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Jusqu'au retrait !

250 grévistes à l’AG interpro du Havre : « il faut des appels partout à la grève reconductible ! »

A l’occasion du lancement d’une grève reconductible dans de nombreux secteurs, une assemblée générale interpro était organisée après la manifestation du Havre. Une réunion qui a posé les bases d’une unité des grévistes à la base.

Arthur Nicola

8 mars 2023

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250 grévistes à l'AG interpro du Havre : « il faut des appels partout à la grève reconductible ! »

Crédits photo : Révolution Permanente

Depuis 2019, il n’y avait pas eu d’assemblée générale interprofessionnelle. Ces assemblées, qui avaient fait la force de la grève havraise lors de la grève contre la Loi Travail, s’étaient quelque peu éteintes. Les grévistes du Havre, alors surnommée « capitale de la grève », avait alors institué ces assemblées interprofessionnelles qui étaient au cœur de la lutte, et qui organisaient la grève sur toute la ville. Cette réunion avait donc une résonance toute particulière, alors que de nombreux secteurs commençaient hier une grève reconductible.

La réunion a permis de donner une vision quasi complète du mouvement sur la ville. Baptiste Bauza, de la CGT Cheminots, a pris la parole le premier :« on a reconduit à l’unanimité la grève jusqu’à demain, toutes les AG de Normandie ont reconduit : la grève est maintenue à la SNCF ». Puis, de nombreux grévistes ont expliqué les modalités de la reconductible dans leur entreprise. Chez Total, les grévistes ont décidé d’arrêter toutes les expéditions jusqu’à vendredi 5 heures. A la CIM, la gigantesque porte d’entrée normande des hydrocarbures, la grève est reconduite jusqu’au 9 mars 19 heures, et les grévistes feront 8 heures de grève sur chacun de leurs quarts de 12 heures.

Le port du Havre est bloqué pour mardi et mercredi, et aucun bateau ne sera traité, explique de son côté la CGT des portuaires. Anthony Tétard, de la CGT dockers, prévient l’assemblée : « On va bloquer la totalité du port pour 48 heures, puis la reconductible sera proposée ». Du côté de l’énergie, la centrale nucléaire de Paluel, à 80 km au Nord, est en grève reconductible jusqu’à vendredi, et des baisses de charges sont organisées : « ce sont 16.000 MW qui sont retirés du réseau national par les agents grévistes », soit près d’un trimestre de consommation électrique de la ville du Havre. Finalement, la CGT Énergie Le Havre a annoncé de nombreuses actions à suivre : « on va faire des coupures ciblées, sur des permanences politiques, sur des radars, sur des péages. Alors oui, contre la précarité on va rétablir le courant chez les plus démunis. Alors oui, on va débrancher les compteurs des boulangeries qui souffrent ces derniers mois  ».

Mais au-delà des comptes-rendus de secteur, l’AG interpro a aussi été l’occasion d’un débat sur les suites du mouvement. « Il faut ancrer la reconductible et la porter plus loin. On peut se borner à faire les journées sautes moutons que nous propose l’intersyndicale nationale, mais si on fait ça, il faut être conscients que c’est la stratégie de la défaite. On va faire des manifestations deux fois par semaine, par-ci par-là, et dans un mois on constatera qu’on l’aura eu dans l’os et que la réforme sera passée » a prévenu Alexis Antonioli, de la CGT Total. Un avis rejoint par Lilian Lemoine de la CGT CIM : « On pense depuis le début que manifester, on pourrait le faire pendant 5 ou 10 ans, cela sert à rien à part de tous s’affaiblir. Ce n’est pas parce qu’on fait pas partie des cinq fédérations qui appellent à la reconductible qu’on ne produit pas de richesses, et il n’y a que là-dessus qu’on a du pouvoir. Il faut reprendre ce qui nous appartient. Il faut que tout le monde arrête de produire des richesses ». Un avis largement partagé dans l’assemblée.

C’est aussi la nécessité d’élargir les revendications du mouvement qui a réuni les avis de nombreux intervenants. « Aujourd’hui, quand on entend des dirigeants confédéraux qui disent qu’il faut se borner à se battre contre la réforme des retraites, on pense que c’est une erreur monumentale, parce qu’aujourd’hui, s’il y a trois millions de personnes dans la rue, ce n’est pas que les retraites. C’est aussi l’inflation, c’est aussi les conditions de travail dégueulasses, et ces mots d’ordres-là doivent être repris et portés. On invite l’AG à élargir les mots d’ordre, parce que pour ceux qui arrivent déjà pas à penser à la fin du mois, si on leur demande de penser à la fin de leur carrière, on se tire une balle dans le pied » a insisté Alexis Antonioli.

Dans la manifestation, de nombreuses pancartes et slogans rappelaient la nécessité pour beaucoup de se battre pour des augmentations de salaires. Anthony Tétard, de la CGT dockers, rappelait de son côté que « c’est important tous ensemble de continuer et d’élever le niveau de la lutte. Et cette lutte, c’est la réforme des retraites, mais pas que. C’est aussi le pouvoir d’achat, l’inflation, la sécurité sociale, la santé. Le combat qu’on est train de mener aujourd’hui, il est pour l’avenir de nos enfants ! ». Même avis pour l’ancien co-secrétaire général de l’UL du Havre, Reynald Kubecki : « Y a des gars qui crèvent, des familles qui souffrent, et on ne peut plus ignorer les questions d’emploi et de pouvoir d’achat ».

En rassemblant un grand nombre de grévistes venus de plusieurs entreprises, cette AG interpro a permis de poser une nouvelle base pour une organisation des grévistes havrais, afin de rendre les grévistes maîtres de leur mouvement. Les aspirations générales à un mouvement plus radical, intégrant de plus en plus de secteurs en grève reconductible, ne pourront se concrétiser sans de telles assemblées, rassemblant largement les grévistes. Malheureusement, cette première réunion n’a cependant pas débouché sur des décisions concrètes, et les propositions évoquées, notamment la réactivation d’un bulletin de grève quotidien et un appel local à la grève reconductible n’ont pas pu être soumises au vote. Une prochaine réunion doit avoir lieu le 14 mars avec l’objectif que ces assemblées redeviennent, comme en 2016, le poumon de la lutte.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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