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Ignoble décision de justice

375 ouvriers condamnés à payer un total de 11 000 euros pour avoir été exposés à l’amiante

Un procès contre l’amiante qui se retourne contre les salariés qui ont osé espérer quelques miettes en guise de dédommagement . La plupart malades suite au contact du minerai, ils étaient 375 à attaquer en justice leur ancien employeur pour le préjudice d'anxiété ; résultat ce sont eux, au bout du compte, qui sont condamnés à payer 30 euros chacun à l’entreprise qui les a tués à petit feu au fil des ans. Cette condamnation montre toute la cruauté d'une justice de classe pour laquelle on peut être victime et coupable, pour laquelle les seuls intérêts qui vaillent sont ceux du patronat La dangerosité de l'amiante pour la santé est connue depuis un siècle. Ses effets sont inscrits au tableau des maladies professionnelles depuis 1945. Le préjudice d'anxiété ne vise pas seulement les salariés atteints d'une maladie professionnelle mais tous ceux qui, sachant qu'ils ont été exposés aux risques, vivent dans la peur d'être malades eux aussi. Sadek Basnacki

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Un minerai extrêmement dangereux dont on connaît les dangers depuis longtemps


La dangerosité de l’amiante pour la santé est connue depuis un siècle. Ses effets sont inscrits au tableau des maladies professionnelles depuis 1945. Le préjudice d’anxiété ne vise pas seulement les salariés atteints d’une maladie professionnelle mais tous ceux qui, sachant qu’ils ont été exposés aux risques, vivent dans la peur d’être malades eux aussi. En France, les pouvoirs publics, ont mis du temps à s’attaquer au problème de l’amiante bien qu’il ait été prouvé que c’était extrêmement dangereux pour la santé. Et son utilisation est devenu un scandale public. La fac de Jussieu et la mobilisation du personnel en est le symbole. Cependant, on constate que, souvent, quelques ouvriers décident de relever la tête et d’attaquer en justice leurs anciens employeurs qui ont mis en danger la vie de leurs salariés en toute connaissance de cause.

Ici, ce sont 375 salariés licenciés de l’usine Chaffoteaux à Saint-Brieuc en Bretagne, qui dans un premier temps avaient voulu poursuivre l’entreprise, qui fait aujourd’hui partie de la multinationale italienne Ariston Thermo Group (ATG), un des leaders mondiaux des systèmes de chauffage. Finalement, ils ont renoncé de continuer aux Prud’hommes suite à des décisions de justice en cassation n’allant pas dans leur sens et surtout parce que le délai de prescription a été réduit récemment. La procédure n’avait donc aucune chance d’aboutir.

Une politique sournoise d’actionnaires qui cherchent à gagner toujours plus sur la santé des travailleurs


Mais l’histoire ne s’arrête pas là puisque l’usine refuse d’abandonner l’affaire. Chaffoteaux demande même lors d’une audience début octobre à ce que les salariés remboursent chacun 800 € pour les frais de justice. Finalement le rendu de justice du mardi 13 décembre 2016 baissera le remboursement à environ 30 euros par salarié soit environ 11 000 euros au total. La première chose qui vient en tête des salariés condamnés, c’est que c’est une vengeance. En effet, Chaffoteaux avait été condamné à verser en 2013 et en 2014, 8 000 € à des centaines de salariés qui avaient été exposés pendant des années à l’amiante. Loin d’avoir des remords, l’entreprise assassine essaye de se rembourser sur ses propres victimes. « Ils veulent récupérer de l’argent sur notre dos. Je veux bien croire que les avocats sont bien payés mais pas à ce point-là... », remarque Michel Gloaguen, ancien responsable du personnel de l’usine. Les salariés, dont certains sont aujourd’hui gravement malades, sont « écœurés » surtout que l’usine Chaffoteaux a fermé définitivement ses portes en 2014. « Chaffoteaux a spolié les travailleurs, les a licenciés et continue de faire des bénéfices en vendant les bâtiments. Quelque part, c’est choquant », continue Michel Gloaguen.

En effet, après plusieurs mois de négociation, l’homme d’affaires Alain Nicol vient de signer une promesse de vente avec les Italiens d’ATG, pour acquérir le site de 67 ?000 m² de surfaces industrielles, implantés sur 20 ha de surfaces foncières. Le montant de la transaction, qui sera effective en mars 2017, tournerait autour de 6 millions d’euros. L’entreprise italienne qui a racheté une société canadienne s’implante sur tous les continents. Le groupe a fait 1,43 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2015 et ils sont prêt à soutirer 11 000 euros à des ouvriers dont ils ont détruit la vie. L’amiante c’est au minimum 35 000 morts entre 1965 et 1995 et quelques dizaines de milliers de décès sont prévus entre 2005 et 2030.

Des précédentes condamnations oubliées par le tribunal, et la nécessité de continuer la lutte


En décembre 2009, le tribunal de Turin a ouvert un procès contre les anciens propriétaires des usines Eternit d’Italie qui ont été mises en faillite en 1986, avec plus de 6 000 parties civiles. En février 2012, le tribunal a finalement jugé les responsables des usines Eternit italiennes, Stephan Ernest Schmidheiny (actionnaire d’Eternit-Italie de 1976 à 1986) et Louis Cartier de Marchienne (actionnaire minoritaire et administrateur d’Eternit-Italie au début des années 1970), ont été reconnus coupables des délits qui leurs sont reprochés, « catastrophe sanitaire et environnementale permanente » à la suite d’une infraction à la sécurité au travail ayant conduit à la mort d’environ 3000 ouvriers ou habitants proches des usines. Le tribunal a retenu une peine de 16ans de prison, c’est la première fois que les dirigeants d’une multinationale écopent d’une peine de prison ferme à la suite de la mort de salariés et de riverains du fait de l’activité industrielle. Le verdict a été considéré par la presse internationale et de très nombreuses organisations de victimes comme un événement historique ouvrant la voie à une éventuelle transposition dans d’autres contextes. On voit bien avec cet exemple que le résultat d’un procès entre des ouvriers et leurs patrons correspond bien au rapport de force.

L’amiante a détruit et continuera de détruire des vies, des familles. Le coût de désamiantage coûterai beaucoup au contribuable, selon les politiques de droite comme de gauche. Loin d’être responsables de leurs maladies, les travailleurs n’ont jamais voulu être exposés à l’amiante, mais y ont bien été obligés, par un patronat pour lequel les profits valent plus que nos vies. Maintenant qu’ils ont détruit celles-ci c’est à nous de leur faire payer. Ensemble, nous pouvons faire entendre notre voix. Pour les 375 ouvriers licenciés de l’usine Chaffoteaux à Saint-Brieuc, ce n’est pas fini, ils sont invités à se réunir le 10 janvier pour, notamment, décider s’ils feront appel. On ne peut que partager leur souffrance et leur apporter notre soutien devant cette ignoble décision de justice.


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