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« Bruxelles, c’est nous »

A la Sorbonne, Macron se rêve en « petit père » de l’Europe

Ce mardi, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, et entouré d’une ribambelle d’étudiants Erasmus, Emmanuel Macron s’est fendu d’un long discours sur la construction européenne aux tonalités toutes jupitériennes qu’on lui connait. Invoquant les figures de Schumann et Monnet, Macron s’est rêvé en nouveau leader de l’Union Européenne, place qu’il souhaiterait ravir à Angela Merkel.

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Après le discours européen d’Athènes, début septembre, Emmanuel Macron remet le couvert pour parler, cette fois-ci, depuis le grand amphithéâtre de la Sorbonne, une présence qui n’a pas échappé aux 400 étudiants remontés contre la Loi travailet venus l’accueillir sur place. Un discours a destination des homologues européens de Macron : puisqu’il se tient au lendemain d’élections allemandes contrastées ayant porté la réélection d’Angela Merkel à la tête de l’Etat, mais aussi l’entrée du parti d’extrême-droite, l’AFD, sur les sièges du Bundestag ; puisque le dossier de fusion du constructeur français Alstom avec le groupe allemand Siemens est sur la table, tout comme celui plus épineux pour le gouvernement français, du rachat des chantiers STX de St-Nazaire par Fincantieri. Mais ce discours était très certainement, aussi, à visée nationale, dans une logique de contrefeux médiatiques vis-à-vis de la contestation sociale à La loi travail qui reste lancinante, et dans une perspective de « pédagogie » à l’égard de l’opinion publique.

L’Europe « écho de la liberté » et de la « civilisation »

Et c’est en reprenant des accents très IVème République, que Macron s’est posé en « héritier » de la « pensée européenne,[qui] à travers toutes les péripéties de l’histoire qui ont frappé l’Europe » a montré que la « civilisation » avait triomphé, « là où le chaos aurait pu l’emporter ». Une Europe qu’il conçoit « comme un écho de la liberté ». Rien que ça.

Derrière le lyrisme enchanteur, il y a la Realpolitik qui se décline, pour les intérêts du capital français et allemand surtout, nécessairement au niveau de l’Union Européenne. Et ces intérêts se voient actuellement menacés, et par la montée des courant réactionnaires et anti-européens, en Pologne, en Hongrie, en France et désormais en Allemagne. Mais aussi par les manques de coordination des bourgeoisies européennes, de plus en plus soumises à des rivalités externes –montée de la puissance chinoise, déclin de l’hégémonie américaine, crise des débouchés -, mais aussi internes.

« Bruxelles, c’est nous »

Macron s’en est donc pris aux courants – de gauche comme de droite - qui prônent les replis nationaux. « Ils mentent aux peuples » a –t-il déclaré. Mais face à la montée des « passions tristes de l’Europe », Macron reconnaît la part de responsabilité des dirigeants qui ont « expliqué, partout en Europe, que quand la contrainte était là, elle était européenne ».

A tous ceux qui préfèrent pointer du doigt l’Union européenne et les « oligarques » plutôt que la bourgeoisie bien de chez eux, Macron aura le mérite d’avoir apporté une réponse claire : « Bruxelles, c’est nous ».

« L’Europe doit être un bouclier »

Et la « première clef » du projet européen de Macron, « c’est la sécurité » : entendre la guerre à l’extérieur. « En matière de défense, notre objectif doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN ». Et pour fournir à l’Europe « une culture stratégique commune », Macron propose d’ouvrir « une académie européenne de renseignement » et de constituer une « force européenne » d’intervention pour permettre à l’Europe d’avoir une capacité d’intervention propre dans un contexte de divergence diplomatique potentielle avec les Etats-Unis.

Pour Macron, « l’Europe doit être un bouclier » également au niveau des frontières extérieures. Le deuxième grand chantier de Macron pour l’Europe, c’est de renforcer son caractère de forteresse, de « protéger les frontières, accueillir dignement ceux qui sont éligibles à l’asile et renvoyer ceux qui ne le sont pas ». Une politique d’expulsion des réfugiés, mais de manière coordonnée, toute en « sophistication culturelle ». Le sort des migrants venus de Libye, objet de rivalités entre la France et l’Italie, est là pour nous le rappeler.

L’Afrique, « un élément de la refonte du projet européen »

Le projet d’approfondissement de l’intégration européenne, avec la création d’une politique de défense commune, de stabilisation économique et d’une politique industrielle européenne, que Macron appelle de ses vœux, ne peut se comprendre que si l’on prend en compte le contexte de saturation des marchés mondiaux, d’accroissement des rivalités commerciales internationales, d’une baisse tendancielle du taux de profit du capital. Il s’agit de « faire de cette zone euro, une puissance économique concurrente de la Chine et des Etats-Unis ».

Et dans ce cadre, la conquête des marchés et des matières premières en Afrique, objet de toutes les convoitises, doit être au centre des attentions européennes. « Notre politique européenne ne doit pas voir l’Afrique comme un voisin menaçant mais comme un partenaire stratégique […] un partenariat qui soit un élément de la refonte du projet européen ». Pour cela, Macron propose la mise en place au niveau européen, d’un fonds commun d’aide publique au développement. Le genre de fonds qui aide surtout à l’implantation des entreprises et des multinationales plus qu’il ne profite réellement au développement économique local.

Supprimer le « dumping social » au sein de l’Europe par la convergence fiscale et sociale

En référence à la question des travailleurs détachés que Macron a porté jusqu’en Pologne, il a recommandé la mise en place d’une convergence fiscale et sociale pour faire face aux pratiques de « dumping » qui ont lieu en Europe. Convergence vers le bas, entendons-nous. Convergence sociale et fiscale à la baisse qu’il est en passe d’instaurer en France au travers d’un abaissement de la fiscalité sur le capital (suppression de l’ISF et instauration d’une flat tax) et d’une destruction du code du travail.

La parole… et les actes

En une heure trente, Macron a évoqué les principaux chantiers qui devraient être portés sur dix ans (une façon pour dire qu’il se verrait bien rempiler pour un autre quinquennat) : refonte de la politique agricole commune, renforcement de la sécurité, instauration d’une politique industrielle de l’innovation (financé sur fonds publics), convergence sociale et fiscale, politique de transition énergétique. Se refusant à l’entretien journalistique, dans une contention de la parole présidentielle, les différents projets de la « pensée complexe » n’ont pas pu être davantage explicités, ni confrontés à des contradicteurs.

Reste la loi travail et la suppression de l’ISF pour juger de la direction de ses projets de convergence économiques ; l’adoption du CETA pour évaluer le degré de « protection des aléas du marché » et de la sécurité alimentaire qu’il promet aux européens ; du traitement inhumain des réfugiés pour concevoir son projet d’office européen du droit d’asile ; ou encore de ses réticences dans le rachat des Chantiers STX par une entreprise italienne pour voir comment il mène la « bataille de l’unité » au niveau européen.

[Crédit photo : Michel Euler / AFP]


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