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Edito

6 juin. Tirer les bilans pour préparer la suite : il nous faut un plan de bataille pour vaincre Macron !

Alors que le gouvernement reste bloqué dans une situation de crise politique, la mobilisation du 6 juin doit être l’occasion de tirer les bilans et de préparer la suite. Une logique à rebours de l’intersyndicale qui tente d’organiser un progressif retour à la normale.

Rafael Cherfy

4 juin 2023

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6 juin. Tirer les bilans pour préparer la suite : il nous faut un plan de bataille pour vaincre Macron !

Crédit photo : Révolution Permanente

La macronie toujours en crise dans un contexte de troisième vague de grèves pour les salaires

Alors que l’intersyndicale n’a pas organisé de journée de mobilisation depuis plus d’un mois, la colère profonde qui s’est exprimée contre la réforme des retraites n’a pas disparue ces dernières semaines. En effet, en plus d’une perturbation systématique des déplacements de ministres par des rassemblements, une troisième vague de grèves pour les salaires a émergé dans un contexte d’inflation et de colère sociale. Des mobilisations emblématiques comme celle de Vertbaudet ou des salariés des transports toulousains de Tisséo montrent que le combat contre la réforme des retraites a « dopé » les luttes locales pour les salaires.

De son côté, l’exécutif cherche à se recomposer à travers des offensives réactionnaires contre les plus précaires en parallèle d’une surenchère xénophobe, sans pour autant parvenir à reprendre la main. La crise politique ouverte par le mouvement historique contre la réforme des retraites est donc loin d’être refermée avec un gouvernement isolé qui n’arrive toujours pas à tourner la page. Une fragilité qui s’est encore démontrée face à la perspective de la proposition de loi du groupe LIOT visant à abroger le recul de l’âge légal de départ à la retraite, où la macronie a encore dû avoir recours à des outils anti-démocratiques pour éviter un camouflet.

Un nouveau coup anti-démocratique qui démontre les limites de la stratégie institutionnelle de l’intersyndicale, qui justifiait la date tardive du 6 juin au nom de la volonté de faire pression sur les députés avant le 8 juin. Une stratégie qui a à nouveau montré ses limites face à un régime qui ne comprend que le rapport de forces. Dans ce cadre, s’il faudra être massivement mobilisés le 6 juin, c’est au contraire pour tirer les bilans de la première phase du mouvement et poser la nécessité d’une stratégie alternative.

Pas de baroud d’honneur : tirer les bilans de l’échec des journées isolées pour préparer la suite

La crise politique est loin d’être refermée et il est possible de vaincre Macron. Mais en refusant de tirer les bilans de sa stratégie des cinq derniers mois, tout en expliquant, comme Laurent Berger, que de nouvelles journées isolées ne suffiront pas à faire plier Macron, l’intersyndicale nous mène dans l’impasse. Certains dirigeants assument d’ailleurs que le 6 juin sera un baroud d’honneur, à l’image de François Hommeril de la CFE-CGC, qui affirme déjà que « le 8 juin, c’est le dernier combat ». De son côté, Sophie Binet affirmait ce dimanche sur BFM, comme Marylise Léon avant elle, que « les suites dépendront du niveau de la mobilisation mardi et du vote le 8 juin ». Une façon de reporter la responsabilité de la suite du mouvement sur la base, après un mois sans mobiliser.

A l’opposé de cette logique, l’heure devrait être à regarder en face les derniers mois de mobilisation. Malgré la profondeur de la colère, l’étendue des secteurs mobilisés, et l’inflexibilité du gouvernement, l’intersyndicale a refusé jusqu’au bout de construire la généralisation de la grève reconductible, pariant sur une stratégie de pression sur les institutions par des journées massives mais isolées. Début février, 60 % de la population se disait favorable au « blocage du pays », exprimant la volonté de durcir le mouvement. Mais tout en appelant à « mettre la France à l’arrêt » le 7 mars, l’intersyndicale n’a rien changé à sa politique de journées isolées de 24h, refusant de travailler activement à la généralisation de la grève par l’élargissement des revendications, l’organisation de grèves marchantes et un appel clair à un blocage illimité de l’économie.

Au moment le plus aigu après le 49.3 et la journée du 23 mars qui montrait la volonté des travailleurs d’aller plus loin qu’un calendrier de dates isolées, l’intersyndicale a pris une direction inverse, choisissant l’apaisement. Celui-ci a été consacré par le retour au dialogue social de ces dernières semaines, l’intersyndicale acceptant unanimement de rencontrer Borne les 16 et 17 mai, permettant ainsi à Macron de revendiquer un « retour à la normale ». Dans son dernier, l’intersyndicale poursuit dans cette voie en appelant le gouvernement à donner plus de moyens financiers aux syndicats pour permettre « une négociation collective de qualité ».

Dans le même temps, les directions syndicales rencontreront ce lundi le patronat pour fixer les lignes de leur dialogue des prochains mois. Un signal clair à la veille de la journée de mobilisation. Or, face à un gouvernement comme Macron, ou des patrons comme ceux de Vertbaudet, qui peut penser que le dialogue social permettra de gagner des avancées sociales ? Les six derniers mois nous le montrent : ce n’est que par la construction d’un rapport de forces par la grève, autour d’un programme offensif et d’un plan bataille pour l’arracher, qu’il sera possible de gagner face à Macron.

Construire un cahier revendicatif offensif pour affronter Macron

Dans une telle perspective, l’élargissement des revendications à la question des salaires et le fait d’utiliser comme des points d’appui les grèves en cours, marquées par des tendances à la reconductible, sera décisif. Or, si le dernier communiqué de l’intersyndicale à propos du 6 juin aborde pour la première fois cette question depuis le début de la mobilisation - affirmant que « l’augmentation des salaires, des retraites et pensions, des minimas sociaux et des bourses d’études est une priorité » - elle le fait en déconnexion totale de la construction d’un plan de bataille pour nationaliser ce combat.

Interrogée sur cette question sur Mediapart, Sophie Binet expliquait récemment : « les retraites et les salaires, ça ne fonctionne pas du tout pareil : les salaires, le premier interlocuteur, c’est le patron, donc il y a des mobilisations dans les entreprises sur les lieux de travail directement en lien avec les négociations salariales. Mais un mouvement national interprofessionnel sur les salaires, c’est beaucoup plus rare et quasiment jamais vu ». Une façon de botter en touche, et d’affirmer qu’il serait impossible de coordonner et d’étendre nationalement la nouvelle vague de grèves pour les salaires.

A l’inverse, il serait essentiel de tenter de construire un plan de bataille national autour d’un cahier revendicatif qui permette de poursuivre le combat des retraites, en revendiquant la retraite à 60 ans (55 pour les métiers pénibles), mais aussi de lutter pour les salaires de l’ensemble des travailleurs, en exigeant une augmentation générale immédiate de 400 euros de tous les salaires et leur indexation sur l’inflation. Alors que le gouvernement est à l’offensive contre les plus précaires, notamment les allocataires du RSA, il faut lutter pour la répartition du temps de travail entre toutes et tous afin d’en finir avec le chômage de masse.

Un tel programme devrait se coupler avec la nécessité de répondre à l’offensive réactionnaire et autoritaire du gouvernement. Cela implique de s’opposer à la loi immigration, mais aussi à la répression qui se poursuit contre les personnes mobilisées. Ces dernières semaines, de nombreux jeunes et militants du mouvement ouvrier font face à la répression policière à l’image des cinq travailleurs de la CGT Énergie 33 placés en garde-à-vue, de notre camarade Mathieu, cheminot syndicaliste Sud Rail à Mulhouse, convoqué au commissariat pour « organisation de manifestation non déclarée » et « entrave à la circulation » ou des AED de Victor Hugo à Marseille. Dans ce contexte, le silence de l’intersyndicale sur ces questions est inacceptable. Le mouvement ouvrier doit réclamer l’amnistie pour toutes les condamnations politiques de ces derniers mois, la libération de tous les incarcérés du mouvement social et l’annulation des amendes et condamnations déjà prononcées.

Un plan de bataille à la hauteur de la situation

Défendre une telle politique est indissociable de l’élaboration d’un plan de bataille qui dépasse les journées de mobilisation isolées de 24 heures et cherche à construire la perspective d’une grève reconductible généralisée. Ce n’est que le blocage de l’économie qui peut permettre un rapport de forces à même de faire plier Macron.

Un tel objectif doit s’appuyer sur l’organisation des grévistes à la base en assemblée générale, qui a notamment été une des faiblesses du mouvement. Pour que « la grève appartienne aux grévistes » et que les syndiqués comme les non-syndiqués s’investissent dans la construction de la grève, l’organisation en assemblée générale dans les entreprises, permettant de résoudre les obstacles à la mobilisation, est fondamentale. Elle doit être couplée à des cadres de coordination ayant pour objectif d’étendre la grève, à l’image des comités d’action du Réseau pour la grève générale construits ces derniers mois.

Ce dernier cherche depuis janvier à coordonner les différents secteurs mobilisés, à étendre les revendications du mouvement, mais aussi à exiger un plan de bataille de l’intersyndicale. Aujourd’hui, les leçons de cette expérience doivent être tirées pour construire une stratégie alternative à celle que continue d’imposer l’intersyndicale. Ces discussions doivent être au cœur du 6 juin pour préparer les affrontements à venir.


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