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Le Poing Levé

A la Sorbonne, la direction de l’université veut pouvoir suspendre plus facilement les organisations étudiantes

Après la répression des mobilisations qui ont eu lieu en Sorbonne pendant l’entre-deux tours, la Présidence de Paris 1 continue son offensive anti-démocratique et propose l’adoption d’un amendement à la charte de la vie associative étudiante qui lui permettrait de suspendre des organisations étudiantes pour non-respect des « valeurs républicaines ».

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La Présidence de l’Université Paris 1 a décidé de revoir la charte de la vie associative étudiante qui définit les règles de « participation à la vie étudiante et à l’animation du campus ». Sous prétexte d’« améliorer l’accompagnement et le soutien de l’université aux associations » la direction mène une véritable cabale contre les libertés associatives et politiques au sein de l’université. Si cette charte n’est qu’une proposition émise par le comité permanent de la CFVU, conseil de direction de la vie universitaire, son objectif est d’élargir les possibilités de la Présidence pour suspendre des organisations étudiantes. En dernière instance, elle permettrait à la direction d’empêcher toute activité militante pour ces associations : une forme de dissolution qui ne dit pas son nom.

La Présidence de Paris 1 prête à tout pour empêcher l’organisation politique des étudiants

En effet, ce projet de révision de la Charte de la vie associative étudiante de la fac attaque directement les associations engagées. Comme l’ancienne charte en vigueur, elle permet à la direction de suspendre purement et simplement « à tout moment » une association lorsqu’elle juge que les « activités de l’association ou de ses membres ont pour effet de porter atteinte à l’ordre public, à la moralité ou à la sécurité des personnes et des biens, ou à ses règles de fonctionnement ». Derrière ces termes flous, c’est la possibilité pour les associations de participer à l’organisation de blocages, actions revendicatives et surtout à des occupations qui est visée. En clair, une association politique ou syndicale pourrait se voir condamnée à la dissolution pour s’être mobilisée selon les méthodes historiques du mouvement étudiants.

Cela permet de renforcer la criminalisation des luttes au sein des universités, à l’instar des tentatives du gouvernement avec la LPR. En effet, le Sénat avait proposé d’ajouter un « délit d’entrave » dans la loi pour réprimer : « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité […] ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ». Si cet amendement à la LPR n’est pas passé, les Présidences s’allient au gouvernement pour renforcer la pression contre le droit d’organisation politique dans les facs.

Mais la nouveauté est que la charte exige également aux associations de « respecter les valeurs républicaines et universitaires ». Avec ces mesures, la direction de Paris 1 suit les pas du gouvernement dont la loi de programmation de la recherche a permis l’introduction de la notion de respect des « valeurs de la république » comme préalable à la liberté académique. Mais aussi dans la droite lignée de la Loi Séparatisme qui a permis depuis son intronisation de multiplier les dissolutions d’organisation, comme par exemple le CCIF dissout arbitrairement par le gouvernement fin 2020. Ainsi la présidence de Paris 1 profite de la présentation de sa nouvelle charte de la vie associative étudiante pour s’inscrire dans le sillage du gouvernement pour museler toute critique de l’institution et faire des organisations étudiantes les agents des politiques néolibérales et de casse de l’enseignement supérieur et de la recherche. En clair, il faudra montrer patte blanche.

D’autant plus que l’article 1 de la charte permet également de restreindre les thématiques autorisées pour s’organiser à l’université. Comme définit dans le texte actuel : « les associations étudiantes peuvent ainsi notamment avoir pour objectif de développer des activités en lien avec la culture, le sport, la santé, la solidarité, la définition de la citoyenneté ou encore la lutte contre les discriminations ». En clair, éviter à tout prix de faire de la politique et de s’organiser contre des politiques gouvernementales par exemple.

Une attaque contre le droit de militer et les prochaines mobilisations de la jeunesse

Quelques mois après le refus exprimé par une partie de la jeunesse du second tour réactionnaire entre Macron et Le Pen, cette nouvelle charte est assurément une réaction à l’occupation de la Sorbonne. Alors que le prochain quinquennat s’annonce explosif sur le terrain social et notamment dans la jeunesse étudiante, la présidence de Paris 1 a décidé de mener une attaque frontale contre les organisations étudiantes et le droit de militer.

Ainsi, cette nouvelle charte permettrait à la direction d’ostraciser d’autant plus les associations qui font de la politique à l’Université et de restreindre la possibilité d’organisation collective des étudiants. D’autant plus que seules « les associations reconnues » pourront « obtenir une salle en vue d’y tenir une réunion, une conférence » ou avoir un local, « fixer leur siège à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur l’un des centres de l’Université ». Comme l’ancienne charte ce nouveau texte est utilisé pour justifier la répression de toute forme de mobilisations, car elle stipule également que « l’Université se réserve le droit de suspendre toute manifestation pour trouble à l’ordre public, menace à l’hygiène et à la sécurité, ou mise en danger de personnes ». Par ailleurs, le texte ajoute que si « La distribution de tracts est libre dans l’enceinte de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne », « en cas de gêne troublant le bon fonctionnement de l’établissement, le Président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne peut exiger qu’il soit mis fin à la diffusion ». La décision revient donc à la direction de savoir si telle ou telle diffusion de tracts est autorisée ou non et doit ou non être stoppée. La Présidence veut ainsi s’octroyer le droit de décider de qui a le droit de tracter ou non à l’intérieur de l’établissement et avec de quel contenu, car la charte interdit à toute « personne extérieure à la communauté universitaire » de « diffuser des documents dans les locaux de l’établissement Sorbonne », « sans une autorisation expresse du Président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ». Un pas de plus vers la fermeture de l’Université sur elle-même.

Il s’agit donc d’une attaque contre toutes les associations syndicales et militantes, qui défendent les droits des étudiants mais aussi plus largement contre celles qui se battent contre les oppressions sexistes, racistes ou en défense de la planète. En effet, dans la lignée des offensives de la Présidence ces dernières années, entre l’augmentation du nombre de vigiles, l’utilisation du Covid pour rendre plus difficile la réservation d’une salle ou de stands, ce texte pourrait entériner des pratiques liberticides contre le droit de militer à la fac.

Notre collectif, le Poing Levé, a été visé à de multiples reprises par ces mesures : refus de nous laisser tenir des stands, utilisation de vigiles pour nous intimider lors de réunions, passage de nos tracts en revue par la sécurité. Mais nous ne sommes pas les seuls attaqués, et c’est collectivement que nous devons nous battre contre l’adoption de ce texte, avec tous.tes es étudiants.es et associations qui souhaitent pouvoir s’organiser librement à dans leurs universités et n’acceptent pas les mesures liberticides.

En vérité, cette révision du règlement de la vie associative permet à la direction de Panthéon-Sorbonne de se préparer à un deuxième quinquennat Macron toujours plus agressif dans ses reformes contre la jeunesse et à la riposte étudiante qui naîtra de l’augmentation de la précarité et des attaques contre l’Université. Ces mesures préventives serviront à éteindre les mouvements naissants et faire taire la colère étudiante. Il n’y a qu’à voir comment les dernières Assemblées Générales appelées à Paris 1 ont été réprimées, pour comprendre de quel côté se situe la Présidence. Après cinq ans de lutte sociale intense et alors que la jeunesse est un des secteurs qui se radicalise, les présidences universitaires se préparent à être des relais de répression gouvernementale.


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