×

Extrême-droite trumpiste

Adeptes de QAnon, suprémacistes blancs : qui sont les militants qui ont envahi le Capitole ?

Les images des partisans de Trump aux accoutrements parfois ridicules investissant le Capitole ont pu faire sourire. Mais en s’y intéressant de plus près, le profil des envahisseurs se dessine : la frange la plus radicale de l’extrême-droite pro-Trump.

Inès Rossi

7 janvier 2021

Facebook Twitter

Crédits photo : SAUL LOEB/AFP

Trois hommes debout dans un couloir du capitole, deux barbus en baskets flanquant un personnage torse nu, au visage peinturluré et coiffé d’un chapeau en peau de bison. L’image farfelue aurait pu faire sourire si ces hommes ne s’étaient pas introduit de force dans le Capitole à Washington, dans le but d’interrompre le processus de confirmation de Joe Biden par les membres du Congrès, au nom de leur champion, le président sortant Donald Trump. Et si les hommes sur la photo ne s’étaient pas avérés être des suprémacistes blancs, conspirationnistes et autres antisémites notoires.

La photographie prise par Saul Loeb pour l’AFP a fait le tour du monde

Les images des militants qui ont envahi le bâtiment, mercredi 6 janvier, resteront dans l’histoire. Elles nous renseignent aussi sur le profil de ces militants ; essentiellement des hommes blancs, mais pas que (la tentative d’intrusion a fait 4 morts en tout, dont une femme abattue à bout portant par un policier, dont la mort a été entièrement filmée). Et surtout, parmi les images les plus marquantes de l’événement, on retrouve des figures des milieux d’extrême-droite et conspirationnistes américains.

Des complotistes jusqu’au-boutistes

Sur l’image des trois hommes par exemple, on retrouve Jake Angeli, plus connu sous le nom de Q Shaman, adepte et figure du mouvement conspirationniste QAnon. La théorie de QAnon, née en 2017 aux États-Unis, se base sur des messages anonymes publié par un certain « Q » sur les réseaux sociaux, qui prétend que Trump est à la tête d’une guerre secrète contre « l’État profond », une entité secrète qui tire les ficelles de la démocratie américaine en coulisse, et contre les réseaux pédophiles dont les Démocrates feraient partie. On le voit d’ailleurs dénoncer ces fameux réseaux pédophiles dans un centre commercial en Arizona, en septembre 2020, avec sa pancarte « Q sent me », soit « Je suis un envoyé de Q ».

Par ailleurs, Jake Angeli a un tatouage de Valknut sur la poitrine, un symbole fréquemment repris par les suprémacistes blancs. On le retrouve également en photo lors des contre-manifestations de Black Lives Matter, avec la même pancarte, où il criait aux manifestants contre l’oppression raciste qu’ils étaient payés par George Soros, autre théorie du complot aux relents antisémites particulièrement prisée, entre autres, par les adeptes de QAnon.

Les adeptes de QAnon font partie de la base la plus radicale de Trump, intimement persuadés que l’élection de Biden est le résultat d’une fraude massive et que l’évincement du président sortant vise à protéger les réseaux pédophiles. La femme abattue par la police dans l’enceinte du Capitole était manifestement elle aussi une adepte de cette théorie. Ashli Babbit, 35 ans, vétérante de l’armée de l’air américaine, et morte quelques heures après s’être fait tirer dessus par un policier. Fervente militante pro-Trump, ses tweets révèlent de nombreuses références à QAnon.

Sur cette photo de Manuel Balce Ceneta pour AP, on peut voir un des militants ayant investi le Capitole vêtu d’un pull faisant référence à QAnon.

Trump n’a jamais publiquement désavoué la mouvance QAnon, expliquant au contraire lors d’une conférence de presse qu’ils étaient des « gens bien » et les remerciant pour leur soutien, consécration ultime pour ces militants virtuels de plus en plus actifs « sur le terrain ».

Des suprémacistes blancs galvanisés par Trump

Sur une image capturée par ITV News, on distingue un homme portant un pull « Camp Auschwitz », avec une Totenkopf et la traduction anglaise de l’inscription « Arbeit macht frei », inscrite à l’entrée du camp d’extermination.

L’homme portant le pull est à gauche sur l’image

Le streamer Baked Alaska, Anthime Gionet de son vrai nom, était également présent. Connu pour ses positions antisémites et suprémacistes blanches, il a un tatouage en l’honneur de Trump, et a participé à la manifestation d’extrême-droite à Charlottesville en 2017 aux cris de « Hitler n’a rien fait de mal ».

On a aussi pu voir des manifestants brandir le drapeau confédéré, symbole des États du sud des États-Unis qui ne voulaient pas abolir l’esclavage pendant la guerre de Sécession, et qui a depuis été repris par les réactionnaires, racistes et suprémacistes blancs de tout poils.

Ces militants d’extrême-droite sont parfois des individus isolés, mais on a pu voir au cours du mandat de Trump qu’ils s’organisaient de plus en plus, et que leur force de frappe était de plus en plus impressionante, en témoignent les images de mercredi. Nombreux étaient les manifestants organisés et suréquipés pour l’attaque. On a d’ailleurs retrouvé deux bombes artisanales au Capitole une fois l’évacuation terminée. Ici, un homme arborant des symboles d’extrême-droite sur son gilet pare-balles et transportant des menottes en plastique, projetant sans doute de faire des otages.

Des membres des Proud Boys, dont nous vous parlions déjà ici, étaient également présents. Milice fidèle à Trump, qui rechigne à les condamner, ils sont connus pour leurs actions violentes contre des manifestants de gauche, et pour leur racisme et leur antisémitisme, comme le montre cette photo prise à un rassemblement plus ancien. Sur le t-shirt de l’homme, on peut lire « Six millions, c’était pas assez », en référence au génocide des juifs.

Si l’envahissement du Capitole marque un cap dans la radicalité des pro-Trump, une telle action était à prévoir. Le président sortant a, durant son mandat et sa campagne, tout fait pour radicaliser sa base sociale et s’assurer de son soutien, relayant des théories du complot, refusant de condamner les milices et groupes d’extrême-droite qui revendiquaient sa politique, fustigeant la gauche radicale et les militants antiracistes, etc. Le matin même, il était présent à la manifestation qui a mené à l’envahissement, réitérant ses allégations de fraudes, galvanisant ses partisans.

Les images de mercredi soir sont symptomatiques de la polarisation politique croissante outre-Atlantique. Alors que Trump, lâché par l’establishment du parti républicain, se tourne vers sa base la plus radicale, la stratégie de Biden consiste à créer un nouveau centre politique, un nouveau consensus bourgeois qui permettra aux États-Unis de surmonter leur crise, comme il l’a montré lors de son allocution télévisée où il en appelait à respecter la loi et l’ordre.

Mais il semble très peu probable qu’il réussisse, compte tenu des conditions actuelles de crise économique, sociale et sanitaire, tant sur le plan national qu’international. La crise politique profonde qui frappe les États-Unis n’est pas près de s’arrêter. L’envahissement du Capitole est une preuve de plus que l’élection de Biden ne mettra pas un terme au trumpisme en tant que phénomène politique ayant irrémédiablement modifié la matrice du Parti républicain.

La menace, réelle, que font peser ces proto-fascistes violents sur les États-Unis pousse pour l’instant les deux grands partis à s’unir, au nom de la sauvegarde de la démocratie américaine. Cette pression va aussi peser sur les mouvements progressistes, qui seront poussés à soutenir Biden pour contrer la menace de l’extrême-droite. Mais la seule force progressive à même de combattre l’extrême-droite proto-fasciste est la classe ouvrière et les secteurs opprimés de la société, organisés indépendamment du parti démocrate. Et cette organisation est plus urgente que jamais.

Un partisan de Trump à la marche, affichant sa haine de l’extrême-gauche


Facebook Twitter
Frappes iraniennes : le soutien des pays arabes à Israël marque un nouveau rapprochement

Frappes iraniennes : le soutien des pays arabes à Israël marque un nouveau rapprochement

Génocide à Gaza : des armes, des affaires et des complices

Génocide à Gaza : des armes, des affaires et des complices

Attaque contre l'Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Attaque contre l’Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Etats-Unis. A l'université de Columbia, la répression du soutien à la Palestine s'intensifie

Etats-Unis. A l’université de Columbia, la répression du soutien à la Palestine s’intensifie

28 salariés de Google licenciés pour avoir dénoncé le génocide en Palestine

28 salariés de Google licenciés pour avoir dénoncé le génocide en Palestine

Veto à l'adhésion de la Palestine à l'ONU, ou l'hypocrisie des Etats-Unis sur les « deux États »

Veto à l’adhésion de la Palestine à l’ONU, ou l’hypocrisie des Etats-Unis sur les « deux États »

Argentine : Les sénateurs augmentent leurs salaires de 170% en pleine crise économique

Argentine : Les sénateurs augmentent leurs salaires de 170% en pleine crise économique

Invasion de Rafah : comment la bourgeoisie égyptienne tire profit des menaces d'Israël

Invasion de Rafah : comment la bourgeoisie égyptienne tire profit des menaces d’Israël