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Violences policières

Algérie : le régime arrête des dizaines de journalistes qui manifestaient contre la censure

Près d'un millier de journalistes s'étaient rassemblés aujourd'hui à Alger pour protester contre la censure qui leur est imposée par le régime de Bouteflika. Alors que le Premier Ministre Ouyahia annonçait après les premières manifestations du 22 février que l'Etat ne s'attaquerait pas au droit de manifester, des dizaines de journalistes qui manifestaient pacifiquement ont été arrêtés et embarqués dans des camions de police (libérés depuis), démontrant encore une fois que les promesses du régime ne sont que de la poudre aux yeux. Mais cela pose aussi la question du rôle joué par les médias dans la stabilité du régime, et de la crise que traverse ce dernier, vu le phénomène de contestation radicale qui s'exprime dans l’une des principales institutions de propagande du pouvoir.

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Crédits photos : AFP/RYAD KRAMDI

Vidéo des journalistes arrêtés, prise dans le fourgon de police :

AFP/RYAD KRAMDI

Le Premier Ministre algérien, Ahmed Ouyahia, affirmait lundi dernier après les manifestations massives du 22 février que « la constitution garantit le droit de manifester ». Il tentait ainsi de donner des gages de droits démocratiques, alors que la candidature de Bouteflika, pour un cinquième mandat de président après vingt ans d’exercice autoritaire du pouvoir, a joué le rôle d’une goutte d’eau qui fait déborder le vase, déclenchant un mouvement de contestation énorme contre le régime. Mais aujourd’hui, alors que quelques centaines de journalistes s’étaient rassemblés pacifiquement à Alger pour protester contre la censure, plusieurs dizaines d’entre eux ont été arrêtés par la police et embarqués dans des camions de police. Cela démontre encore une fois que les promesses du régime n’engagent que ceux qui y croient, et qu’il est incapable d’assurer le moindre droit démocratique, tout obligé qu’il est de gouverner par la matraque. La seule garantie pour les travailleurs, chômeurs, paysans, et précaires algériens, c’est leur propre organisation contre celle du pouvoir.

Il faut donc comprendre que le régime n’acceptera d’octroyer des droits démocratiques à la seule condition qu’elles ne le dérangent pas. Or la contestation des journalistes met profondément en crise le pouvoir. En effet, les médias, qu’ils appartiennent à l’Etat ou aux grands groupes privés, sont l’une des principales institutions de propagande des classes dominantes. C’est grâce à la censure et à la foule d’éditorialistes, reporters, et autres spécialistes des colonnes de journaux et plateaux télé, que les gouvernements peuvent faire passer leurs attaques contre les travailleurs et les couches populaires, répétant en boucle qu’il n’y aurait pas le choix que de faire des économies sur le dos des plus pauvres. On comprend donc aisément que le fait que des journalistes se retournent contre cette institution de reproduction idéologique des classes dominantes et se désolidarisent du pouvoir, convergeant avec la mobilisation des masses populaires.

Il y a désormais une crainte que ce mouvement de contestation des journalistes, qui se structure à travers des Assemblées Générales souveraines, disqualifiant ainsi les directions syndicales bureaucratiques aux ordres de l’Etat, se mette à contaminer les secteurs contrôlés par l’Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA). Tout cela alors que la direction de ce syndicat majoritaire dans la presse publique, qui a récemment renouvelé son soutien à Bouteflika, est de plus en plus contesté à la base. La volonté du gouvernement de mater brutalement la contestation en arrêtant les manifestants afin de dissuader d’autres secteurs de sortir dans la rue exprime ainsi la fébrilité d’un régime en crise, qui fait tout pour éviter l’inévitable.

Le mouvement des journalistes met en lumière un nouvel élément de crise pour le pouvoir. On se souviendra par exemple que l’annonce de la candidature de Bouteflika s’étalait sur 25 minutes lors du journal télévisé du 10 février. Cependant, il faut souligner que si la presse publique contrôlée par l’Etat se fait la voie officielle d’un gouvernement autoritaire, les médias appartenant à de grands groupes privés n’ont rien à leur envier.

Ainsi la chaîne privée « Dzair News » a elle aussi censuré les manifestations du 22 février, comme si rien ne se passait dans le pays. Appartenant à Ali Haddad, PDG d’une entreprise qui a acquis une position de quasi-monopole dans les travaux publics grâce à ses connexions avec l’administration de l’Etat — aussi président du Forum des Chefs d’Entreprises algériens (FCE), et accessoirement président du club de football USM Alger — cette chaîne relaie donc les informations qui arrangent son propriétaire et ses actionnaires, et qui voient dans la contestation actuelle un potentiel danger pour leurs affaires.

Mais même les « opposants » libéraux qui « fustigent » contre l’autoritarisme de Bouteflika, ont leurs propres journaux qui répondent à la satisfaction de leurs intérêts financiers. A l’image d’Issad Rabrab, PDG de Cevital à la tête du premier groupe privé algérien, qui possède le groupe de presse El Khebar. Celui-ci n’a pas hésité à licencier Oumar Bourbaba, journaliste pour Liberté Algérie, en jugeant son activité syndicale trop gênante. Les libertés syndicales sont pourtant étroitement liées avec les libertés de la presse, et contradictoires avec les intérêts de l’argent... Ainsi on n’entendra évidemment jamais parler du licenciement du journaliste syndicaliste dans les journaux du milliardaire, ni de la répression syndicale et du licenciement des 42 salariés de CEVITAL.

On comprend donc facilement que toutes les soi-disant attaques menées par les milieux d’affaires contre l’Etat au nom des droits démocratiques, et inversement, ne sont que des manœuvres pour se disputer le pouvoir sans que cela ne profite aux couches populaires algériennes. La mobilisation des journalistes est une expression de plus de la profondeur de la crise du régime algérien ainsi que de la nécessité que travailleurs, journalistes et étudiants à converger dans un « tous ensemble » pour défaire Bouteflika et en finir le régime actuel, afin de donner corps aux aspirations démocratiques et sociales des masses exploitées et opprimées.


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