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De l'argent il y en a...

2,4 milliards de profits pour la SNCF, mais toujours pas de hausses de salaires pour les cheminots

Dans un communiqué paru jeudi, la SNCF annonce des profits historiques de 2,4 milliards d’euros. Une somme obscène qui a été arrachée sur le dos des travailleurs et des usagers, alors que la SNCF se refuse d’augmenter réellement les salaires et annonce de nouvelles hausses de ses tarifs.

Seb Nanzhel

24 février 2023

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Crédits photo : AFP

Des profits records sur le dos des travailleurs et des usagers

Alors qu’elle annonçait 2,2 milliards fin décembre, ce sont finalement 2,4 milliards d’euros de profits que la SNCF a encaissés en 2022. Un record historique, annoncé dans un communiqué paru le 23 février. Dans celui-ci, la direction de la SNCF annonce que le « Résultat net de 2,4 Mds€ [sera] intégralement consacré à préparer l’avenir : amélioration du réseau ferroviaire, développement et désendettement ». Une affirmation qui cache mal que cette somme a été arrachée sur le dos des travailleurs et des usagers, et que l’entreprise détenue par l’État français est une véritable vache à lait pour le secteur privé.

Avec une croissance de 19 % de son chiffre d’affaires global (qui passe à 41,4 milliards d’euros), la SNCF enregistre donc des bénéfices record de 2,4 milliards d’euros, contre 0,9 milliard en 2021. Un résultat porté par l’activité voyageur, la facturation de l’utilisation des réseaux par d’autres entreprises et la logistique, avec GEODIS. Mais le résultat surtout d’une politique interne agressive contre les salariés de l’entreprise.

A l’occasion de l’annonce initiale des résultats en décembre, Eric, cheminot licencié expliquait ainsi à Révolution Permanente : « Ces chiffres record, c’est l’argent des cheminots et l’aboutissement de 35 ans de réduction de personnel, de dégradation des conditions de travail et d’accroissement des risques avec la sécurité des voyageurs ». « En fait, ils font des profits sur la sueur des cheminots, sur le manque d’effectifs, sur le matériel vieillissant, sur les travaux qui s’accélèrent notamment avec les JO 2024 ... », ajoute Anasse Kazib, cheminot et porte-parole de Révolution Permanente.

GEODIS, la filiale de logistique de la SNCF, est emblématique de ce constat. GEODIS est désigné comme le « second poumon économique du Groupe » par la direction, qui vante sa « croissance soutenue » (19 % par rapport à 2021 et 68 % par rapport à 2019). Une « croissance » qui se fait au prix de la santé des travailleurs du secteur. Ces derniers sont payés au lance-pierre, avec des horaires de nuit, des conditions de travail très physiques et pénibles occasionnant de nombreux accidents et maladies d’origine professionnelle.

Moussa, 67 ans, ouvrier à Geodis, expliquait ainsi : «  Le colis qu’on soulève fait 20, 35, 40 kilos ou plus, il te met par terre. On a certaines palettes qui pèsent 2 tonnes qu’on doit pousser à la main jusqu’aux camions. […] Nous qui travaillons, qui faisons ça physiquement, on a du mal à se lever. Des fois, on est obligés de prendre des médicaments pour pouvoir dormir. Des fois, quand je me réveille, mon corps je ne le sens même pas. » Hassan, également salarié de la boite, expliquait quant à lui : « Les accidents de travail sont nombreux sur la plateforme, il y a des semaines où les pompiers viennent plusieurs fois tellement il y a des accidents. »

Les prix des billets augmentent, mais pas les salaires

Pas sûr que les travailleurs seront très réceptifs aux propos de Jean Pierre Farandou, PDG de la SNCF. Ce dernier « tien[t] à les remercier et leur exprimer [sa] reconnaissance. » pour « un résultat encourageant obtenu grâce à l’engagement exceptionnel de toutes les équipes des métiers du transport de voyageurs, de la logistique et du transport de marchandises et de la gestion d’infrastructures. ».

D’autant que ces remerciements hypocrites sont tout ce que la direction a prévu d’offrir aux travailleurs pour fêter ces profits record. « Il y a eu une réunion pour les NAO le 7 décembre dernier. L’accord présenté n’a été signé ni par l’UNSA, ni par la CGT, ni par SUD Rail, les syndicats majoritaires du secteur. Ça montre bien qu’ils ont fait une proposition ridicule. Ce qui nous choque, c’est qu’alors qu’ils ont proposé seulement 2 % d’augmentation du point d’indice au 1er janvier 2023, ils disent qu’ils ont augmenté les salaires de 12 % (6 % sur 2022 et 6 % sur 2023), ce qui est totalement faux. On voit qu’il y a un vrai mépris sur la question des salaires », explique Anasse Kazib.

Une question sur laquelle différents secteurs des cheminots se mobilisent fortement, comme le montre la grève du Bourget, qui dure depuis de nombreuses semaines, ou encore la grève des contrôleurs de cet hiver. La direction avait notamment tenté de retarder l’annonce de ses bénéfices à venir en décembre, du fait de cette grève et des NAO.

Si d’un côté les salaires n’augmentent pas, le prix des billets, de l’autre, va lui encore grimper. Une augmentation à venir en 2023 de « 5 % en moyenne », comme l’explique Jean-Pierre Farandou. Dans tous les cas, c’est le patronat qui se gave. Car si la SNCF est détenue par l’Etat, elle multiplie les recours à la sous-traitance et aux prestations. Une manière de condenser les coûts et de durcir l’exploitation des travailleurs, mais aussi de faire sortir des mannes d’argent vers le secteur privé. « Faut savoir que maintenant, les agents de maintenance par exemple, ils sont formés que par le privé. Ils contractualisent au maximum et ça c’est autant d’argent qui sort et qui va remplir les poches des patrons. » détaille Anasse Kazib. Une logique qui s’étend bien au-delà de la sous-traitance, comme l’ont montré par exemple les scandales des ententes illicites entre géants du BTP pour sur-facturer leurs contrats de constructions de voies ferrées.

Des taux de grévistes importants ont été relevés à la SNCF lors des premières journées de mobilisation contre la réforme des retraites. Alors que la CGT cheminot, rejoint par SUD et l’UNSA, a appelé à la reconductible au-delà du 7, ces profits record dans un contexte d’inflation montrent une fois de plus la nécessité de lier la question des retraites à celle des augmentations de salaires. Une manière de renforcer la mobilisation en s’appuyant sur la forte colère sur le terrain des salaires, mais également de faire des liens avec tous les secteurs du monde du travail impactés par la baisse de leurs salaires réels.


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