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Anticapitaliste, antiguerre, contre les violences policières : Roger Waters enflamme Bercy

Roger Waters était cette semaine en tournée à Paris. L’occasion de rappeler, que l’icône de Pink Floyd n’a rien perdu de sa voix, ni de son engagement contre la guerre, les violences policières et les inégalités.

Arthur Nicola

6 mai 2023

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Anticapitaliste, antiguerre, contre les violences policières : Roger Waters enflamme Bercy

Brennan Schnell from Canada, CC BY 2.0

Dès le début du concert, Roger Waters, 79 ans, annonce la couleur : « si vous êtes un de ceux qui disent « j’adore Pink Floyd, mais je n’en peux plus des avis politiques de Roger », vous ferez mieux d’aller vous faire foutre au bar » ! Le ton est lancé, et, déjà, Le Figaro, présent dans la salle, n’en peut plus, critiquant une voix « pleine de haine ». Qu’un artiste de classe mondiale, ayant marqué l’histoire musicale, fasse de la politique et puisse délivrer un message politique, les réactionnaires n’en veulent pas.

Le concert s’ouvre sur Comfortably Numb, accompagné d’un court métrage digne des films qui ont souvent accompagné les disques de Pink Floyd. Les deux heures et demi qui suivent sont à la fois un concert, un show cinématographique et un meeting politique. Il faut dire que les engagements de Roger Waters, notamment contre la guerre, ont marqué ses albums. Sur l’écran géant, les portraits des présidents américains depuis Reagan, bien évidement Trump mais aussi Obama et Biden s’affichent, rappelant les crimes de guerre de l’impérialisme américain : l’invasion du Guatemala, du Salvador, de l’Irak, l’utilisation massive des drones… A chaque nouveau portrait, les spectateurs sifflent.

L’engagement contre la guerre, au cœur de l’album The Final Cut, écrit juste après le début de la guerre des Malouines, revient sur scène plus tard, avec une magnifique interprétation de son dernier titre Two Suns in the Sunset, dénonçant les risques d’apocalypse nucléaire. Au piano, à la guitare ou à la basse, comme au micro, l’artiste n’a rien perdu de son talent et ne cesse d’impressionner. A 79 ans, la voix du rocker a autant de coffre que dans les années 1970.

C’est aussi les violences policières qui sont au cœur du spectacle : alors que Run Like Hell est joué, les noms de victimes de la police s’enchaînent sur le grand écran. Adama Traoré, Mahsa Amini, Philandro Castille, George Floyd, Stanislav Tomas… tous « punis de morts » pour « être noir », « être une femme » ou encore « être roumain ». The Powers That Be, et The Bravery of Being Out Range, issus d’album solo continuent la lancée de ces titres dénonçant la répression des mouvement sociaux. « We all need rights » s’affiche sur le grand écran, évoquant les droits des réfugiés, palestiniens, yéménites, personnes trans, ou les droits reproductifs.

Le concert reprend de nombreux tubes du groupe, et la voix du chanteur touche droit au cœur les spectateurs, les larmes aux yeux alors que Wish You Were Here résonne en même temps que des souvenirs du chanteur sur les débuts du groupe s’affichent sur grand écran, évoquant des discussions avec Syd Barrett, avec qui Roger Waters a fondé les Pink Floyd. Une émotion intense, c’est ce que l’on ressent lorsqu’on écoute ces morceaux qui ont accompagné des moments plus ou moins dur de la vie de millions de personnes. L’album Dark Side of The Moon est joué pratiquement en entier, alignant les morceaux, avec l’exactitude presque mathématique de ces titres mythiques.

Pour ce qui pourrait être ses deux derniers concerts à Paris, Roger Waters persiste et signe dans ses engagements politiques. Une bouffée d’air frais pour les fans, dont plusieurs lancent un « Macron démission » au milieu du concert, repris par quelques dizaines de spectateurs. Un discours anti-élite, anticapitaliste, anti-impérialiste continue, alors que deux cochons gonflable télécommandés font le tour de l’Accord Arena de Bercy, symbole repris de La Ferme des Animaux de George Orwell. « Kill the Poor » est inscrit sur l’un deux, avec les logos d’entreprises militaires américaines comme Lockheed Martin ou Ratheon, alors que In The Flesh est joué sur scène.

L’ensemble est servi par un très talentueux groupe, dans lequel se détachent la virtuosité des solos de Dave Kilmister à la guitare ou de Seamus Blake au saxophone, mais aussi la batterie de Joey Waronker, et par une scénographie et une sonorisation impeccable, donnant une ampleur impressionnante à l’ensemble des morceaux. De quoi faire de ce concert d’adieu un show inoubliable, autour de celui qui est peut-être le dernier témoin de l’immense politisation qui avait accompagné le rock des années 1970, et qui, contrairement à d’autres, ne s’est pas rangé politiquement. Pour certains, ça ne passe pas avec l’âge, et tant mieux.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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