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Coup de gueule

A l’Université Savoie Mont Blanc, la situation des étudiants doit peser dans la balance

Crise sanitaire et confinement ont causé chez les étudiantes et étudiants un bouleversement sans précédent. Pour une université, envisager la fin du semestre impliquerait de connaître a minima la situation de celles et ceux qui la font vivre. Pourtant, entre ignorance et indifférence, la présidence de l’Université Savoie Mont Blanc persiste dans sa doxa administrative. Au mépris de ceux et celles qui subissent le plus durement la situation, mais aussi des propositions alternatives qui ont été formulées.

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Je m’appelle Hugo Michel et je suis étudiant à l’Université Savoie Mont Blanc. Craignant des sanctions disciplinaires, j’ai souhaité publier ce « coup de gueule » de façon anonymisée. Cela ne signifie pas que les propos développés ne sont pas assumés. Beaucoup d’étudiants ou étudiantes ont lu cet article et m’ont fait un retour positif : comme moi, ils partagent cette colère et cette analyse.

Comme beaucoup d’étudiants et d’étudiantes, je subis le confinement. Avouons-le, j’ai, comparé à d’autres camarades et concitoyens, peu de raison de me plaindre : je vis seul dans un appartement de 34 m², relativement ensoleillé avec un balcon, je suis proche des commerces, j’ai beaucoup de livres (et j’aime lire), l’équipe pédagogique responsable de ma licence est à notre écoute, mes amis et ma famille prennent régulièrement de mes nouvelles. Je suis seul, mais je ne me sens pas seul. Mais, comme beaucoup, je vis mal ce confinement : ce qui nuit fortement au bon suivi des contenus pédagogiques.

Depuis quelques jours, les différents membres de la présidence de notre université nous informent de leurs projets concernant les modalités d’organisation des examens pour ce semestre. Le 24 mars, notre Président, puis le 1er avril, notre Vice-Président Formation et Vie Universitaire, ainsi que, le 4 avril, le Vice-Président en charge de la vie étudiante, étudiant lui-même, dont l’absence d’avis avait causé chez nous un vide monumental (humour, personne ne le connaît). Ce dernier a partagé son opinion cet après-midi, brillant par son décalage total face à la réalité. La grande question reste : à quelle sauce allons-nous être mangés ?

Loin du grand vacarme et des cafouillages de la rue Marcoz, une poignée d’étudiants et professeurs tentent de proposer des alternatives justes et cohérentes par rapport à la situation. Dans l’indifférence totale de la présidence, en particulier du VP « représentant » des étudiants.

Quelle irresponsabilité !

Être étudiant ou membre du personnel à l’USMB, c’est avant tout prendre des risques. A la rentrée des vacances de février, après avoir fait passer la consigne que les étudiants et membres du personnel revenant de zones à risques devaient respecter un confinement de 14 jours, l’USMB a fait volte-face, donnant l’ordre à tout le monde de revenir. Pourtant, l’USMB ayant de nombreux échanges avec les universités du nord de l’Italie, le risque d’importation du virus sur le campus était élevé.

Puis, jeudi 12 mars en fin d’après-midi, l’université nous a informés du premier cas de coronavirus confirmé parmi les étudiants. L’étudiante contaminée suivait ses cours sur le campus de Jacob-Bellecombette. Quelques heures plus tard, Emmanuel Macron annonçait la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires dans l’hexagone à partir du lundi. Pourtant, excepté la vie associative de l’université, aucune mesure sérieuse ne fut mise en place pour la fin de la semaine. Ainsi, vendredi matin, nous avons eu la joie de nous entasser en cours - mais à un mètre de distance, bien entendu - et de pouvoir tousser sur les pâtés en croûte dans la file d’attente du restaurant universitaire. Cette gestion, surréaliste quand on sait la situation de proximité de la ville avec l’Italie et les nombreux échanges de l’université, devrait inquiéter les uns et interroger les autres.

Combien d’étudiants et d’étudiantes sont rentrés chez eux pour le confinement, mettant ainsi en danger des membres de leur entourage en vulnérabilité ? Côté présidence : silence radio. Aucune excuse n’a été présentée. Prendre ses responsabilités, c’est déjà les reconnaître.

Quel aveuglement !

Inquiète concernant l’équipement informatique des étudiants pour « profiter » de la continuité pédagogique, notre UFR a proposé, au bout d’une semaine, un « questionnaire ». Il comptait deux questions avec quelques modalités, essentiellement centrées sur la situation numérique des étudiants. Par sa simplicité, cette démarche est indigne d’un établissement d’enseignement supérieur. En réponse à ce que j’appellerai une mauvaise volonté institutionnelle, trois étudiantes ont proposé un questionnaire bien plus complet, interrogeant les étudiants et étudiantes sur divers domaines : les conséquences du confinement, l’état émotionnel, l’organisation personnelle dans la continuité pédagogique, les difficultés à suivre les cours à distance aussi bien au niveau des problèmes de matériel et de connexion qu’au niveau de la mise en place d’un environnement approprié pour étudier.

Ce questionnaire a rassemblé plus de 800 réponses en seulement quelques jours, et continue à en recueillir. Il a permis de mettre en lumière un taux d’inquiétude, de stress et d’angoisse globalement élevé chez les étudiants et étudiantes interrogés : 75 % se considéraient comme angoissés, stressés et inquiets. Ce niveau d’angoisse est explicable par la crise sanitaire que nous vivons, et beaucoup l’ont abordé : la peur de tomber malade ou bien qu’un proche le soit. Ensuite, la source de cette inquiétude se trouve également à travers les études, comme la validation de l’année (63%). Cette angoisse vis-à-vis des examens s’accroît d’autant plus avec les conditions de travail à la maison, qui ne garantissent pas l’égalité des chances : certains doivent assurer la continuité pédagogique de leurs frères et sœurs, en plus de la concentration demandée pour leurs propres études. De même, les conditions de travail sont radicalement changées, et ce malgré la bonne volonté des équipes pédagogiques : débit internet insuffisant, partage d’ordinateur avec les autres membres de la famille notamment pour le télétravail, impossibilité d’avoir un endroit au calme et de pouvoir travailler sans être dérangé, activités professionnelles qui ont augmenté dans la grande distribution, etc. Travailler chez soi est difficile pour beaucoup, impossible pour d’autres. Seul 21,8% se déclarent dans la possibilité de suivre correctement leurs cours. C’est peu et insuffisant pour permettre la tenue d’examens dans de bonnes conditions. Les étudiants et étudiantes sont également anxieux et anxieuses face au report des examens ; l’université n’est pas sans savoir que beaucoup sont obligés de travailler dès les mois de mai ou juin pour assurer une stabilité financière qui leur permettra d’avoir des conditions de vie décentes : 70,2% déclarent qu’un report des examens aura des conséquences financières. Un report des examens en présentiel ne ferait donc que renforcer le statut déjà précaire des étudiants et étudiantes. Les inquiétudes sont aussi tournées vers les conséquences de cette situation sur les sélections en master, la mobilité étudiante ou encore les stages et concours reportés. Plus généralement, au-delà de la question des examens, la crise sanitaire actuelle, ainsi que la crise économique qui va la suivre, viennent ajouter aux incertitudes généralisées d’une génération dont l’avenir est loin d’être rose.


Combien d’étudiants et d’étudiantes sont chez eux, incapables de suivre les cours ? Combien seront dans l’incapacité de passer des partiels en mai ? Côté présidence : silence radio. Face à ces données empiriques, aucune proposition correcte n’a été présentée, excepté des clappements de mains (bravo les jeunes, ça s’engage !). Présider une université, c’est déjà sortir de l’aveuglement.

Quel mépris !

J’ai honte d’être étudiant à l’Université Savoie Mont Blanc. Pas pour les enseignements, que je trouve riches et de qualité. Pas pour mes camarades étudiants, en qui je place une confiance totale pour répondre aux différentes crises que notre génération aura à subir. Pas pour le personnel, de la bibliothèque aux différents secrétariats, en passant par les services de restauration, qui assurent le bon fonctionnement de l’université comme service public.

J’ai honte pour le mépris que la présidence développe vis-à-vis de tous ceux qui, étudiants et professeurs, font de cette institution un espace de bienveillance et de démocratie. Plusieurs lettres ont été envoyées, des interventions ont été faites durant des réunions en ligne, des messages ont été laissés sur les répondeurs. Quel retour de la présidence ? Silence radio, silence radio, silence radio. Le cap des partiels en mai est gardé, et il est même envisagé de les décaler à la fin du mois de mai, dans le mépris le plus total de l’avis des nombreux étudiants qui se sont exprimés.

Monsieur le Vice-Président en charge de la vie étudiante n’a rien fait pour les étudiants durant ce début de confinement. À quoi sa fonction sert-elle ? Représente-t-il les étudiants ? Il n’a daigné sortir de son silence qu’au bout de trois semaines, piqué au vif par les initiatives postées sur la page Mobilisation étudiante Chambéry. Son intervention manque de la rigueur qu’impose sa fonction. De plus, son intervention par mail a été vécue comme une grande violence : d’une part par les étudiants et étudiantes qui sont dans les conditions précaires que nous avons mentionnées plus haut ; d’autre part par celles et ceux qui se sont mobilisés durant ces deux premières semaines pour faire vivre la solidarité.

Le Vice-Président étudiant nous a également informés samedi dans l’après-midi qu’une réunion organisée par la présidence « spécifiquement consacrée aux questions concrètes que se posent les étudiants » se tenait lundi. Participant à cette réunion lundi matin, soit moins de deux jours après son courriel, il s’est engagé à transmettre les questions de l’ensemble des étudiants. Réveil tardif. Est-ce le spectre des élections imminentes qui le pousse à prendre les choses en main, ou simplement une déconnexion totale avec la réalité ? Au vu des éléments présentés, une chose est sûre : il a perdu toute crédibilité pour pouvoir prétendre représenter les étudiants et étudiantes.

Par ailleurs, au vu de l’investissement dont les militantes de Solidaires Étudiant-e-s Savoie ont fait preuve, il est inacceptable que la présidence n’ait pas sollicité ces étudiantes mobilisées pour participer à la tenue de cette réunion.

Pour rappel, représenter les étudiants ne se résume pas à manger des petits fours et à psalmodier des conseils condescendants reprenant tout bonnement le discours de l’équipe présidentielle (je cite le mail : « permettez-moi de vous dire de continuer à travailler à distance »). Allez donc discuter avec les étudiants et étudiantes. Représenter les étudiants, c’est déjà sortir de son sociocentrisme.

Quelle démagogie !

Mais en plus d’être inactif et méprisant, le Vice-Président en charge de la vie étudiante prétend que la validation automatique du semestre implique « une baisse de compétence ». Le « représentant » considère même que cette solution se résume à « donner » le semestre. De quoi parle-t-il ? Nous ne demandons pas l’arrêt du suivi pédagogique, mais la suspension de la notation. Outre la dimension fortement démagogique de cet argument, utile pour diviser les étudiants et étudiants sur le sujet, on retrouve un éloignement total de la réalité. Comme une étudiante le soulignait si bien : « je souhaiterais également connaître la proportion des étudiants qui seraient pénalisés par le maintien du système d’évaluation qui est envisagé aujourd’hui, en tenant compte bien sûr : des contraintes interpersonnelles comme les conditions dans lesquelles ils sont obligés de passer leur confinement (famille nombreuse, situation familiale compliquée, studio de 9m2, proche étant malade, hospitalisé ou ayant des emplois à risque, etc.) ; des contraintes financières qui, si votre stratégie était maintenue, pourraient aboutir à un arrêt pur et simple du cursus universitaire pour ceux qui compte sur ces mois de "vacances" pour travailler afin de se payer leurs études ».

Savez-vous qu’être élu au nom des étudiants ne vous donne en aucun cas le privilège de penser notre avenir commun sans aucune concertation ? Comment pouvez-vous vous permettre, alors même que vous brillez par votre absence depuis le début de ce confinement, de communiquer un point de vue et de le masquer sous couvert de « bon sens » ? Comment pouvez-vous vous permettre de donner des consignes de travail à des étudiants qui sont dans des situations dramatiques ?

Quelles revendications, quelles actions ?

Les étudiants et étudiantes mobilisées, ainsi que les professeurs qui ont souhaité se joindre au débat, demandent des décisions à la hauteur de la situation actuelle, égalitaires et équitables pour toutes et tous, dans une période où la question des examens devrait paraître futile au vu des enjeux sanitaires et économiques à venir. Les revendications suivantes n’impliquent que celles et ceux qui s’y retrouvent :

La validation automatique du deuxième semestre. Ce qui implique, de facto :

  • La suppression des évaluations en contrôle continu durant la période de confinement et de fermeture de l’Université. L’alternative numérique est un danger. Nous implorons donc à chacun et chacune ne pas céder à quelque essentialisme que ce soit : non, les « jeunes » ne préfèrent pas, par nature, l’usage du numérique. Si elle peut apparaître comme une solution par défaut, nous y voyons au contraire un outil excluant bon nombre d’entre nous.
  • Une annulation des examens prévus en mai ou plus tard.
  • Un suivi pédagogique de qualité, comme le font une grande majorité des enseignants.
  • Pour les étudiants et étudiantes qui sont en rattrapages, une solution devra être proposée, en considération des contraintes de ce second semestre.
  • Une autre alternative serait d’attribuer une note plancher de 12/20. Cette note devrait ensuite alignée sur la moyenne du premier semestre pour les étudiants qui ont eu une moyenne supérieure (ex : 14/20 au premier semestre = 14/20 au second semestre).

Précisons que ces solutions ne sont pas issues de trois cerveaux illuminés. Elles sont inspirées de mesures déjà prises ailleurs, dans d’autres universités. Ce n’est pas de l’utopie. Ce n’est pas un caprice.

Pour le bien de toutes et tous,

Étudiants et étudiantes de l’USMB, faisons entendre nos voix !


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