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Journée d’action peu convaincante. La faute à qui ?

8 octobre. Il en faudra plus pour faire reculer le gouvernement et le patronat

On connaît les différences entre les chiffres communiqués par les syndicats et ceux de la police, mais de là à évoquer, comme le fait Philippe Martinez, de 100.000 manifestants qui auraient participé aux 160 rassemblements organisés dans toute la France à l’appel de la CGT, de la FSU et de Solidaires... Non, la journée du 8 n’a pas mobilisé, et il ne s’agit pas que d’une question de chiffre, mais également de stratégie. Car de son côté, le gouvernement et le patronat continuent à avancer leurs billes (et les mauvais coups qui vont avec).

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Jean-Patrick Clech

Rien à voir, donc, avec les 100.000 manifestants qui sont descendus dans les rues de Bruxelles hier pour manifester contre l’austérité. La différence serait-elle à chercher du côté du fait que c’est la droite qui est au gouvernement en Belgique et pas la gauche, qui a toujours cette « vertu » lénitive de la contestation sociale ? En partie, mais ça n’explique pas tout. Serait-ce parce que les directions des syndicats belges, pourtant liées aux socialistes et aux démocrates-chrétiens, seraient beaucoup plus combatives que les nôtres ? Ou que la situation sociale serait plus explosive de l’autre côté de l’Escaut ?

Ce n’est pas la colère qui manque

Côté radicalité, il est indéniable que la combinaison entre le poids de la crise, du chômage, la violence des attaques lancées par le patronat et la « gauche » de gouvernement et l’absence de victoires claires dans tel ou tel secteur de notre classe favorisent le scepticisme et la perte de repère. L’heure, néanmoins, est loin d’être partout à l’attentisme et à la résignation. En témoigne la réaction des salariés de Smart, qui refusent, au niveau du collège ouvrier, de travailler plus pour gagner moins ainsi que le chantage à l’emploi ; les travailleurs d’Air France (certains de leurs dirigeants en savent quelque chose), les éboueurs de la Mairie de Paris, en grève depuis le 5 octobre, ou encore les hospitaliers de l’AP-HP. Le problème, c’est qu’il n’existe aucune perspective claire ni plan de bataille pour se mettre en mouvement, avec la perspective d’un « tous ensemble », un « tous ensemble » toujours tenu à distance par les directions syndicales mais qui a constitué, tout de même, l’horizon de nos luttes, de 1995 à 2010.

Confusion syndicale

Côté syndicats, l’incohérence des lignes n’invite pas à clarifier la situation et à mobiliser. En Belgique, au moins, sans être plus à gauche et sans qu’il y ait à avoir d’illusions quant à leur véritable nature, les directions syndicales ne cultivent pas la politique schizophrène du « dialogue social » pour appeler, dans un second temps, à dénoncer le gouvernement dans la rue. En France oui. Et on en paie les conséquences.

Ainsi la FSU a signé l’accord sur le PPCR (grâce au vote favorable d’une partie de l’Ecole Emancipé, soit dit au passage) mais et invite dans la foulée à manifester pour protester contre le gel du point d’indice… alors que le PPCR lui-même sanctuarise son plafonnement jusqu’en 2017. La direction de la CGT, qui a attendu jusqu’au dernier moment pour rejeter le PPCR, ne se prive pas pour autant de garder tous les canaux ouverts avec le gouvernement, tout en appelant à manifester. Côté FO, fidèle à son habitude, la direction de la centrale a légitimement dit non au PPCR, mais refuse tout cadre un tant soit peu unitaire de mobilisation, ce que certaines UD ont par ailleurs dénoncé, en se joignant aux cortèges du 8 contre l’avis de Jean-Claude Mailly.

A quand une véritable rentrée sociale contre ce gouvernement et le Médef ?

Ce qui manque, c’est une perspective qui soit au moins aussi radicale que les projets que le gouvernement garde sous le coude en termes de casse du Code du travail et autres « rapport Combrexelles », aussi résolue que le patronat quand il veut faire reculer nos acquis, aussi internationaliste que ne l’exige la situation de lepénisation qui touche non seulement la droite et ses obsessions pour la « race blanche » (qui ne sont pas que l’apanage de Nadine Morano), mais également « la gauche », qui défend la logique de la distinction entre les bons et les mauvais migrants, des réfugiés économiques et des réfugiés politiques, mais surtout celle des « hot spots » de l’autre côté des frontières de l’UE et de la répression des migrants lorsqu’ils s’organisent.

Et pourtant, dans la manifestation parisienne, les plus suivis étaient les salariés d’Air France, chaudement applaudis par les autres cortèges. Là où l’Institut Montaigne-Les Echos veulent nous faire croire que « les Français jugent sévèrement les syndicats » de la compagnie aérienne, les travailleurs (mais aussi les jeunes et les étudiants qui constituaient certains des cortèges les plus dynamiques) ont largement rendu hommage, dans leurs slogans, à la combativité des travailleurs d’Air France et aux chemises des DRH.

Raison de plus pour dire qu’une véritable « rentrée sociale » devrait être engagée. Mais il faut préparer le terrain pour qu’elle soit suffisamment convaincante : d’abord pour donner des perspectives à ceux qui sont déjà mobilisés et les faire gagner, parce que c’est essentiel, qu’il s’agisse d’Air France, des éboueurs parisiens, de l’APHP ou des enseignants en colère contre la « réforme » du collège, mais également pour entraîner ceux chez qui le scepticisme et la résignation l’emportent sur le sentiment de ras-le-bol, pourtant bien présent. Dans le cas contraire, le mois de décembre pourrait réserver de bien mauvaises surprises, avec une poussée de l’extrême droite combinée à une intensification des attaques du gouvernement, le pire des scénarios.


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