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Covid19

Scandale à l’hôpital : personnels en sous-effectifs et manque de lits en réanimation

Dans une enquête, le Monde dépeint la terrible situation des hôpitaux neuf mois après le début de la pandémie. Derrière la communication gouvernementale sur les acquis du Ségur se cache le même hôpital en crise que durant la première phase, le manque de moyens est toujours édifiant, les personnel est toujours largement en sous-effectif, les lits de réanimation seront bientôt saturés. Alors que le pic de la seconde vague est loin d’être atteint l’inquiétude grandit pour de nombreux hospitaliers épuisés par la première phase, face à l’impréparation du gouvernement il faudra une nouvelle fois faire avec les moyens du bord, réduits à peau de chagrin par les politiques libérales des dernières décennies.

Nathan Deas

6 octobre 2020

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crédit photo : AFP

Entre samedi et dimanche, le taux de positivité a augmenté de plus de 12 000 cas ( soit une hausse de 4%). Lundi 5 octobre au soir 1400 malades du Covid étaient hospitalisés en « réa » , soit 1000 de plus qu’au soir du premier septembre. Selon l’Institut Pasteur si la trajectoire épidémique est linéaire, les hôpitaux de nombreuses régions seront débordés d’ici le 1er novembre. Chaque jour le nombre de patients hospitalisés augmente, chaque jour le nombre de cas graves est plus important. La question n’est plus de savoir s’il y aura ou non une deuxième vague mais si les hôpitaux seront en capacité d’y faire face, s’il y aura assez de lits de réanimation.

Hier des mesures extraordinaires étaient annoncées, notamment en Ile de France, pour le gouvernement il s’agissait de « freiner » la propagation de la Covid « avant que le système de soins ne soit débordé » en présentant un éventail de mesures répressives : fermeture des bars, des salles de sport, dans la lignée de la politique de responsabilisation individuelle et de régulation des loisirs plutôt que de l’économie, menée par l’exécutif depuis le déconfinement

Deuxième vague : après le scandale d’Etat des masques et des tests, celui des lits de réanimation ?

Au pic de la première vague, le nombre de lits de réanimation était monté jusqu’à 7000, soit 2000 de plus qu’en période habituelle. Le gouvernement a assuré qu’il était en capacité de faire monter ce nombre jusqu’à 12 000 mais sans que ni la direction générale de la santé (DGS) ni le ministère de la santé n’avancent aucun élément pour appuyer cette affirmation. Selon le Monde seule une note du ministère du 17 juillet viendrait étayer ce chiffre :« Seule trace d’un « plan », une note du ministère datée du 17 juillet qui recense région par région le nombre de lits de réanimation mobilisables. Le total atteint bien 12 515, mais pour y parvenir les hôpitaux devraient enrôler jusqu’à 24 000 infirmiers et 10 500 aides-soignants supplémentaires. Ce calcul n’est cependant que théorique. « Cette hypothèse nécessite de nombreux effectifs supplémentaires en personnel qui ne sont pas présents directement et ne peuvent pas être disponibles sur tout le territoire national en même temps », explique-t-on dans cette note. En clair : à aucun moment les auteurs n’imaginent que ces 12 000 lits de réanimation puissent être occupés simultanément. »

Cette promesse s’annonce donc dans les faits sans lendemain, sinon très hypothétique. Déjà confrontés à des difficultés pour recruter du personnel afin d’assurer l’ouverture des lits existants de nombreux hospitaliers se disent sceptiques. « Sur les 5 000 lits de réanimation en France, environ 10 % étaient fermés en avril faute de personnels. Aujourd’hui, c’est encore davantage », assure Laurent Heyer, secrétaire général du conseil national professionnel d’anesthésie-réanimation.

Un personnel épuisé en sous-effectif et des difficultés à recruter

Pour prévenir la deuxième vague, les hôpitaux se sont lancés à corps perdu dans une campagne de recrutement. A Paris, la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) estime qu’il manque toujours près de 450 infirmiers. A Marseille malgré le recrutement cet été de 150 infirmiers et aides-soignants 257 postes para-médicaux sont toujours à pourvoir. Les Hospices civils de Lyon ( HCL) ont estimé que 150 infirmiers et aides-soignants devaient être recrutés en urgence. Et la situation s’annonce plus difficile encore que pour la première vague, lorsque des renforts humains avaient pu être obtenus d’autres régions dans les zones les plus impactées par le virus, les clusters et les contaminations sont cette fois répartis sur l’ensemble du territoire et rendent ces transferts bien plus délicats.

A cette nouvelle difficulté territoriale s’ajoute l’épuisement de ceux qui ont lutté contre le virus pendant la première phase, en multipliant les heures au détriment des repos pour pallier à la pénurie en personnels et en moyens à laquelle l’hôpital est confronté du fait des politiques d’austérité qui lui sont imposées. « C’est très différent de mars, où tout le monde voulait aider, de nombreux soignants en ont marre, ils sont épuisés, la première vague les a cassés, on voit la lassitude », confie Stéphane Gaudry, hospitalier à Bobigny.

Une nouvelle fois les soignants devront faire preuve d’imagination et de détermination pour faire face dans un hôpital ou le personnel est de plus en plus abandonné à lui-même. A la sortie du confinement Charlotte, auxiliaire de puériculture, aide-soignante spécialisée pour les enfants et volontaire pour travailler dans le service Covid pendant la première phase nous racontait :« On est tout le temps en effectif minimum, donc dès lors qu’il y a un arrêt, un empêchement de dernière minute, nous nous retrouvons en sous-effectif. Les services deviennent de plus en plus lourds. On a du matériel qui casse et qui n’est jamais changé. On répare les choses nous-mêmes avec du sparadrap. On en arrive même parfois à venir avec nos propres outils pour réparer le matériel. Ils ne veulent pas racheter, pas réparer, parce que ça coûte trop cher. Toute la journée on nous dit que ça coûte trop cher. »

Aux difficultés de recrutements s’additionnent celles de la formation des nouveaux arrivants. En réanimation la période de formation est d’environ deux mois, il faut un an pour être autonome. « En matière de stress, c’est énorme ce qu’on demande à ces nouveaux arrivants » explique Sabine Valera, infirmière à l’hôpital Nord de Marseille au Monde. « On les balance dans le bain après quelques jours seulement de formation, avec deux patients à charge, heureusement nous sommes une grosse équipe, ils ne sont jamais seuls, mais cela peut quand même être terrible. ». Et ce d’autant plus alors que les services de réanimation ne sont pas des services comme les autres, les techniques y sont spécifiques, et les taux de mortalité beaucoup plus importants.

A rebours du Ségur des moyens pour les hôpitaux et vite

Le Ségur clôturé le 21 juillet dernier, était revendiqué en grande pompe par le gouvernement comme un accord « historique ». Pourtant le plan du gouvernement n’était absolument pas une réponse visant à répondre aux problèmes structurels de notre système de santé actuel, dénoncés par les soignant depuis de nombreuses années. Face à la colère de ces derniers et aux revendications qu’ils défendent, comme une réelle revalorisation salariale, une hausse générale et massive des moyens matériels et humains pour le système de santé, le gouvernement ne lâchait que des miettes. Et ce alors qu’on a vu les effets criminels de ces politiques avec la crise sanitaire dont la gestion gouvernementale a été une catastrophe, une gestion qui semble devoir se répéter pour la deuxième phase.

Emmanuel Macron, interpelé par des soignants mardi 6 octobre a rétorqué « On va tous y arriver. Je suis un fils d’hospitalier je n’ai pas envie de laisser tomber l’hôpital. Et si je me suis engagé à faire le Ségur et que derrière on l’a fait c’est parce que j’y crois. […] Mais là ce qu’il faut comprendre c’est que ça n’est pas qu’une question de moyens, c’est une question d’organisation ce que vous avez à vivre avec les unités Covid. Le Covid qui arrive ça n’est pas une question de moyens. On ne va pas créer des postes et des lits parce que le Covid arrive. [ …] Lorsqu’on crée des unités Covid, lorsqu’on libère des lits ça a un impact sur le reste de l’activité et c’est aussi ça que nos concitoyens doivent comprendre, parce que lorsqu’on a l’impression qu’il reste des lits disponibles ça pèse sur le reste de l’activité hospitalière ».

Il y a de quoi être scandalisé par ces propos. Face à la détresse hospitalière Macron nous répond par la logique du chiffre et nous explique que les activités essentielles de service public « pèsent sur le reste de l’activité ». Le 1 er octobre, dans un contexte de deuxième vague, la chambre des comptes de l’Occitanie publiait un rapport listant des recommandations pour le CHU de Toulouse parmi lesquelles la suppression de lits et de personnel médical pour palier à une « dégradation de la situation financière ». Entre les patrons, pour qui le gouvernement multiplie les dons qui se comptent en milliards depuis le déconfinement et l’hôpital public, nous savons qui Macron a choisi. Nous saurons également nous rappeler que Macron aura supprimé plus de 4000 lits pendant son mandat, qu’il aura répondu par le mépris à ceux qui ont risqué leur vie pour soigner les patients du covid leur expliquant que le problème n’est pas celui du budget quand les lits manquent, quand les soignants ont lutté et luttent encore désarmés, en sous-effectif, exténués.

Nous devrons donc apporter le plus massivement possible notre soutien aux soignants lors de la manifestation du 15 octobre prochain. Dans un communiqué commun la CGT-Santé, Sud-Santé, les urgentistes de l’Amuf, les infirmiers du SNPI, ainsi que les collectifs Inter-urgences et Inter-blocs appellent à la mobilisation :" Soyons mobilisé-e-s à Paris et ailleurs le 15 octobre 2020 ! Face à un gouvernement qui continue à communiquer qu’il maîtrise la situation et aurait réglé tous les problèmes grâce "au Ségur de la Santé". ce ne sont pas les augmentations de salaires, obtenues seulement pour certain-e-s, qui vont faire taire les professionel-le-s en colère. Les manques d’effectifs récurrents partout dans les services et les établissements sont INACCEPTABLES et doivent cesser"

Après les miettes octroyées par le Ségur, obtenues par la mobilisation des soignants au lendemain du confinement, il est temps de relancer un rapport de force à même cette fois d’imposer au gouvernement un grand plan d’investissement dans la santé. Le 15 octobre il sera impératif de sortir dans la rue aux côtés de ceux qui ont sauvé des vies pendant la première phase et continueront à en sauver pendant la seconde et qui à nouveau doivent essuyer l’irresponsabilité criminelle du gouvernement et des réformes de casse du service public à l’heure d’une nouvelle vague de contaminations.


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