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Vers un coup d'Etat ?

Après l’échec de son « Jour J », Guaido appelle une fois de plus à une intervention militaire au Vénézuela

Alors que se tient la réunion du groupe de Lima sous l'égide de Mike Pence, retour sur la démonstration ratée de Juan Guaido lors du "Jour J", ce samedi 23 février, suite à laquelle l'auto-proclamé président a réclamé une intervention militaire.

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L’appel à l’intervention armée après la défaite du Jour J

A la suite de l’échec du 23 février, "Jour J" lors duquel Juan Guaido avait promis de faire pénétrer au Venezuela des camions chargés d’aide humanitaire américaine, malgré l’interdiction émise par le gouvernement qui y voit le prémisse d’une intervention armée des Etats-Unis, celui qui s’est auto-proclamé président du Venezuela par interim a affirmé avec une audace impressionnante : « Les événements du jour me forcent à prendre cette décision : demander formellement à la communauté internationale que toutes les options soient ouvertes pour assurer la liberté de notre pays qui se bat et qui continuera à se battre ». Sur le même ton, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a insisté également une fois de plus sur le fait que « toutes les options sont sur la table. Nous ferons le nécessaire ».

Ces appels ouverts à une intervention directe démontrent une fois de plus toute l’hypocrisie de « l’aide humanitaire », mise en scène le 23 février, mettant à nu la façade d’une intervention impérialiste des plus flagrantes. En vérité, les fonctionnaires américains et la droite vénézuélienne ont cherché toutes les justifications possibles pour défendre cette option. Marc Rubio, le sénateur républicain de Floride s’est consacré, après la journée du 23, à débusquer un casus belli qui aurait pu justifier une réponse militaire en mentionnant une série de « faits » totalement inventés, évoquant par exemple un prétendu échange de tirs du côté du Venezuela à proximité de la frontière colombienne.

Dans ses déclarations au milieu de l’après-midi du samedi, Guaido s’est limité à parler d’un « jour de résistance », loin du ton qu’il employait jusqu’à présent, notamment toute cette semaine, où il avait directement parlé du samedi comme d’un « jour J », avec pour grand défi de parvenir à provoquer une rupture au sein des forces armées bolivariennes, dernier pilier du pouvoir de Maduro.

Au final, à la fin de la journée, Guaido n’avait rien à montrer, à l’exception d’un camion contenant quelques colis qui est entré depuis la frontière brésilienne et de l’affirmation que « des dizaines » de militaires auraient déserté, affirmation dont il n’a pu prouver que moins d’une dizaine de cas concrets.

Au cours d’une journée qui a fait au moins deux morts et de très nombreux blessés liés à la répression gouvernementale au Sud de l’Etat de Bolivar, à proximité de la frontière avec le Brésil, il y a eu beaucoup d’autres blessés par les gazs lacrymogènes et les tirs de plombs à la frontière colombienne, visant à empêcher le passage de l’ « aide humanitaire ». Pourtant, en réalité, tout ceci n’a aucune importance pour Guaido. Le « jeune souriant » qui se faisait passer pour un bon samaritain a très vite montré les dents suite à son échec du samedi, en appelant à une intervention militaire directe.

L’impérialisme et la droite latino-américaine main dans la main avec Guaido

La droite locale s’est offerte à l’impérialisme pour réaliser ses objectifs, et a tout misé sur l’idée qu’avec Trump, elle pourrait avancer vers son but dans la perspective d’un coup d’Etat. C’est pour cette raison que se sont jointes à elle toute la droite continentale et celle des autres pays impérialistes, notamment européens. Tous considéraient qu’avec un encerclement de cette ampleur, ils finiraient par provoquer une fissure au sein des forces armées, pilier central du régime de Maduro.

Il est désormais tellement clair que tout a été organisé par l’impérialisme américain que même des politiciens de droite d’autres pays ont noté qu’il était évident, dans l’opération d’hier, que le rôle des gouvernements sud-américains s’estompait derrière la direction claire du gouvernement de Trump et de ses évêques, tels que le sénateur réactionnaire Marc Rubio.

Ainsi, si l’opposition de droite s’est infligée une défaite, c’est aussi et surtout le cas pour l’impérialisme américain. Tous ses responsables s’étaient déplacés à la “base d’opérations” de Cucuta [en Colombie]. John Bolton, conseiller américain à la sécurité nationale de l’administration Trump, a affirmé qu’il avait « annulé son voyage en Corée du Sud » dont l’objectif était une négociation avec la Corée du Nord ; Elliot Abrams, le polémique fonctionnaire américain connu pour être l’un des organisateurs des différentes interventions militaires américaines au Nicaragua ou encore de la tentative de coup d’Etat contre Chavez en 2002, s’était également déplacé. Le président chilien Sebastían Piñera s’est empêtré jusqu’au cou en se déplacant jusqu’à la frontière, et, tard dans la nuit, tandis que le secrétaire général de l’Organisation des Etats d’Amerique, Luis Almagro, était présent en tant que “représentant” de la communauté internationale et latino-américaine.

Pour le déploiement de forces et de ressources effectué et les attentes fixées autour du 23, les résultats obtenus ne représentent rien, d’autant plus si on tient compte que l’action avait été directement organisée par la principale puissance impérialiste au monde, les Etats Unis. Guaido est même allé jusqu’à invoquer Chavez, dans un geste de démagogie désespérée, impensable quelques heures auparavant, en déclarant « je doute que Hugo Chavez accepterait ce que Maduro a causé au Vénézuela et aux forces armées nationales ».

La situation est donc marquée par un fiasco politique, du moins pour l’instant. Dans cette situation, la droite pourrait s’aventurer vers d’autres « options » comme ils l’ont souligné samedi soir. Pourtant, ce revers aura probablement des répercussions au sein même de l’opposition qui avait parié sur Guaidó le 23 janvier. Le temps joue contre eux et permet à Maduro de respirer un peu, alors que le "coût politique" de cette opération a été faible pour le président du Venezuela.

Pour autant, de son côté, bien que le gouvernement de Maduro ait voulu revendiquer la défaite du coup d’Etat comme un triomphe en soi, cette lecture est loin de la réalité. La droite a pu utiliser démagogiquement l’entrée de "l’aide humanitaire" en s’appuyant sur la catastrophe sociale que vit le pays. Pour leur côté, les appels aux militaires reposent sur le fait que les Forces armées sont aujourd’hui l’arbitre de la situation politique. Maduro dépend d’elles pour rester au gouvernement, tout autant que Guaidó pour forcer un coup d’Etat et prendre le pouvoir.

Aujourd’hui, le groupe de Lima se réunit à Bogota, sous l’égide de Mike Pence, vice-président des États-Unis -bien que les Étas-Unis ne fassent pas formellement partie du dit groupe même s’il en tire les ficelles- pour s’accorder sur de nouvelles sanctions envers le Vénézuela. Guaido, accompagné du Président colombien Ivan Duque et du Secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, a annoncé qu’il participerait lundi « à ce sommet, à ce groupe, à cette réunion du Groupe de Lima, pour rencontrer tous les ministres des affaires étrangères de la région et aussi le vice-président des États-Unis, Mike Pence. »

Le fait qu’un vice-président de la plus importante puissance impérialiste se rende en Colombie lundi pour ajuster le plan d’intervention montre l’étendu de l’offensive pour un coup d’Etat. Toute la droite la plus rance du continent sera au rendez-vous aux côtés de Mike Pence.

Face à ce scénario, qui n’est pas encore clos, il faut d’abord affronter ces tentatives de coup d’Etat et l’offensive impérialiste, qui n’implique pas le moindre soutien politique à Maduro.

Il est impératif que les travailleurs et les exploités d’Amérique latine se mobilisent contre cette tentative d’avancée impérialiste au Venezuela qui ne fera que renforcer les droits régionaux et les attaques menées dans chaque pays comme Macri en Argentine, Bolsonaro au Brésil, Duque en Colombie ou Piñera au Chili.


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