites. « Le parlement ce n’est pas que l’Assemblée nationale, c’est aussi le Sénat. Il y a aussi un débat au Sénat, durant lequel l’intersyndicale a décidé d’être totalement présente. Ce sont notamment les raisons de la mobilisation du 7 mars prochain. » a-t-il déclaré.

En d’autres termes, derrière les discours rougis, la reconductible est pour l’heure loin d’être au programme de l’intersyndicale. Ce matin, au micro de RMC, Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT ne trahissait d’ailleurs pas la moindre ambiguïté à ce propos. Selon elle, « la position de la CFDT, c’est le 7 mars, pas plus. Le 8 mars sera également une journée de mobilisation, mais sans lien avec la veille » a-t-elle déclaré. Des déclarations cohérentes avec le refus répété du dirigeant de la CFDT de construire un rapport de force dur avec le gouvernement.

Alors que l’enjeu du blocage de l’économie semble avoir fait son chemin dans une partie de la base des travailleurs et des travailleuses, toutes les forces doivent être mises au service de la construction d’une grève reconductible large. La date est connue pour servir de point de départ : le 7 mars prochain. Plusieurs secteurs, notamment la CGT Cheminots, l’intersyndicale de la RATP ou Solidaires appellent déjà en ce sens. Après les discours, l’intersyndicale doit suivre avec des actes. Pour mettre la « France à l’arrêt », elle doit généraliser la perspective de la reconductible et mettre ses moyens au service de sa construction. Il y a urgence à nous doter d’un plan de bataille alliant élargissement des revendications et auto-organisation à la base pour imposer cette orientation.


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