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Enseignement supérieur et recherche

Amendements à la loi LPR : tournant dans la répression idéologique

Dans le cadre de l’offensive islamophobe et répressive du gouvernement, Blanquer avait ouvert un front accusant « l’islamo-gauchisme » présent dans les universités de complicité avec le terrorisme. Les derniers amendements du Sénat à la loi LPR matérialisent l’offensive à l’encontre du monde universitaire.

Emile Causs

31 octobre 2020

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Déjà que LPR était loin d’être à la tendance dans le milieu universitaire, un nouvel amendement de la député LR Laure Darcos avec l’appui de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, accentue mécontentement et inquiétude chez de nombreux universitaires. Ce fameux amendement adopté par le Sénat stipule que les recherches scientifiques devront désormais «  s’exprimer dans le cadre des valeurs de la République  » et que « ces valeurs, au premier rang desquelles la laïcité, constituent le socle sur lequel reposent les libertés académiques et le cadre dans lequel elles s’expriment ». Cette formulation, rabâchée à toute les sauces ces dernières semaines (pour le moins floue et qui ne montre pas à première vu sa réelle intention) est une menace certaine pour la liberté et l’indépendance de la recherche. Alors même que cet amendement cherche à faire illusion en se disant renforcer l’article du code de l’éducation, affirmant la totale indépendance et liberté des enseignants chercheurs dans l’exercice de leur fonction, sa nature réelle est trahie par les mots de Jean Michel Blanquer lui-même. En effet, lors de la commission du Sénat du jeudi 22 octobre, ce dernier envisage de définir « une matrice initiale, parfaite, impeccablement réglée  » pour les enseignements, effectuée à l’université.

Cet amendement du 28 Octobre vient en cela exécuter les pensées de Jean-Michel Blanquer qui a lancé (a chasse aux islamo-gauchiste, mythe inventé de toute part par l’extrême droite affolée du « grand remplacement ». Dans sa lutte contre le séparatisme et le terrorisme, le gouvernement étend sa répression à la production de savoir et tend à faire advenir toute critique du gouvernement, de la république dans son présent et son passé illégal. A valeur d’exemple dans le Journal Du Dimanche Jean Michel Blanquer s’en prend notamment aux théories américaines intersectionnelles qui cherchent a donner une explication des oppressions systémiques telles que la racisme ou le sexisme toujours profondément ancrés à notre société. Ces élaborations sont à discuter, mais ont la vertu de remettre en cause les fondements de la république en déterrant par exemple son passé colonial, et c’est à cela que le gouvernement veut s’attaquer : censurer toute pensée critique à sa ligne et réécrire l’histoire pour son intérêt pour légitimer sa chasse aux sorcières islamo-gauchistes. 

En cela cet amendement menace les débats universitaires, déjà fortement entamés ces dernières années, par un pur sophisme de rendre complice de terrorisme les pensée critiques de gauche.

De plus, le Sénat va plus loin avec un deuxième amendement tout aussi grave : toute personne pénétrant dans l’enceinte d’un établissement supérieur sans habilitation, «  dans le but t’entraver la tenue d’un débat dans les locaux, est puni d’un an d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende ». Cette fois-ci une conséquence claire, la répression, mais encore une formulation floue qui noie le poisson. Cet amendement répond directement à des situations comme celle de la conférence de François Hollande à Lille annulé suite à une mobilisation d’un collectif étudiant peu après l’immolation d’Anas contre la précarité, à laquelle le dernier gouvernement socialiste n’a rien fait si ce n’est l’aggraver. L’objectif est clair : dissuader toute mobilisation politique de la part des étudiants dans un contexte social tendu.

Dans la mesure où cela se mêle avec un nouveau confinement dont les allures de boulot-métro-dodo ont du mal à rester cachées, ce nouveau pas répressif dans le domaine de la production du savoir en vient à être une nécessité et est loin d’être le fruit du hasard. Les crises que nous vivons depuis les gilets jaunes ne font qu’exacerber le réel visage du capitalisme : la casse de l’hôpital publique se révèle à l’heure de la crise sanitaire meurtrière, sa gestion n’est pas en reste car le gouvernement incapable de nous proposer un plan sanitaire à la hauteur fait preuve de répression et d’autoritarisme ; les plans de relance de l’économie qui octroient des milliards aux grandes entreprises tout en licenciant par milliers dans le même temps ; le racisme systémique s’exprime de plus en plus par les violences policières et l’islamophobie ambiante au gouvernement ; l’augmentation exponentielle de la pauvreté et l’enrichissement toujours plus grand d’une minorité de la population ; la crise écologique qu’engendre le capitalisme etc ; bref un tout qui devient de plus en plus lisible, où les colères s’engendrent dans les différentes mobilisations de ces dernières années mettant par là à mal l’hégémonie de l’idéologie dominante garantie par l’État.

Dans l’enseignement supérieur, la LPPR est bien une loi darwinienne qui va élitiser, précariser, privatiser et contrôler la production de savoir alors même que dans ces moments de crises celle-ci pourrait avoir un rôle bien plus important. L’université est pour l’État une instance d’importance vitale lui permettant de s’assurer une hégémonie idéologique et sa reproduction par le savoir diffusé. Avec ces multiples crises, l’hégémonie de l’État a pris un coup ; il y a un intérêt énorme pour le gouvernement de se l’assurer avec l’accentuation des contradictions du systèmes et l’augmentation certaine des productions critiques, ceci passe forcément par un contrôle répressif et ce projet de loi répond parfaitement à cela en les encadrant dans le cadre des valeurs de la République.

A l’heure où les universités ferment de nouveau suite au confinement, le gouvernement avec la LPPR prend de l’avance sur les mobilisations à venir, qui s’annoncent certaines au vu du contexte, en tentant de museler les pensées critiques et empêcher toute forme d’organisation. Ceci n’est pas nouveau, au contraire cela s’inclut dans un processus de destruction des organisations étudiantes avec leurs traditions et des productions de savoirs critiques qui relèvent aujourd’hui d’un véritable parcours du combattant. Le gouvernement ressert l’étau autour des universités souffrant déjà d’un manque de moyens chronique qui les a notamment empêchées de mettre un plan sanitaire à la hauteur de la situation, faisant des universités le second lieu avec le plus de clusters, ou même d’anticiper ce nouveau confinement. Six mois après, les enseignants et les étudiants vont devoir encore une fois bricoler avec les moyens, ne faisant que renforcer précarité, misère et sélection. 
 
Aujourd’hui, il s’agit de rompre avec la gestion de la misère, position dans laquelle de nombreuses forces progressistes se retrouve dans le monde universitaire. Les organisations de gauches ne peuvent plus rester passives dans la situation. Au contraire, dans cette période historique de profond chamboulement, il nous faut renouer avec le meilleur des traditions politiques de la jeunesse étudiante, en nous appuyant notamment sur les théories marxistes qui apportent tant sur le plan théorique qu’organisationnel, en s’attachant à rouvrir les débats stratégiques nécessaires pour faire face aux attaques. Ce sont les perspectives que nous proposons dans les Universités où nous nous organisons dans des regroupements anticapitalistes et révolutionnaires, comme Onzième Thèse ou Le Poing Levé.


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