L’Histoire ne donnera décidément pas raison à Macron. En effet, qui pourrait encore croire que « la vie d’un entrepreneur est parfois plus dure que celle d’un salarié » ? À moins que le cas de cet ouvrier de 59ans de l’usine SKF de Rouvignies dans le Nord ne soit que l’une des nombreuses exceptions qui confirment la règle. Rien de moins sûr…
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Camilla Ernst
Après 21ans de bons et loyaux services dans l’usine SKF de Rouvignies, à fabriquer des roulements à billes pour l’aéronautique, huit mois à peine avant son départ à la retraite, un ouvrier a été licencié le 11janvier dernier « pour cause réelle et sérieuse ». Le motif invoqué résonne a contrario comme une vaste blague quand on lit qu’il aurait « soustrait du matériel appartenant à la société », comprendre deux chiffons usagés et un tapis en toile.
Les faits se sont déroulés le 29décembre. Son arrivée, comme d’habitude très en avance, est repérée par la société de gardiennage comme un « comportement suspect », de même que ses allers-retours entre son véhicule et l’usine, soi-disant pour des sorties de bonbonnes d’eau et de bouteilles. Il sera alors contrôlé à sa sortie de l’usine, en présence de la direction, et la fouille de sa voiture ne rapportera que « deux chiffons usagés », « un vulgaire tapis en toile » et des « bouteilles consignées que le comité d’entreprise remplit pour les salariés », explique Eric Glavier, délégué CGT qui a organisé un grand mouvement de soutien à cet ouvrier. Une version aussitôt contestée par la direction, qui parle de « matériel technique neuf » et qui rappelle que « peu importe le matériel volé, tous les vols seront sanctionnés ».
Le ton est donné, en la personne de Gilles Ofcard, directeur du site de Rouvignies, patron voyou intraitable parmi tant d’autres. Rigueur et fermeté. Une direction jeune de trois ans et déjà très dénoncée par la CGT locale pour ses attaques contre les salariés, au sein d’une entreprise qui avait annoncé 1500 suppressions d’emplois en 2015 au niveau mondial. À l’échelle locale, les salariés ont dû se battre pour le maintien de leur prime d’intéressement au mois de juin, enchaînant plusieurs jours de grève à l’appel de la CGT, et ils craignent la suppression d’une centaine d’emplois sur les 540que compte l’usine à travers un plan de mutualisation avec ses proches voisins européens.
Aujourd’hui, c’est une répression individuelle qui s’abat sur cet ouvrier. Et les méthodes de flicage scandaleuses utilisées à son encontre n’ont rien à envier à celles utilisées par La Poste, pour licencier deux salariées pour avoir publié une vidéo sur Facebook. La solidarité au sein de son usine s’est manifestée à grande échelle, quand 250salariés, soit près de la moitié des effectifs, ont fait grève à l’appel de la CGT jeudi dernier. Mais ce cas de licenciement pour trois fois rien est loin d’être isolé. Àla SNCF on vire une salariée pour avoir traversé les voies de chemin de fer, à PSA pour avoir volé un joint, à Lomme pour avoir demandé un CDI après 20ans de CDD. La dictature patronale s’abat partout. La riposte est partiellement contenue par le climat politique répressif instauré par l’état d’urgence depuis novembre. Mais pas la colère des salariés qui subissent une dégradation sans cesse plus importante de leurs droits et de leurs conditions de travail. Dans ce contexte de mécontentement social, l’État voudrait criminaliser toute action du mouvement ouvrier, à l’image de la condamnation des Goodyear, ou des salariés d’Air-France, pour le simple fait d’avoir voulu sauver leur travail et leurs peaux. Face à cela, seule la convergence des luttes et les démonstrations concrètes de solidarité peuvent changer la donne. À commencer par être, le 4 février prochain, le plus nombreux possible au rassemblement de soutient pour la relaxe des salariés de Goodyear.
