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Highway to hell

A69 Toulouse-Castres : la Macronie défend un désastre écologique au service du patronat

Les 22 et 23 avril aura lieu le week-end de mobilisation contre l’autoroute Toulouse-Castre (A69) dans le Tarn, à l’appel du collectif La Voie est Libre, d’Extinction Rebellion Toulouse, des Soulèvements de la Terre et de la Confédération Paysanne, ainsi que de nombreuses organisations écologistes et politiques. L’occasion de revenir sur ce grand projet inutile et polluant, ardemment défendu par la Macronie.

19 avril 2023

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L’A69, un projet poussiéreux ressorti des cartons par le gouvernement Macron

La construction d’une autoroute entre Castres et Toulouse est une idée qui date d’il y a plus d’un quart de siècle, à l’insistante demande du laboratoire pharmaceutique Pierre Fabre. Le groupe historiquement implanté à Castres est demandeur depuis des dizaines d’années d’une infrastructure facilitant les échanges routiers entre Castres et Toulouse : un article de la Dépêche du Midi rapporte en 2006 les propos de Pierre-Yves Revol (à l’époque directeur général délégué du groupe), confirmant « l’implication farouche de Pierre Fabre dans ce dossier ». La Dépêche poursuit : « Et c’est au cours d’un déjeuner fin juillet avec le ministre des Transports, Dominique Perben, et Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports, que Pierre Fabre a obtenu l’accord de l’État pour un recours à une concession afin d’aménager en 2X2 voies la liaison Verfeil-Castres »

Sans véritable réalité depuis toutes ces années, le projet obtient un regain d’intérêt soudain quand Élisabeth Borne rentre au gouvernement Macron. Après avoir entre autre occupé un poste de Directrice des concessions chez Eiffage, c’est lors de son passage au ministère des Transports en 2019 qu’elle fera de ce projet d’autoroute A69 une « priorité nationale », pour reprendre ses mots.

C’est suite à la « déclaration d’utilité publique », signée le 18 juillet 2018 de la main d’Edouard Philippe (Premier ministre), d’Elisabeth Borne (ministre des Transports) et de Nicolas Hulot (ministre de la Transition écologique et solidaire) que le projet prendra un réel tournant, et que sera donc signée en avril 2022 la convention de concession de 55 ans passée entre l’Etat et la société ATOSCA pour l’autoroute A69. La société ATOSCA (pour Autoroute Toulouse Castres) a donc été créée en octobre 2021 suite à la désignation (en septembre 2021) du vainqueur de l’appel d’offre : le groupement d’entreprises composé de NGE, ASCENDI, Quaero Capital et TIIC.

En plus du soutien de l’État, le projet reçoit celui de la classe politique locale. Ainsi, 23 millions d’euros sont apportés par les collectivités (Région Occitanie, départements de la Haute-Garonne et du Tarn, Communauté d’Agglomération de Castres-Mazamet et la Communauté de Communes Sor et Agout). Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie déclare en mai 2021 : « je suis une pragmatique et suis cohérente avec ma vision de l’aménagement du territoire : cette liaison est indispensable pour désenclaver le sud du Tarn et je rappelle que l’État a donné son feu vert après une large concertation en 2017 ». Une déclaration faite au Journal d’ici / Tarn et Lauraguais, journal dont la maison d’édition est détenue par ... Pierre Fabre Finances. De même, le préfet du Tarn a récemment déclaré à la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) : « maintenant qu’on va avoir une autoroute, il faut voir comment on peut aménager le territoire pour en profiter ». Des mots qui ont le mérite de la clarté : ce projet est non seulement réalisé pour les intérêts des concessionnaires autoroutiers et de la société Pierre Fabre, mais également en vue d’ouvrir la voie à de nombreux autres projets polluants dans la région.

Ce projet s’ancre de plus dans une politique de soutien sans faille au patronat, notamment du secteur des autoroutes, comme le montre la signature par Macron, alors ministre de l’Economie, en 2015 du « Protocole d’accord entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes ». Un protocole-cadeau qui a entre autres permis d’augmenter les tarifs des péages et de rendre l’exploitation des autoroutes encore plus avantageuse pour le patronat.

Un raccourci tout relatif payé à prix d’or par les utilisateurs

L’A69 sera construite en parallèle de la N126, axe déjà existant sur le même itinéraire. La N126 servira d’« itinéraire de substitution » à la nouvelle autoroute, tout en étant déclassée du réseau national. Son entretien et sa gestion incomberont donc aux départements et aux collectivités locales. A noter que 10 km sur les 53 de l’actuelle route seront accaparés et offerts à la concession privée, engendrant pour les usagers qui ne voudront ou ne pourront pas prendre la future autoroute un détour de 12 minutes (sans embouteillages, chiffre Atosca) par rapport à l’actuel trajet de la N126, ainsi que nombre de nuisances pour les communes traversées.

Si les entreprises bénéficiaires du projet évoquent « jusqu’à 35 minutes de gain de temps » grâce à l’A69, différents calculs invalident totalement ces résultats. Un mensonge que même la commission d’enquête publique a relevé. En réalité, les deux axes composant le projet permettront de réduire le temps de trajet d’environ une minute entre Verfeil et l’A68 (axe A680) et d’environ 15 minutes entre Castres et Verfeil (axe A69). Quelques minutes payées chèrement par les utilisateurs, au profit des concessionnaires : pour les non abonnés, le trajet coûtera 8,37€ (6,77 pour l’A69 et 1,6 pour la A680), soit 16,74€ l’aller-retour.

Sous le bitume, les terres agricoles

366 hectares. C’est la surface de terres agricoles à fort rendement sacrifiées pour l’autoroute, selon le rapport de la commission d’enquête de 2023. Et ces terres fertiles sont aujourd’hui cultivées par des agriculteurs qui se voient dépossédés de leur moyen de subsistance - et de celui de toute la population par la même occasion - les laissant avec une saignée bitumée de 80 ,m d’emprise sur leurs exploitations. Parfois, ils devront faire une dizaine de kilomètres pour franchir cet obstacle. « On nous prend pour des moins que rien », déclare un agriculteur dans une interview édifiante publiée dans Le Figaro

À ces 366 hectares s’ajoutent aussi 126 hectares « prisonniers » entre l’A69 et la N126, dont la culture va devenir en partie impossible, sinon très difficile pour le reste, ainsi que 87 hectares mobilisés provisoirement pour le chantier. Soit un total de 579 hectares impactés. Et le problème se pose aussi pour la faune, qui voit encore une fois son territoire se fragmenter et se grillager.

Mais il n’y a pas que les terres agricoles qui seront impactées. Les zones humides, indispensables à la biodiversité et à l’équilibre du biotope sont aussi menacées. Selon l’enquête de la DREAL, ce sont 14 zones humides présentant des enjeux jugés majeurs qui ont été recensées et 2 zones humides présentant des enjeux jugés assez forts. Malgré les tentatives de minimiser – sur le papier – ces impacts, par des « mesures d’évitement » et autres « promesses de compensation », ce sont environ 8 hectares de zones humides qui sont concernés par les emprises provisoires et définitives du tracé présenté dans le dossier, et 13 km d’abords de cours d’eau et plans d’eau.

Et les impacts environnementaux ne s’arrêtent pas là : le projet émettra 254 000 tonnes d’équivalent CO2 en phase travaux, auxquelles il faut ajouter 2200 tonnes par an pour l’exploitation et l’entretien du réseau et 18000 tonnes par an pour la circulation plus rapide des véhicules. Une circulation qui causera un accroissement de la pollution de l’air alentour, avec les risques pour la santé des riverains qui l’accompagne.

Un saccage environnemental sous protection policière

Depuis le mois de mars ont débuté les coupes de platanes centenaires le long du tracé de l’A69 (travaux sobrement appelés « dégagement des emprises » par Atosca). Les abattages et les travaux ont été entamés malgré plusieurs recours juridiques, peu importe les nidifications en cours dans les arbres et la très théorique protection européenne des ces alignements d’arbres. Les organisations locales de défense de l’environnement et les riverains ont pris les choses en main et se sont physiquement opposés à ces travaux, en s’harnachant notamment sur les arbres menacés et les machines menaçantes. Une opposition face à laquelle l’Etat a fait intervenir les forces de répression pour permettre aux machines d’abattre sereinement les alignements d’arbres le long de la N126.

Ce projet inutile et polluant vient, une fois de plus, illustrer que les destructions environnementales et les attaques contre les intérêts de la population ne sont que les deux faces d’une même politique au service des intérêts du grand patronat. Alors que Macron fait toujours face à la colère des travailleurs et de la jeunesse après le passage en force de sa réforme des retraites, mobilisons-nous nombreuses et nombreux les 22 et 23 avril pour affirmer qu’une gestion de la production et de l’aménagement du territoire en adéquation avec les écosystèmes ne pourra se faire que contre les intérêts de ce grand patronat et du gouvernement qui les défend.

Une occasion de rappeler à Macron, qui souhaiterait clore la séquence des retraites, que la colère est encore entière et qu’il ne s’en tirera pas à si bon compte. Alors que le rassemblement est dans le collimateur du préfet et de Darmanin, c’est également l’occasion de réaffirmer que face à la répression du mouvement écologiste, avec le déchaînement de violence policière à Sainte Soline et les menaces de dissolution à l’encontre des Soulèvements de la terre et des mobilisations contre la réforme des retraites, nous ferons toujours front.


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