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Racisme d'Etat

3 morts, tentatives de suicide, détention d’enfants… : l’enfer des centres de rétention administrative

Cinq associations publient un rapport sur les centres et locaux de rétention administrative en 2021 en France métropolitaine et dans les colonies. L’année, marquée par la crise sanitaire et une aggravation des conditions de détention, aura connu la mort de trois détenus et de multiples tentatives de suicide révélant le traitement inhumain et raciste que l’État français réserve aux exilés.

Jade Marlene

26 septembre 2022

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Crédits photo : AFP

42 353 personnes auraient été détenues en France, en 2021 parce qu’elles étaient étrangères. C’est ce qu’indique le rapport de cinq associations (Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés, France Terre d’Asile, La Cimade, Solidarité Mayotte) sur les centres et locaux de rétention administrative (CRA et LRA), publié mi-septembre.

Ces lieux de détention sont réservés aux personnes étrangères symbolisent la politique répressive, raciste et xénophobe de l’État français envers les exilés. La plupart du temps en attente de leur éloignement du territoire, après avoir reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ces migrants sont emprisonnés pour le seul motif d’être de nationalité étrangère.

En métropole, la majorité des prisonniers sont albanaise (11,5 %). 28,3 % sont originaires de trois pays du Maghreb (dans l’ordre, Algérie, Tunisie et Maroc), mais aussi d’Afghanistan (6,8 %), des pays de l’Est de l’Europe (6,1 % de Roumains et 5 % de Georgiens) ou encore de Guinée ou Côte d’Ivoire. Autant de pays où la France exploite les populations et les ressources pour garantir ses intérêts impérialistes.

Les conditions de détention y sont particulièrement inhumaines : insalubrité et promiscuité, surpopulation, harcèlement policier… L’année 2021, marquée par la crise sanitaire, a connu le décès de trois prisonniers et de nombreuses tentatives de suicides.

Absence de distanciation, clusters et répression

Le rapport note « l’absence de perspective d’éloignement » entre les détenus, afin de contenir la propagation du virus, et « des conditions sanitaires souvent en porte-à-faux avec [les] mesures » prises à l’échelle nationale. Les associations dénombrent l’émergence de plusieurs clusters dans différentes localités au cours de l’année.

La pandémie a au contraire permis des mesures de répression supplémentaires à l’encontre des détenus qui, par exemple, refuseraient de se soumettre à un test PCR, acte sanitaire obligatoire pour le renvoi dans un pays tiers. Depuis août 2021, cet acte est considéré comme un délit de soustraction à l’éloignement. Une mesure qui a valu à certains prisonniers d’être déférées devant le juge et condamnées à plusieurs mois de prison, avant d’être à nouveau placées en CRA.

Alors que de nombreux pays avaient fermé leurs frontières en raison de la pandémie, la France a enfermé pendant plusieurs mois ces personnes immigrées, en leur refusant toute perspective de libération et de régularisation. Résultat, des migrants ont été enfermés parfois plusieurs mois dans des conditions insoutenables, et toujours avec l’épée de Damoclès d’une expulsion à la levée des restrictions.

Trois morts, de multiples tentatives de suicide

« Le contexte sanitaire dégradé et l’allongement de la durée de rétention ont aggravé les tensions déjà quotidiennes dans les centres de rétention. Ainsi, plusieurs tentatives de suicide et trois décès sont à déplorer en 2021 », notent les auteurs du rapport.

Parmi les morts, deux sont survenues au CRA de Bordeaux, pourtant « le plus petit de l’Hexagone » : « Le 25 mars 2021, un jeune homme marocain s’est donné la mort par surdose médicamenteuse (…) après 17 jours de rétention et 5 années passées en France », témoignent les associations.

Le second a fait les frais des mesures sanitaires répressives décrites plus haut : « Quelques mois plus tard, le 15 décembre 2021, c’est un monsieur kosovar, enfermé trois fois au CRA entre 2019 et 2020, alors en garde à vue pour avoir refusé de se soumettre à un test PCR dans le cadre de la procédure d’expulsion dont il faisait l’objet, qui s’est donné la mort par pendaison, dans les cellules du tribunal judiciaire. Il vivait en France depuis près de 13 ans ».

Lire aussi : Reportage. Ici, tu resteras enfermé toute ta vie » : à la rencontre de Nizar et Laid, enfermés au CRA de Bordeaux

De ce centre de rétention administrative, situé au sous-sol de l’hôtel de police, les associations racontent « l’absence de lumière naturelle, les néons qui restent allumés jours et nuits, l’aération dysfonctionnelle laissant passer les mauvaises odeurs (...) À Bordeaux comme ailleurs, ce sont des logiques de stigmatisation et de répression qui priment en matière de politique migratoire ».

A Mayotte, 3 000 enfants emprisonnés

Et parce que la cruauté impérialiste de l’État français n’épargne pas les enfants, 76 d’entre eux, âgés en moyenne de six ans, ont été enfermés dans ces prisons avec leurs parents, rien que pour la métropole. Car dans les dernières possessions coloniales de la France (les mal-nommés « Territoires d’Outre-Mer »), la réalité est encore plus violente : à Mayotte 3 135 enfants ont été placés en rétention (12 % de la population carcérale). Certains n’avaient pas deux ans. « L’enfermement des mineurs isolés étant illégal, l’administration rattache généralement ces enfants à des adultes qui ne sont pourtant pas de leur famille », souligne le rapport.

Des conditions de détention qui démontrent le caractère particulièrement raciste, sécuritaire, et le mépris impérialiste de l’État français envers les migrants. Malgré le discours de l’extrême-droite, pointant régulièrement « le laxisme » en termes d’immigration, la France détient à elle seule plus d’un quart de toutes les mesures d’éloignements en Union Européenne : plus de 100 000 OQTF par an. Le rapport note également l’augmentation de la construction de CRA et l’allongement de la durée légale d’enfermement au fil des décennies.

Face à ces mesures particulièrement inhumaines, et après une année catastrophique en raison de la crise sanitaire, il est plus que nécessaire de lutter pour la fermeture des CRA et pour la réquisition de tous les logements vides pour pouvoir loger dignement les exilés qui fuient la misère, la guerre et l’oppression politique. Personne ne doit être emprisonné au seul motif d’être étranger. Nous devons nous opposer aux ouvertures de nouveaux CRA prévues à Bordeaux (Gironde), Olivet près d’Orléans (Loiret), ou au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), et exiger la libération et la régularisation immédiate de tous les détenus dans les centres existants et de tous les sans-papiers.

La plupart de ces migrations sont directement le produit des guerres et de l’instabilité provoquées par l’impérialisme français en Afrique, au Moyen-Orient, ou plus récemment des guerres dans le Caucase. Il est nécessaire de lutter pour la liberté de circulation et d’installation, pour tous ceux fuyants la misère et les conflits.


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