2007-2019

Ortega-Murillo, du néolibéralisme autoritaire à la dictature

Ortega-Murillo, du néolibéralisme autoritaire à la dictature

Revenus au pouvoir en 2007, Daniel Ortega et le FSLN ont scrupuleusement respecté les canons du capitalisme néolibéral et les intérêts impérialistes, tout en remettant en place un appareil d’encadrement bureaucratique de la société. Après l’explosion populaire du printemps 2018, leur pouvoir se retrouve sur le fil du rasoir. Mais une alternative émancipatrice fait toujours cruellement défaut.

Illustration : Manifestation à Managua en avril 2018 à Managua. Crédits EFE

Depuis 1990, la droite avait à chaque fois trouvé un consensus sur un candidat susceptible de remporter l’élection présidentielle. A chaque fois, elle s’était ainsi imposée face à un Daniel Ortega coincé entre 38 et 42 % des voix. Mais en 2006, alors qu’elle était déchirée depuis des années par une guerre interne, deux candidats se présentaient en son nom : l’un (Eduardo Montealegre) lié au président sortant, Enrique Bolaños, l’autre (José Rizo) à celui qui avait précédé, Arnoldo Alemán.

Or, un des éléments du pacte qu’Ortega avait conclu en 2000 avec Alemán, quand ils se trouvaient tout deux menacés par des procédures judiciaires et avaient eu besoin l’un de l’autre pour échapper à une condamnation, était une réforme constitutionnelle établissant qu’un candidat à l’élection présidentielle pouvait désormais être élu dès le premier tour avec seulement 35 % des suffrages exprimés [1]. Pour Daniel Ortega, c’était une occasion à ne pas manquer.

C’est ainsi qu’à l’issue du scrutin du 5 novembre 2006, le chef du FSLN est redevenu président de la République du Nicaragua en obtenant 37,99 % des voix, devant Montealegre (28,3 %) et Rizo (27,1 %), le candidat du Mouvement rénovateur sandiniste n’en obtenant que 6,4 %.

Le « nouvel Ortega »

Dès 1996, Ortega avait troqué son treillis de commandant sandiniste pour le complet-veston et porté un discours d’unité et de réconciliation nationale, fort éloigné des proclamations « marxistes-léninistes » d’antan. Mais dans la préparation de ce scrutin, il alla encore plus loin.

D’abord en se convertissant au catholicisme et en se réconciliant spectaculairement avec son ennemi de toujours, le cardinal, archevêque de Managua et chef de l’Eglise catholique nicaraguayenne, Miguel Obando y Bravo. Le 3 septembre 2005 à la cathédrale de Managua, le cardinal bénit en personne le mariage religieux de Daniel Ortega avec Rosario Murillo, son épouse civile depuis 1978 et la mère de six de ses enfants. Dans la campagne pour les élections, Ortega s’affichera en permanence avec son épouse et le plus souvent possible avec ses enfants, en martelant le nom de Dieu, de Jésus et du pape Jean-Paul II récemment décédé. Interrogé sur ses convictions, il répondra qu’«  il y a d’abord le Christ, puis Sandino et enfin Marx. » [2]

Signalons ici que plus que d’un gouvernement Ortega, il fallait dès cette époque parler d’un gouvernement Ortega-Murillo. L’épouse du président, qui avait été nommée porte-parole (« directrice des communications ») du gouvernement, assumait en réalité un rôle bien plus vaste, participant aux décisions présidentielles et intervenant dans celles de nombreux ministères. Une place qui lui sera reconnue après 2016, quand elle deviendra officiellement vice-présidente, beaucoup considérant d’ailleurs qu’elle est en réalité la véritable tête de l’exécutif.

Mais l’Eglise reçut un autre gage d’importance. Le 6 octobre 2006, elle avait organisé une grande marche en direction de l’Assemblée nationale, afin de lui demander d’éliminer du code pénal les dispositions excluant l’IVG thérapeutique de l’interdiction générale de l’avortement. Ce à quoi le parlement avait obtempéré quelques jours avant le scrutin, grâce à l’intervention de Daniel Ortega et au vote des députés sandinistes. L’avortement thérapeutique, en cas de danger pour la santé de la femme enceinte ou lorsque la grossesse résulte d’un viol, était autorisé au Nicaragua depuis… 1837 ! Le nouveau code pénal, entré en vigueur en juillet 2008, prévoit une peine de quatre ans de prison pour une femme qui avorte.

Une fois entré en fonctions, le gouvernement d’Ortega a également multiplié les agressions contre le mouvement des femmes. Dans une déclaration du 28 août 2008 répondant aux critiques nationales et internationales, Rosario Murillo dénonça la « distorsion du féminisme, la manipulation de ses bannières, la déformation de ses contenus, le détournement de ses postulats en faveur de la Cause du Mal, un acte cruel et perfide de trahison des véritables intérêts personnels et collectifs des femmes. » Le « faux féminisme sert le modèle néocolonial ; il vit en parfaite harmonie avec les desseins impérialistes (…) il s’appelle contre-révolution » [3]. Dans la foulée, elle lança sa propre organisation, le Mouvement pour la dignité des droits des femmes Blanca Arauz (du nom de la dernière épouse d’Augusto Sandino), qui entreprit de promouvoir le « vrai féminisme », qui respecte le « droit à la vie », reconnaît et encourage le rôle des femmes en tant qu’épouses et mères. Les organisations féministes nicaraguayennes furent alors la cible du procureur général, accusées entre autres de blanchiment d’argent et de propagande en faveur de l’avortement.

D’autres signes de bonne volonté, et non des moindres, avaient été adressés aux forces les plus réactionnaires. Ortega avait ainsi choisi comme son colistier, candidat à la vice-présidence, un banquier ancien responsable politique de la Contra, puis ancien bras droit d’Arnoldo Alemán, Jaime Morales Carazo. Son gouvernement intégra ensuite plusieurs ministres issus du monde des affaires ou de la droite. Et comme le score des sandinistes ne leur donnait pas une majorité à l’Assemblée nationale, ils y légiférèrent en accord avec le PLC (Parti libéral constitutionnaliste) d’Arnaldo Alemán et José Rizo, prolongeant ainsi le pacte de 2000.

Ortega s’était réuni avant le scrutin avec une brochette d’investisseurs étatsuniens, qu’il s’était employé à rassurer, tandis qu’un « pacte de gouvernabilité » avait été signé avec la Chambre de commerce nicaraguayenne, avec l’engagement de respecter le système de libre-marché et tous les droits de propriété. Les députés du FSLN avaient en outre voté en faveur de l’Accord de libre-échange d’Amérique centrale, signé entre les gouvernements de la région (Costa-Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Salvador), les Etats-Unis et la République dominicaine.

Dans le même temps, le candidat sandiniste maintenait sur les tréteaux une rhétorique « anti-impérialiste » et – en reprenant le langage de la doctrine sociale de l’Eglise – de « priorité aux pauvres ». De fait, son gouvernement a ensuite mené certaines politiques sociales qui, si elles peuvent sembler très modestes à un Européen, et ont par ailleurs donné lieu à un clientélisme effréné, avaient été totalement absentes des préoccupations des gouvernements de droite précédents. Dans un sens, Ortega peut ainsi être considéré comme un « social-libéral ».

Ortega-Murillo au pouvoir

Le retour d’Ortega au pouvoir avait été chaleureusement salué par Fidel Castro et Hugo Chávez. Dans le message de félicitations qu’il avait adressé à son « Cher Daniel », le dirigeant cubain déclarait que « cette grande victoire sandiniste remplit notre peuple de joie et discrédite en même temps le gouvernement américain terroriste et génocidaire ». De son côté, Chávez s’était félicité que « les peuples se lèvent à nouveau (…) L’Amérique latine cesse à tout jamais d’être l’arrière-cour de l’empire nord-américain. Yankee Go Home ! Cette terre est la nôtre. C’est notre Amérique » [4].

Rien n’était plus trompeur et d’ailleurs, l’administration de George W. Bush affirma aussitôt sa disposition à travailler avec Ortega. Une position qu’elle confirma par la suite, en considérant selon toute évidence que l’adhésion rapide (dès février 2017) du Nicaragua à l’ALBA (Alliance bolivarienne des Amériques), fondée en avril 2005 par Cuba et le Venezuela, ne représentait nulle contradiction insurmontable.

Au plan économique, le gouvernement Ortega-Murillo a mené une politique « pragmatique », entretenant de bons rapports avec le FMI et les Etats-Unis tout en tirant d’importants bénéfices de son alliance « bolivarienne » avec le Venezuela. Aux premiers, il promit de ne pas toucher aux règles néolibérales et aux intérêts impérialistes ; ce dont ils prirent acte, en reconnaissant qu’un effort en faveur des plus pauvres était nécessaire et compatible avec leurs objectifs. Le FMI et les Etats-Unis, ainsi que d’autres gouvernements impérialistes, apportèrent des centaines de millions de dollars en aides directes, et plus d’un milliard en termes d’abandon de dette. Quant au régime vénézuélien, qui croulait à l’époque sous les dollars des revenus du pétrole, durant les cinq années du premier mandat d’Ortega il consacra 2,2 milliards de dollars – soit davantage que le budget annuel du Nicaragua – à des aides directes et des investissements.

Le Venezuela a ainsi financé un plan « Faim Zéro » ainsi qu’un programme de microcrédit appelé « Usure Zéro », qui ont bénéficié à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Il a surtout constitué une société, Albanisa, qui est intervenue dans de nombreux secteurs de l’économie nicaraguayenne. Les aides envoyées via Albanisa « n’ont pas alimenté la trésorerie du gouvernement nicaraguayen, mais directement des comptes contrôlés personnellement par Daniel Ortega. Sans aucun contrôle du FSLN ou de l’Etat, il gérait une caisse noire de 200 millions de dollars annuels, qu’il pouvait utiliser pour résoudre des questions sociales, économiques ou des problèmes politiques. Il pouvait corrompre ou acheter des dirigeants de parti ou des députés (beaucoup étaient à vendre), faire des donations afin d’influencer des ONG ou des responsables religieux, suborner quiconque était demandeur d’argent en échange d’une loyauté politique. L’exemple le plus notable des largesses ortéguistes a été le bonus ‘‘chrétien, socialiste et solidaire’’ de 30 dollars, versé chaque mois à plusieurs dizaines de milliers de salariés du secteur public, un ‘‘cadeau en signe de reconnaissance du commandant Ortega’’. » [5]

Les pétrodollars vénézuéliens ont aussi servi à reconstituer « l’organisation de masse sandiniste » qui s’était étiolée puis avait disparu après 1990. Reprenant le modèle des CDS (Comités de défense sandiniste) et s’inspirant également de l’exemple chaviste, le pouvoir a mis en place, en s’appuyant sur la structure disciplinée des cadres du FSLN, un réseau de Conseils de pouvoir citoyen (CPC) couvrant tous les quartiers et localités, et ayant des fonctions à la fois politiques et « sociales ». Les CPC, formés d’unités de base de 100 personnes, réunies ensuite au niveau local et national dans une structure pyramidale, recevaient des fonds pour l’amélioration ou la rénovation urbaine, ou encore les services sociaux, ses membres bénéficiant à titre individuel de cadeaux en nature ou en espèces et de différents types d’aides (matériaux de construction pour leur logement, accès gratuit à l’hôpital pour des opérations ou des traitements, etc.).

Dans la foulée, le gouvernement a invité les travailleurs du secteur public, les membres des CPC et ceux des syndicats à devenir des « membres volontaires » du FSLN (il y en aurait eu 1,1 million). Une telle démarche, fortement recommandée, était pratiquement obligatoire si l’on voulait obtenir par exemple une embauche ou une promotion dans le secteur public, ou bien une autorisation d’extension d’un commerce. Ce système explique pourquoi, aujourd’hui encore, après la révolte d’avril 2018 et sa répression sanglante, près d’un tiers de la population maintient une certaine loyauté envers le régime.

Lorsque la carotte ne suffisait pas, le régime Ortega-Murillo utilisa le bâton. Les manifestations d’opposants ont ainsi été systématiquement attaquées par des nervis à la solde du gouvernement. Les élus eux-mêmes n’étaient pas à l’abri. Avant les élections générales de 2011, quand une majorité des membres de l’Assemblée nationale semblaient vouloir s’opposer au projet de réforme constitutionnelle autorisant Ortega à briguer un nouveau mandat, le siège du parlement fut encerclé par ses troupes de choc et bombardé de pierres et de bombes agricoles, plusieurs députés se retrouvant séquestrés et molestés, tout cela sous les yeux des forces de police qui assistaient sans réaction à ces événements.

S’y est ajouté le développement d’un véritable culte de la personnalité (les affiches géantes d’Ortega recouvrant Managua et les autres villes du pays), doublé d’une politique de contrôle des médias, par la répression ou le rachat, toujours à l’aide des fonds « bolivariens ». « Entre son élection en 2006 et sa campagne de 2011, le président, sa famille, son parti et Albanisa ont racheté la plupart des chaînes de télévision. En 2005, Ortega et le FSLN ne contrôlaient que le canal 4, mais en juin 2011 ils contrôlaient six des huit chaînes du pays. » [6] C’est à ce moment que le régime a acquis, grâce à dix millions de dollars de fonds vénézuéliens, le canal 8 qui était dirigé par le journaliste indépendant Carlos Fernando Chamorro, ancien directeur du quotidien sandiniste Barricada [7].

En faisant jouer l’ensemble de ces moyens, Ortega-Murillo et leur clique se sont assurés le contrôle des quatre piliers du pouvoir d’Etat : non seulement la présidence mais aussi l’Assemblée nationale, le Conseil supérieur électoral et la Cour suprême. Ils ont remporté les élections de 2011 (en alliance avec deux formations d’origine somoziste, le Parti de la résistance nicaraguayenne et le Parti libéral national) puis celles de 2016. Pour la présidence, Ortega y a été crédité, respectivement, de 62,5 et 72,5 % des voix. L’opposition a contesté la sincérité de ces décomptes – alors que le pouvoir avait interdit, pour la première fois depuis 1990, la présence d’observateurs internationaux.

La révolte d’avril 2018 et la situation actuelle

Etouffée par le clientélisme et la répression, la société nicaraguayenne était aussi gagnée par l’apathie, voire le cynisme. Appuyé sur les trahisons et désillusions ayant émaillé depuis quarante ans l’histoire du pays, le sentiment prédominait qu’il n’y avait rien à faire si ce n’est tenter de s’en sortir individuellement, que la politique est synonyme de corruption et que tous les partis – tous pourris – se valent. Malgré l’irruption d’un fort mouvement social, le sentiment « antipolitique » prédomine encore aujourd’hui, notamment parmi les jeunes qui, il y a un an, sont descendus massivement dans la rue.

La révolte qui a débuté le 18 avril 2018 a eu pour cause immédiate une réforme gouvernementale du régime des retraites, demandée par le FMI et qui conduisait à une augmentation des cotisations ainsi qu’à une baisse de 5 % du montant des pensions. Les retraités, premiers à se mobiliser, ont été vite rejoints par une jeunesse universitaire qui aspire à la liberté, hors du carcan étouffant de ce régime, et à un avenir meilleur – puis par d’autres secteurs de la population.

Deux autres questions avaient, dans la période précédente, attisé le mécontentement. D’une part, le projet pharaonique – et largement illusoire – de construction au Nicaragua d’un nouveau canal transocéanique, doublant celui de Panama, dont le régime espérait tirer des bénéfices substantiels ; Ortega-Murillo en avaient confié la construction et la concession pour 50 ans à l’entreprise d’un milliardaire chinois qui a depuis fait faillite et été lâché par les autorités de Pékin (pour autant qu’elles l’aient auparavant vraiment soutenu) ; les travaux ont donc été interrompus sine die, mais non sans avoir conduit à l’expropriation et à la spoliation de leurs terres de milliers de paysans. D’autre part, la catastrophe écologique qu’a représentée l’incendie géant de la réserve naturelle Indio Maíz, face auquel le régime a fait preuve de la plus grande passivité.

Ces facteurs ont été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » et mis en mouvement la jeunesse, laquelle a entraîné à son tour d’autres secteurs. Cette mobilisation a terrifié le gouvernement, qui a répondu par une répression violente et indiscriminée, perpétrée par la police et l’armée ainsi que les bandes de nervis « sandinistes », au prix – selon les sources – de 150 à 325 morts, d’innombrables blessés et de nombreux emprisonnés, victimes de mauvais traitements et de tortures, sans compter les destructions dont la population a été la première victime. Face à ces manifestations et aux affrontements de rue qui se sont poursuivis jusqu’en juillet 2018, Ortega et Murillo ont dénoncé un complot impérialiste et la main de la CIA. Ils ont été d’autant plus paniqués qu’un mot d’ordre unificateur de la mobilisation était « Ortega y Somoza son la misma cosa » (« Ortega et Somoza sont la même chose »).

La violence de la répression a pour l’instant réussi à mettre fin à l’expression publique du mouvement. De nombreux Nicaraguayens, menacés par le régime, ont dû s’exiler – notamment au Costa-Rica et pour les plus fortunés aux Etats-Unis, parfois dans d’autres pays latino-américains ou en Europe. En octobre 2018, 43 organisations ont constitué un front uni de l’opposition dénommé UNAB, « Unidad national Azul y Blanco » (« Unité nationale Bleu et Blanc », des couleurs du drapeau national). L’UNAB est hégémonisée par son secteur le plus puissant, l’organisation patronale COSEP (Conseil supérieur de l’entreprise privée) et sa coalition l’Alliance civique, laquelle s’est vue confier la représentation officielle de l’UNAB dans les négociations avec le gouvernement. L’Articulation des mouvements sociaux (AMS), qui regroupe une série d’organisations sociales et d’anciens membres des dissidences sandinistes, y occupe une place de partenaire subordonné.

Les impérialismes US et européens, les institutions capitalistes internationales avaient jusque là entretenu de bons rapports avec le régime Ortega-Murillo, comme c’était aussi le cas, dans le pays, du COSEP. La révolte populaire et la déstabilisation du régime, aggravée par la fin des contributions financières du Venezuela – confronté à une situation économique pire encore que celle du Nicaragua –, ont créé une crise ouverte qui a conduit les impérialistes, ainsi qu’une large partie de la bourgeoisie nicaraguayenne, à changer leur fusil d’épaule. Ainsi, Trump et son administration ont récemment découvert l’existence d’un « axe du mal » composé de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua, dont le régime a fait l’objet de menaces spécifiques.

L’Alliance civique et l’UNAB privilégient une politique de négociations avec le régime Ortega-Murillo, en vue d’obtenir une « transition pacifique vers la démocratie ». Aucun des secteurs de l’opposition ne va au-delà de demandes adressées à l’ONU, à l’OEA (Organisation des Etats américains) et à l’Union européenne, de « sanctions » afin de faire plier le régime. Ortega-Murillo s’accrochent au pouvoir, tout en lâchant un peu de lest – ils ont ainsi libéré, en mai 2019, la plupart des prisonniers politiques.

Jusqu’à ce jour, les organisations du mouvement populaire et ce qui tient lieu de gauche dans le pays (dans la tradition social-démocrate des anciennes dissidences sandinistes) restent sous la coupe de la bourgeoisie. En même temps, elles cultivent une idéologie de « non-violence » dont la révolution sandiniste d’abord, l’échec du printemps 2018 ensuite, démontreraient a contrario la nécessité incontournable. En France et ailleurs, la pensée dominante dans les rangs du mouvement de solidarité doté d’une sensibilité de gauche est que « l’objectif est aujourd’hui la démocratie, et pour obtenir la démocratie il faut s’allier avec la droite ».

Voilà en tout cas qui en dit long sur le bilan du sandinisme, comme sur l’ampleur des tâches auxquelles les marxistes-révolutionnaires sont confrontés [8]. Tout ou presque est à reconstruire. L’élément optimiste est que l’on pourra compter, dans cette voie, sur la mobilisation populaire qui tôt ou tard resurgira.

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NOTES DE BAS DE PAGE

[1Voir la dernière partie de notre article précédent, « 1990-2006 – Restauration bourgeoise et intégration du FSLN ».

[2Sur France Culture Ortega avait également fait devant Obando y Bravo une « confession publique » pour les crimes commis par les sandinistes à l’époque de la révolution. Dans un sermon, le cardinal se référa ensuite à lui comme « le fils prodige ».

[3Communication reproduite dans la revue Envío, n° 326 de septembre 2008.

[4Cité par Le Monde, 08/11/2006

[5Dan LA BOTZ, What Went Wrong ? The Nicaraguan Revolution – A Marxist Analysis, Chicago, Haymarket, 2018, p. 321-322.

[6Ibid., p.342

[7Et par ailleurs le dernier fils de Pedro Joaquín (dirigeant de la droite anti-somoziste dans les années 1970, assassiné en 1978) et Violeta (membre du Gouvernement de reconstruction nationale en 1979-80, puis présidente du Nicaragua de 1990 au début 1996) Chamorro, l’une des familles les plus riches du pays. Un nombre non négligeable de dirigeants et cadres sandinistes provenait de ces « grandes familles » nicaraguayennes.

[8A notre connaissance, sur la base des publications et sites d’extrême gauche, deux courants trotskystes auraient aujourd’hui des groupes, ou des militants dans l’exil, nicaraguayens : la TMI (Tendance marxiste internationale) fondée par Ted Grant, ainsi que la LIS (Ligue internationale socialiste) créée récemment par le MST argentin et d’autres groupes.
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