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Justice de classe

Après la garde à vue d’un Gilet jaune, ses enfants ont été placés en foyer

« Ils ont pris ses enfants, sans plainte, sans enquête des services sociaux, sans jugement », s'est indigné un Gilet jaune sur les réseaux sociaux. A Belfort, le 24 avril, les deux enfants d’un Gilet jaune ont été retirés de leur foyer puis placés provisoirement. Cette décision du parquet fait suite à une garde à vue du Gilet jaune pour avoir posté des messages Facebook. Ce serait pour « état d'insalubrité extrême » du logement que les enfants ont été placées. Des proches du Gilet jaune réfutent l’accusation.

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Crédit photo : AFP

L’affaire a rapidement pris de l’ampleur, superposant deux problématiques : la première, relevant de l’arrestation d’un militant gilet jaune pour avoir posté des messages Facebook ; la seconde, celle du placement temporaire de ses enfants en foyer. Une justice des plus expéditives qui interroge.

En garde à vue pour des posts Facebook

Le 24 avril au matin, à 6h30, Jonathan, Gilet Jaune (street-medic) et mitant breton, est perquisitionné à son domicile, avant d’être arrêté et placé en garde-à-vue pour avoir posté des messages Facebook qui, selon le parquet, appelleraient à commettre des violences envers l’État. Selon Check News, de Libération, qui a interrogé le parquet : « L’un appelait à s’armer contre l’autorité de l’Etat […] et plusieurs autres constituent des provocations à commettre un délit ou un crime. »

Ces posts facebook, LCI n’a pu les retrouver, précisant dans un article consacré à la question : « Malgré nos recherches, nous n’avons pas retrouvé les posts incriminés. Ils peuvent avoir été effacés ou ne pas apparaître sur des pages ou des groupes publics, le compte a également pu être bloqué ou supprimé. » Plus surprenant encore, ce sont des propos qui sont visés, et nullement des actes, ce que confirme également le procureur : « Il n’est pas question de faits de violences contre les forces de l’ordre », a précisé le procureur de la République de Belfort à Check News.

En somme donc, une perquisition à 6h30 du matin et une procédure en justice pour quelques posts Facebook qui auraient appelé à la violence ou à la provocation. Motif pour le moins surprenant quand des individus comme Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation, se permet d’inciter l’État à tirer à balles réelles sur les Gilets Jaunes sans que cela ne produise pas le moindre émoi médiatique ou juridique. Ou même quand les policiers qui commettent, actes après actes, de véritables actes de barbarie, équipées de LBD, considérés comme des armes de guerre, ne sont nullement inquiétés.

En définitive, une nouvelle fois, alors que les violences policières restent toujours impunies malgré les milliers de blessés et centaines de mutilés, une énième garde à vue pour un post Facebook, une expression de plus de la justice de classe.

Les deux enfants du Gilet jaunes enlevés aux parents

C’est dans un second temps que les enfants de Jonathan ont été placés en foyer suite à la perquisition, le procureur évoquant, sans plus de précision « l’insalubrité » du logement de Jonathan et affirmant que les enfants présentaient des « carences éducatives manifestes qui font que le développement physique et affectif des enfants semblent compromis ». Nombre de messages et posts Facebook se sont rapidement indignés de telles mesures, pour le moins expéditives, qu’il s’agisse de l’arrestation pour des posts Facebook ou du placement en foyer de ses deux filles âgées de 3 et 5 ans.

Ainsi, ce qui a contribué à faire prendre une telle ampleur à l’affaire, c’est que les deux filles de Jonathan ont été placés suite à la perquisition. Comme le rapport Check News : « A l’issue de la perquisition, un compte rendu a été fait au parquet sur l’état de l’habitation […] Les conditions dans lesquelles vivaient les enfants ont donné lieu à une réaction du parquet. »

Là encore, le caractère expéditif avec lequel la procédure a été effectuée ne peut que surprendre. Outre le peu d’éléments avancés par le procureur, des témoignages de Jonathan et de ses amis remettent largement en cause la version des faits établis par les policiers et le procureur. Check News rapporte extensivement les propos d’un ami de Jonathan, qui dément formellement le caractère « insalubre » du logement. Plus encore, ce dernier s’interroge explicitement sur la nature de classe du jugement proféré contre Jonathan : « J’ai vu cet appartement il y a quelques semaines, ça ne m’a pas paru crade […]. Faut voir ce qu’ils jugent insalubre, tout le monde n’a pas forcément les mêmes moyens. On roule pas sur l’or. » (nous soulignons).

De même, Alan le Bris, père de Jonathan, évoque lui aussi des détails surprenants qui auraient servi aux policiers à juger « insalubre » le logement de Jonathan, revenant sur le déroulement de la perquisition. Ses propos sont rapportés par LCI : « Avant l’arrivée de la police et la perquisition, l’appartement était tout à fait correct, assure-t-il. C’est facile quand on répand les poubelles dans l’appartement, les déjections du chat, qu’on casse tout. Et puis, il y a le pauvre chien qui s’est oublié dans le couloir. A 6h30 du matin, il a eu peur, alors il s’est lâché et allez hop ! Photo. » Il poursuit son énumération : « Ils ont deux frigos dans la cuisine, les deux marchent mais l’un deux n’a pas de lumière à l’intérieur. Du coup, les policiers ont déclaré qu’un frigo ne marchait pas. C’est incroyable mais vrai. Ce sont des détails comme ça. »

Un autre témoin, dont les propos sont rapportés encore par LCI, abonde dans ce sens : « Un ami de Jonathan Le Bris, lui aussi street-medic au sein du mouvement des Gilets jaunes, assure également que l’insalubrité n’est pas avérée. "J’ai eu l’occasion d’aller chez lui personnellement", nous précise cet ambulancier installé dans la région depuis un an et demi. "Je ne suis pas du tout d’accord sur ce constat. Je vois beaucoup de logements dans le cadre de mon travail, des logements insalubres j’en ai vu, dans certains cas c’est critique, mais rien de comparable avec l’appartement de M. Le Bris", avance Jean-Jacques Bialon. "Je ne vais pas mentir, je ne dis pas qu’on pourrait y manger par terre mais dire qu’il est insalubre est vraiment exagéré." L’ambulancier affirme par ailleurs avoir "déjà été appelé au tribunal en tant que témoin" dans le cadre d’un placement provisoire d’enfant. »

Plus encore, Jean-Jacques Bialon affirme qu’il a déjà « passé deux heures » en compagnie des deux filles, « elles s’exprimaient correctement et ne présentaient aucune carence alimentaire. » « J’ai lu quelque part que l’aînée de 5 ans portait encore des couches. Bon, ce n’est pas pour cela que l’on retire un gamin de son foyer, d’autant plus qu’il n’y a eu aucun signalement de l’école », explique-t-il à LCI. « Que Jonathan soit poursuivi pour les menaces proférées, je comprends, mais pas le placement. »

Ainsi, au vu de l’ampleur prise par l’affaire, deux points particulièrement interrogent. Si le placement en garde à vue pour un post Facebook est devenu un classique de la justice de classe, c’est le fait que des enfants du Gilet jaune soit placés, soi-disant dans le cadre d’une enquête indépendante de la première, qui est sans précédent, le tout sans enquête préalable ni aucun signalement de l’école. Surtout les témoignages cités par la presse démentent formellement les accusations d’insalubrité ayant mené au placement, temporaire, des enfants de Jonathan. Le juge pour enfants recevra la semaine prochaine les parents afin de statuer sur leur sort.

Dans tous les cas, la double procédure, pour le moins expéditive, relève nettement d’un traitement différentiel, un traitement de classe, qui, à la fois cible directement, et expédie des procédures de placement d’enfants, la justice jugeant « insalubre » suivant des critères pour le moins flous des conditions de vie. C’est dans ce contexte que son père exprime l’hypothèse selon laquelle Jonathan dérange, parce qu’il est Gilet jaune, mais aussi parce qu’il est indépendantiste breton. « Il est en procès contre l’Etat français pour faire reconnaître sa nationalité bretonne », affirme-t-il. « Ils ont trouvé une faille, c’est vraiment pour le faire taire. C’est une affaire politique », continue-t-il.

Quoique puisse être les justifications politiques de cet acharnement judiciaire contre le Gilet jaune et sa famille, une chose est claire : cette justice des plus expéditives est une nouvelle expression de la justice de classe. Une justice qui condamne les Gilets jaunes plus vite que son ombre. Dans le même temps, Benalla passera son 1er mai libre comme l’air.


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