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Valls menace de ne plus appliquer la directive européenne sur les travailleurs détachés

Après le Brexit, Valls joue l’eurosceptique

Alors que le Brexit ravive les braises eurosceptiques, aucun politicien ne veut apparaître comme trop « pro-UE » à la veille de 2017. C'est pour ces raisons, d'abord politiques, que l'on peut comprendre la déclaration de Valls, menaçant de ne plus appliquer la directive concernant les travailleurs détachés. Bien que la France et l'Allemagne, notamment, aient dernièrement montré une volonté de limiter cette dernière, c'est la première fois que le premier ministre – donc l'exécutif – la remet en cause dans son intégralité. Le FN n'est plus seul sur le terrain de jeu… G.Gorritxo

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Quelques explications

Cette directive européenne, qui existe depuis 1996, permet en théorie à un travailleur d’une entreprise de l’UE d’être « détaché » dans un autre pays de l’UE, temporairement, pour une mission précise (formation, commerciale, etc.). Ce travailleur détaché travaille alors selon les conditions de travail du « pays d’accueil » (salaire minimum, temps de travail, hygiène et sécurité, …), mais les cotisations patronales seront par contre celles de son « pays d’origine ».

Dans la réalité, c’est surtout un excellent moyen de pratiquer le « dumping social », la mise en concurrence des travailleurs européens. Un bon moyen de pression sur les salaires, surtout pour le patronat des pays de l’Europe de l’Ouest. En France, il y aurait plus de 280.000 travailleurs détachés, en nette augmentation (cf tableau ci-dessous, selon le journal Les Échos), notamment dans le BTP, mais aussi dans l’agroalimentaire. Ce sont en majorité des travailleurs polonais, espagnols, portugais et roumains qui sont concernés. 

On a donc du mal à comprendre le discours du gouvernement qui, par la voix de la députée rapporteure générale au Budget Valérie Rabault (PS), affirme que « contrairement aux idées reçues, c’est le salarié français payé au niveau du SMIC qui coûterait moins cher à son entreprise que son équivalent polonais ou portugais détaché en France. » Expliquant qu’avec les cadeaux de ces dernières années (CICE, Pacte de responsabilité…), « les cotisations patronales ne sont désormais plus que de 10% du montant du salaire brut pour un salaire au SMIC contre 20% en 2007 et 2012. »

Si l’on en croit le PS, pourquoi alors les patrons auraient-ils besoin d’utiliser ce système ? Et mieux, pourquoi le PS l’a-t-il lui-même utilisé pour la mise en place de son Université d’été ? (Non non, pas celle de cette année, puisqu’ils l’ont annulé, mais en 2015 à La Rochelle).

C’est simple. Parce que cela n’est pas qu’une affaire de « cotisations patronales », plus ou moins élevées selon les pays, mais permet de payer au SMIC, sans autre prime ni avantages, sans risques de « réclamation », et surtout de multiplier les abus, en explosant le temps de travail, les cadences, etc. en utilisant le peu de contrôle d’une part, et d’autre part le fait que des travailleurs venant d’un pays où le salaire minimum peut être bien inférieur est plus propice à accepter de telles conditions de travail.

Les travailleurs détachés, ou comment se donner une posture à la fois eurosceptique et sociale à moindres frais

Mais ce levier est à double tranchant pour les États de l’Europe de l’Ouest. Premièrement, il n’est pas non plus une mine d’or, ou en tout cas pas le meilleur moyen d’exploiter de la main-d’œuvre. Au rythme où pleuvent les crédits d’impôt et les lois Macron, Rebsamen et El Khomri, le patronat se voit de mieux en mieux exploiter de la main-d’œuvre bien française. 

De plus, les travailleurs détachés représentent autant de cotisations qui ne vont pas à l’État, mais au « pays d’origine ». 

C’est ainsi qu’on peut comprendre la posture de l’Allemagne et de la France, qui veulent limiter la directive. Ce qui s’est traduit par une proposition de la Commission Européenne de la modifier, pour y inclure le principe du « à travail égal, salaire égal », soit le fait de prendre en compte les primes, conventions collectives, etc. qui s’appliquent aux travailleurs de l’entreprise. 

Ce que les pays de l’Europe de l’Est (et le Danemark) ont rejeté, par une procédure de « carton jaune » (oui, c’est vraiment son nom), « obligeant » la Commission Européenne à revoir sa copie. Ces pays font valoir le « principe de subsidiarité ». Autrement dit, pour eux, c’est aux États de gérer ces questions et non à l’UE.

Ce à quoi Valls répond que la subsidiarité peut marcher dans les deux sens, expliquant que la France pourrait très bien ne pas appliquer la directive. Et de surenchérir avec la possibilité de faire cotiser les travailleurs détachés en France, c’est-à-dire remettre en cause cette directive.

Une chose est sûre, quand les différents pays se renvoient l’argument de la subsidiarité, nous sommes face à un symbole supplémentaire du déclin de l’UE. 

Et alors qu’un des enjeux centraux de 2017 sera de ne pas oublier les « eurosceptiques » (les « travailleurs détachés low-cost » étaient d’ailleurs au cœur de la campagne des pro-Brexit), on voit mal comment le personnel politique français pourrait « réenchanter l’Europe »...

La droite et le centre prennent d’ailleurs déjà les mêmes postures, respectivement par les voix de Wauquiez et de Morin, faisant mine de mettre en place la « préférence locale », contre les travailleurs détachés, dans leurs régions respectives.


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